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Les sciences et la sagesse ?

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« L'idée de sagesse semble comporter une double interprétation : — interprétation humaniste, dans laquelle le sage est celui qui fonde essentiellement la conduite sur la nature humaine, — et même, interprétation individualiste, car il s'agit moins de la nature humaine en général que de la nature humaine en chaque homme : le sage est celui qui se connaît lui-même (Socrate). — interprétation naturaliste, d'accent panthéiste, car le sage est aussi celui qui fonde sa conduite sur l'ordre universel des choses (stoïcisme, spinozisme). En fait, ces deux aspects de la sagesse sont étroitement unis, comme en témoigne l'histoire, et de façon éclatante, avec un Spinoza, qui pose à la fois « l'essence particulière affirmative », et la fascinante unité de la substance.

On pourrait donc dire qu'il n'y a pas à choisir quand on opte pour une morale de la sagesse, entre la sagesse de l'humanisme et la sagesse du naturalisme, car en définitive toute sagesse consiste dans l'harmonie de la nature intime de l'homme et de la nature extérieure et universelle : c'est la correspondance de la nature en nous et de la nature hors de nous.

Selon les auteurs, l'accent est mis sur le premier ou le second aspect, mais aucun d'eux n'est totalement méconnu; à partir de l'un on retrouve finalement l'autre.

Peut-être pourrait-on dire en ce sens que chez Montaigne la sagesse de l'homme se complète par une sagesse de la nature, et qu'inversement chez Rabelais la sagesse de la nature aboutit à une sagesse de l'homme. Mais s'il est possible à des morales qui ne sont que des morales de doser différemment l'apport de la nature humaine et celui de la nature universelle, il fait partie d'une sagesse complète, d'appuyer la morale, ou règle de l'action, sur la métaphysique, ou connaissance de l'être.

De ce point de vue, la sagesse ne peut pas laisser un rapport quelconque s'établir entre l'homme et la nature.

La première maxime de la sagesse c'est que l'homme n'est pas un empire dans un empire, et donc que la nature intime de l'homme doit se subordonner à la nature universelle.

De là les impératifs caractéristiques de la sagesse : la patience, la résignation, le « supporte et abstiens-toi », etc... L'idéal de la sagesse se meut donc étroitement dans la sphère de l'immanence : immanence de la nature humaine, immanence de la nature universelle, immanence de la nature humaine à la nature universelle.

Il semble donc que la sagesse se trouve, comme le veut l'étymologie, en harmonie préétablie, en coopération, et même en union, avec la science, qui, elle aussi s'enferme délibérément dans les limites de la nature, définie comme un ordre de la réalité (la nature, ensemble de lois), comme la sagesse est l'ordre dans la conduite.

Au double point de vue de l'immanence et de l'ordre, science et sagesse se trouvent donc intimement rapprochées. Mais avec l'affirmation cartésienne d'une physique mathématique dont le résultat est de rendre l'homme maître et possesseur de la nature, le rapport de la nature humaine et de la nature universelle va être inversé.

L'idée d'une science qui comprend à titre de partie intégrante l'exploitation technique des ressources naturelles, la transformation immédiate de l'homo sapiens en homo faber, ne laissent plus de place à l'ancien idéal de subordination de la nature humaine à la nature universelle.

Le désarroi de la pensée de Descartes se traduit par la création d'une morale qui ne peut être que provisoire, parce que la conscience morale, s'étant laissé distancer par la conscience intellectuelle, ne parvient pas à promouvoir d'emblée les nouvelles valeurs requises par le caractère révolutionnaire de l'entreprise prométhéenne, et se voit réduite à la problématique des anciennes valeurs, reconduction du type stoïcien, la valeur de ces valeurs ne dépassant à aucun moment le niveau de la simple commodité. Il y a donc un hiatus chez Descartes, entre la science et la sagesse.

Et si chez Spinoza l'unité de la science et de la sagesse se trouve rétablie, ce ne peut être qu'à la faveur d'un retour à une conception pré-cartésienne de la connaissance, qui n'est plus du type conquérant mais du type contemplatif. Ne pourrait-on ajouter que la fêlure de la prétendue sagesse goethéenne tient précisément au conflit de l'imagination panthéiste (qui vise à l'absorption de l'individualité au sein de la totalité), et de l'ambition prométhéenne et faustienne, — car Prométhée et Faust sont bons parents, en ceci que Prométhée se dresse contre les dieux, et que Faust s'allie avec Méphistophélès? SUPPLEMENT: Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.

Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de la technique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ». Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde. Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sa compréhension antérieure.

Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : la scolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de la doctrine d'Aristote. Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».

La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.

Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée, n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.

La vie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non. »

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