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Le travail est-il une contrainte ou une obligation ?

Extrait du document

« Observation.

— Nous rapprochons ces deux sujets, quoique la question n'y soit pas posée de la même façon dans les deux cas, parce qu'ils appellent tous deux sensiblement les mêmes idées. Position de la question.

Pour tout être normal, le travail n'est pas seulement une contrainte plus ou moins pénible. Nous pouvons aussi aimer notre travail, l'accepter comme une obligation morale et en retirer certains bienfaits. Lesquels, exactement, et à quelles conditions? I.

Pourquoi le travail est parfois désagréable. Tout être normal éprouve une certaine satisfaction à exercer son activité.

Mais le travail proprement dit n'est pas un exercice libre de l'activité.

Il est une obligation imposée, une contrainte. A.

— Il y a là déjà un caractère qui peut rendre le travail plus ou moins désagréable.

Reconnaissons-le : il n'est pas toujours agréable d'avoir à effectuer sa tâche quotidienne à des heures déterminées, selon un programme fixé à l'avance, et de la répéter quotidiennement d'une façon souvent monotone. B.

— Ceci est surtout vrai de certains travaux manuels dans lesquels, par suite de l'automatisation de la technique moderne (voir sujets 165-166 et 167), toute initiative, tout exercice de la pensée personnelle sont enlevés au travailleur. C.

— Ajoutons que souvent encore ces travaux sont durs, pénibles par eux-mêmes (mineurs, manoeuvres divers, etc.).

Même lorsqu'il est automatisé et confié en grande partie à la machine, le travail manuel peut être encore très fatiguant par l'attention constante et minutieuse qu'il exige dans l'accomplissement de certaines tâches. D.

— On a même constaté que certaines formes de travail aboutissent, chez le travailleur, à un état de déséquilibre psychique : « Il apparaît de plus en plus que le nombre croissant des maladies mentales ne peut s'expliquer que par référence à certains caractères de la civilisation industrielle et du milieu technique, de plus en plus artificiel » qui se substitue au milieu naturel, notamment par l'interposition d'une multitude d'instruments et de machines entre l'homme et ce milieu (G.

FRIEDMANN, Le Travail en miettes, p.

223 - 225). E.

— Il peut arriver enfin que, par suite des nécessités de la vie, l'homme doive accepter un travail qui ne correspond pas à ses goûts et pour lequel il ne se sent pas d'intérêt. II.

Les bienfaits du travail. Ces réserves faites, il faut reconnaître que le travail, quand il s'accomplit dans des conditions normales, est capable de nous apporter certaines satisfactions et même certains bienfaits. A.

— Ces satisfactions, nous pouvons les trouver d'abord dans l'exercice même de notre activité.

Le travail est, en effet, selon l'expression de JAURÈS, « l'acte créateur par lequel l'esprit, la pensée, la conscience impose sa forme et son unité à la matière ».

« Voir sous sa main ou dans sa pensée, écrivait jadis le philosophe E.-M.

CARO, croître son oeuvre, s'identifier avec elle, que ce soit la moisson du laboureur ou la maison de l'architecte ou la statue du sculpteur ou un poème ou un livre, qu'importe? Créer en dehors de soi une oeuvre que l'on dirige, dans laquelle on a mis son effort avec son empreinte et qui la représente d'une manière sensible, cette joie ne rachète-t-elle pas toutes les peines qu'elle a coûtées? » (Le Pessimisme, p.

128-129).

Même dans le travail industriel, pourtant beaucoup plus anonyme, il arrive encore qu'on voie des ouvriers d'usine fiers d'une réalisation particulièrement réussie de leur entreprise qui leur est oeuvre collective. B.

— Ces satisfactions peuvent s'accroître si le travailleur prend conscience de l'utilité 'sociale de son travail.

Nos sociétés modernes sont fondées sur la coopération de tous les métiers où les fonctions les plus humbles sont souvent les plus indispensables.

Chaque travailleur peut aimer son travail dans la mesure où il se rend compte du rôle qu'il joue ainsi dans la société. C.

— Ainsi compris, le travail peut nous apporter, non seulement des satisfactions, mais des bienfaits.

« Le travail, lorsqu'il comporte une certaine étoffe et un certain engagement de la personnalité, joue, pour l'équilibre de l'individu, pour son insertion dans le milieu social, pour sa santé physique et mentale, un rôle fondamental » (G.

FRIEDMANN, ouv.

cité, p.

256). D.

— Le travail peut même avoir ainsi une valeur moralisatrice; car il 'exige, en même temps que la régularité et la discipline, l'exercice des fonctions les plus hautes de la vie mentale : « l'attention volontaire; la patience pour supporter l'attente, l'ennui, la fatigue; l'initiative, la persévérance; l'unité de la vie, la cohérence des actes et des caractères », toutes choses, selon Pierre JANET (De l'angoisse à l'extase, I, p.

229), qui sont déjà des vertus; et le grand psychologue va jusqu'à ajouter : « La valeur d'un homme se mesure par sa capacité à faire des corvées.

Le devoir n'est qu'un cas particulier de ces corvées que l'homme supérieur est capable de s'imposer.

» Conclusion.

Le théoricien socialiste Charles FOURIER (1772-1837) avait soutenu que le travail, au lieu d'être pénible et rebutant, doit devenir « attrayant ».

Lorsqu'on songe à certaines formes du travail moderne, cet idéal risque de paraître quelque peu utopique.

Mais nous pouvons toujours faire, si nous savons comprendre la valeur et le rôle du travail, que notre tâche quotidienne ne nous rebute pas, qu'elle nous apporte même certaines satisfactions et qu'elle contribue à notre élévation morale.. »

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