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Les rapports entre les hommes sont-ils déterminés par leurs intérêts?

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« Introduction. La politique, cet art de diriger la vie de la Cité, a pour principal problème de réaliser ou de maintenir l'union des hommes au sein de la société.

Cette union peut sembler n'avoir d'existence qu'artificielle.

En ce sens, toute société, toute communauté politique ne serait qu'une communauté d'intérêts que l'homme d'État aurait à gérer du mieux qu'il peut.

Il n'est pourtant pas certain que l'on puisse réduire la vie sociale à une simple question d'intérêts.

Aucune société ne peut en effet se passer d'une cohésion minimale qui lui permette de survivre et qui n'est possible que par la volonté de tous ses membres de rechercher un bien commun : seule cette recherche permet de garantir la poursuite des intérêts individuels au sein d'une société qui ne soit plus un simple agrégat, mais un organisme au bien duquel tous collaborent.

Si l'existence de la Cité se fonde en effet sur des nécessités matérielles, elle permet de réaliser les intérêts propres à chacun de ses membres, à la condition qu'elle vise d'abord la vie en commun et le bien commun. 1.

Les fondements de la société politique. A.

Le dénuement de l'homme Lorsque la philosophie s'attache à rechercher l'origine de l'État, ce n'est pas tant pour en montrer la genèse historique que pour en établir le fondement et, par là même, l'essence.

La société humaine se pense à partir de l'état de l'homme vivant seul, venant d'être créé et livré à lui-même.

Le mythe platonicien du Protagoras illustre ce point: dépourvu des avantages échus aux autres espèces animales, l'homme est né dans un dénuement extrême, «l'homme est tout nu, non chaussé, dénué de couvertures, désarmé».

Alors que les autres animaux, recouverts de fourrure, munis de crocs, de carapaces, de griffes, ont de quoi affronter les nécessités imposées par la vie, sont à même de résister aux rigueurs naturelles, de se défendre contre tout agresseur, de se nourrir, l'homme est dépourvu de tout cela.

L'homme ne peut donc compter sur ses seules capacités naturelles pour vivre: il lui faut inventer des techniques ou mettre en commun ses efforts avec d'autres. « Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles.

Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre.

Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des qualités appropriées.

Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage.

« Quand je l'aurai fini, dit-il, tu viendras l'examiner.

» Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation [...].

Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races.

[...] cependant Epiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire.

Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière.

Alors Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des arts était impossible et inutile ; et il en fait présent à l'homme.

l'homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n'avait pas la science politique ; celle-ci se trouvait chez Zeus, et Prométhée n'avait plus le temps de pénétrer dans l'acropole que Zeus habite et où veillent d'ailleurs des gardes redoutables.

» Platon, « Protagoras ». Dans ce dialogue de Platon, le personnage de Protagoras (célèbre sophiste) fait le récit du mythe de la situation originelle de l'homme.

Dépourvu de tout, nu et sans défense, celui-ci est à la merci d'une nature hostile et peu prodigue à son égard.

Chargé par les dieux de distribuer des qualités spécifiques à chaque animal, Prométhée accepte de déléguer cette mission à son frère Epiméthée qui, dans son empressement, oublie l'homme.

Pour éviter que ce dernier ne disparaisse et pour réparer l'étourderie d'Epiméthée, Prométhée dérobe le feu à Héphaïstos et la connaissance des arts à Athéna pour en faire présent à l'homme.

Mais les Dieux en sont irrités et punissent Prométhée pour sa forfaiture.

Les leçons de ce mythe sont très nombreuses.

D'abord, on peut remarquer que sans les arts et le feu (c'est-à-dire sans la technique), l'homme est dans un état de dénuement total.

Comparativement aux animaux, il ne dispose en effet d'aucun "outil naturel" : pas de bec, pas de crocs, pas de fourrure, pas de venin, pas d'agilité à la course… L'homme est donc contraint, sous peine de disparaître, de pallier la faiblesse de sa condition par l'usage d'outils et d'artifices divers.

La technique se donne par conséquent, d'abord, comme une nécessité vitale à laquelle nous devons notre survie et notre arrachement à la nature ainsi que notre spécificité. Mais dans le mythe, il faut rappeler que les dieux punissent Prométhée et ce n'est pas seulement le vol qu'ils sanctionnent parce que celui-ci s'apparente plus fondamentalement à un viol : Prométhée a donné à l'homme le moyen d'être une sorte de dieu lui-même, un rival inattendu.

Par le développement des arts et des techniques, l'homme dispose d'un pouvoir extraordinaire.

Alors, le cadeau est peut-être empoisonné : ce pouvoir, l'homme peut-il le maîtriser ? Ce à quoi il doit sa survie ne risque-t-il pas de préparer paradoxalement sa disparition ? Si la technique est d'origine divine, elle procure un grand pouvoir, une immense responsabilité, et elle peut aussi se retourner contre ceux qui ne sont pas conscients des dangers qu'elle engendre.. »

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