Les autres nous empêchent-ils d'être nous-mêmes ?
Extrait du document
«
Qu'est-ce qu'être soi-même ? Cette expression ne peut-elle avoir un sens que si on est absolument seul ? Est-ce
que ça veut dire simplement être naturel (grâce à l'absence des autres) ? Comment les autres pourraient-ils nous
empêcher d'être nous-mêmes ? Les autres nous font-ils tenir des rôles ? La solitude permettrait de développer une
personnalité "profonde", qui n'appartiendrait qu'à nous-mêmes.
Ce que nous sommes ne prend-il pas un sens que par
rapport à autrui ? Ne sommes-nous pas que par les autres, par leur regard, par la conscience que l'on prend de soi à
travers lui ? "Nous-mêmes" ne prend-il pas un sens que dans un rapport aux autres, ou est-ce une expression
uniquement réflexive (par rapport à un nous, ce qui pose problème, puisque c'est un pronom collectif) ? En quoi la
vie en société nous oblige-t-elle à agir sur notre nature ? Est-elle le signe d'un conformisme obligé ? Cette action
est-elle nécessairement négative, ou permet-elle de faire émerger une identité propre par opposition aux autres ?
Références utiles : Hegel, Phénoménologie de l'esprit ; Sartre, L'Être et le Néant.
Le premier principe de la philosophie est ce fameux « connais toi toi-même » de l'oracle de Delphes.
Il est difficile de
savoir effectivement ce que signifie être soi-même.
Dans un premier, je que suis, c'est tout ce qui me caractérise
mais surtout être, c'est se faire, c'est à dire décider de mes actes, de ma vie, de mes idées,…
Les autres semblent dès lors ne pas pouvoir influencer mes choix et ne peuvent pas entamer ma liberté de choix.
Pourtant, l'existence des autres peut m'empêcher d'accomplir ce qui exprime mon être ou l'épanouit ? De plus, sa
présence m'empêche d'être ce que je suis, il faut que je comporte en être social.
Mais être soi-même, n'est ce pas
d'abord se connaître et être maître de soi même ? Et pour cela, l'autre n'est-il pas nécessaire ?
Je suis le seul responsable de moi-même et les autres n'entrent pas en ligne de compte
- L'individu décide lui-même tous les jours des actes qu'il fait, des conversations que j'ai et de toutes les actions par
lesquelles il exprime ce qu'il est.
Tout se passe dans l'intériorité de la conscience et dans ma réflexion.
- C'est pourquoi Sartre affirme que je suis le seul responsable de ce que je suis.
L'homme est totalement libre et
c'est par les choix qu'il fait tous les jours qu'il est ce qu'il est.
Pour le philosophe, l'homme est projet, il est ce qu'il
décide de faire et il n'est pas possible de rejeter la responsabilité de ce que je suis ou de mes erreurs sur les autres.
- Enfin, si être soi-même, c'est être maître de soi et connaître les raisons de ses actes, le seul travail nécessaire
pour être véritablement soi-même est un travail et une réflexion sur ma conscience et mes déterminismes.
Cela est
donc individuel.
Les autres m'obligent à réguler ma conduite et mes actes
Pourtant, si c'est par ce que je fais que j'exprime mon être et le construit, les autres peuvent s'opposer à mes
actions et m'empêchent de me développer et de m'épanouir.
Aristote reconnaît ainsi que pour faire l'activité qui
nous est la plus appropriée et qui nous mènerait au bonheur, il faut que soient réunies de nombreuses conditions
extérieures.
Autrui en est l'une d'elles.
- De plus, l'existence des autres m'oblige à respecter certaines règles de comportement.
Il existe en effet certains
codes telles que la politesse, la bienséance,…
- Sartre affirme ainsi l'apparition d'autrui dans mon monde me fait prendre
conscience que je deviens un objet pour lui et qu'il porte un jugement sur
mon comportement.
Ainsi, un homme qui épie sa femme à travers le trou
d'une serrure ne se vit comme jaloux qu'à partir d'un moment où le regard de
l'autre lui fait prendre conscience de son comportement.
Sartre dit aussi que
l'homme se croit être comme l'autre le voit.
Sartre, dans L'Être et le Néant (3e partie, ch.
I, I), pose que la présence
d'autrui est essentielle à la prise de conscience de soi.
Il en fait la
démonstration par l'analyse de la honte.
J'ai honte de moi tel que j'apparais à
autrui, par exemple si je suis surpris à faire un geste maladroit ou vulgaire.
La
honte dans sa structure première est honte devant quelqu'un.
Elle est
immédiate, non réflexive.
La honte est un frisson immédiat qui me parcourt de
la tête aux pieds sans préparation discursive.
L'apparition d'autrui déclenche
aussitôt en moi un jugement sur moi-même comme objet, car c'est comme
objet que j'apparais à autrui.
La honte est, par nature, reconnaissance.
Je
reconnais que je suis comme autrui me voit.
La honte est honte de soi devant
autrui; ces deux structures sont inséparables.
Ainsi j'ai besoin d'autrui pour
saisir à plein toutes les structures de mon être.
Autrui, c'est l'autre, c'est-àdire le moi qui n'est pas moi et que je ne suis pas.
La présence d'autrui
explicite le «Je suis je» et le médiateur, c'est-à-dire l'intermédiaire actif,
l'autre conscience qui s'oppose à ma conscience, c'est l'autre.
Le fait premier
est la pluralité des consciences, qui se réalise sous la forme d'une double et réciproque relation d'exclusion : je ne
suis pas autrui et autrui n'est pas moi.
C'est par le fait même d'être moi que j'exclus l'autre comme l'autre est ce qui
m'exclut en étant soi..
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