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Le travail est-il le contraire du jeu ?

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« A priori, n'a-t-on pas naturellement tendance à considérer que le travail n'a rien à voir avec le jeu ? Le jeu renvoie au temps du loisir, de l'insouciance, du plaisir tandis que le travail apparaît comme son antithèse.

D'ailleurs, étymologiquement, on peut remarquer que le mot " travail " renvoie à un ancien instrument de torture.

Par ailleurs, traditionnellement, le travail est vécu comme une nécessité à laquelle l'homme ne peut se substituer, comme s'il s'agissait d'une contrainte, voire d'une punition.

Dans la Genèse, pour punir Adam, Dieu lui dit que sa peine sera de travailler à la sueur de son front puis il le chasse avec Eve du jardin d'Eden ou tout n'est qu'insouciance et prodigalité.

Mais peut-on se contenter de cette opposition ? Est-elle légitime ? Le travail est-il l'autre du jeu ? Ne peut-on travailler en jouant ? Le jeu chez l'enfant par exemple, fait " travailler " son imagination et n'est une activité oisive que pour celui qui ne participe pas à son jeu.

Pourquoi à votre avis ? Le travail est une contrainte aliénante Il faut distinguer ici « exploitation » et « aliénation ».

Ce ne sont pas des termes équivalents : le mot « exploitation » désigne la réalité économique d'un travail non payé, au moins en partie.

Le mot « aliénation » renvoie à une situation où le travailleur ne se « reconnaît » plus dans son travail.

Il ne s'agit plus seulement de la dimension économique.

La dénonciation se fait en fonction d'une certaine idée de ce que devrait représenter le travail pour l'homme : permettre la réalisation de l'individu en étant la manifestation, l'extériorisation de lui-même.

La critique de l'aliénation fait référence à une « essence » de l'humanité, dont le travail est censé accomplir la réalisation.

Cette critique suppose donc un point de vue « philosophique », en quoi elle se distingue de la problématique plus « économique » qui analyse l'exploitation du travail. Cette réflexion sur l'aliénation implique en effet que le travail, non seulement comme rapport à la nature, mais aussi comme rapport à autrui, met en jeu la définition et la réalisation de l'humanité. La production capitaliste entraîne d ‘abord l'appauvrissement continu de toute une partie de la population : « L'ouvrier s'appauvrit à mesure qu'il produit la richesse, à mesure que sa production gagne en puissance et en volume.

» Mais ce n'est là encore que l'aspect le plus extérieur, et en quelque sorte quantitatif, du phénomène.

En réalité, l'ouvrier se perd lui-même dan le processus de production.

« Plus il crée de marchandises, plus l'ouvrier devient lui-même une marchandise vile.

La dévalorisation des hommes augmente en raison de la valorisation directe des objets.

Le travail ne produit pas seulement des marchandises, il se produit lui-même et il produit l'ouvrier comme des marchandises dans la mesure même où il produit des marchandises en général.

» L'ouvrier se perd comme homme et devient chose dans l'acte économique de production.

Cette aliénation se présente sous un double aspect, que Marx caractérise brièvement comme suit : « 1.

Le rapport entre l'ouvrier et les produits du travail comme objet étranger et comme objet qui le domine.

Ce rapport est en même temps son lien avec le monde environnant sensible, avec les objets de la nature, monde sensible hostile à l'ouvrier. 2.

Le rapport du travail avec l'acte de production à l'intérieur du travail.

C'est la relation de l'ouvrier avec son activité propre comme avec une activité étrangère, qui ne lui appartient pas, une activité qui est souffrance, une force qui est impuissance, une procréation qui est castration.

» C'est donc à la fois le rapport du travailleur avec le produit de son travail et son rapport avec ce travail lui-même qui portent la marque de l'aliénation.

Le premier a d'ailleurs pour corollaire un rapport aliéné à la nature. Précisons.

L'ouvrier est d'abord aliéné par rapport à son produit.

Celui-ci lui échappe.

Aussitôt qu'il est créé, l'ouvrier en est dépossédé : « L'objet que le travail produit, le produit du travail, vient s'opposer au travail comme s'il s'agissait d'un être étranger, comme si le produit était une puissance indépendante du producteur.

» L'ouvrier ne perd pas seulement son produit, mais son produit se présente en face de lui comme une puissance hostile : transformé en capital, il devient l'instrument d'exploitation de sa force de travail.

Plus le capital s'accroît du fruit de son travail, et plus il se pose face à l'ouvrier en maître, plus l'ouvrier doit en passer par ses conditions, car, une fois que le capital domine le système économique tout entier ou presque tout entier, l'ouvrier ne peut plus vivre qu'en se louant à lui.

Le produit du travail devient ainsi, en face de l'ouvrier, objet, il se tient en face de lui comme une chose qui ne lui appartient pas et à laquelle il se trouve opposé comme sujet. Situation contradictoire tant du capital, qui ne peut subsister comme capital qu'en accroissant la misère de l'ouvrier, que de l'ouvrier, qui ne peut subsister comme ouvrier qu'en accroissant le capital.

Richesse et misère à la fois.

Et la richesse croît dans la même proportion que la misère : « Certes, le travail produit des merveilles pour les riches, mais pour le travailleur il produit le dépouillement.

Il produit la beauté, mais pour l'ouvrier c'est l'infirmité.

Il remplace l'ouvrier par les machines, mais il rejette une partie des ouvriers vers un travail barbare et transforme l'autre moitié en machines.

Il produit l'esprit, mais pour l'ouvrier il produit l'absurdité, le crétinisme.

» L'ouvrier n'est pas moins aliéné, en un second lieu, dans l'acte même de la production.

C'est même là qu'est la cause de son aliénation par rapport à son produit.

« Premièrement, dit Marx, le travail est extérieur à l'ouvrier, cad il n'appartient pas à son être ; par conséquent, il ne s'affirme pas dans son travail, bien au contraire, il s'y renie ; loin d'y être heureux, il s'y sent malheureux ; il n'y développe aucune énergie libre, ni physique, ni morale, mais y mortifie. »

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