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Le sentiment de liberté et sa critique ?

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« ANALYSE DU SUJET L'énoncé tel qu'il est libellé peut se prêter — semble-t-il —à deux interprétations » (nullement contradictoires, bien au contraire). On peut se demander si le sentiment d'être libre n'est qu'une illusion de liberté en ce sens que « éprouvant» le sentiment d'être « libre » nous croyons l'être. On peut se demander aussi si ce sentiment d'être « libre » ne contribue pas à nous faire chercher ce que peut être la liberté là où elle ne peut être et — nous leurrant — nous détourne de la recherche et de l'exercice de « la liberté » possible. ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION • Le sentiment de liberté (voir Descartes, Maine de Biran, Bergson). • Il ne faut pas en toute rigueur confondre sentiment de la liberté avec expérience de la liberté. Le sentiment de la liberté ne prouve rien car aucun sentiment ne prouve jamais rien (si ce n'est qu'on éprouve ce sentiment) : En outre ce sentiment de liberté peut être expliqué par l'ignorance des causes produisant nécessairement l'acte dont nous croyons être l'auteur (cf.

Spinoza). Enfin l'expérience de la liberté exigerait une analyse régressive qui découvrirait à l'intérieur de la conscience le fait de la liberté (c'est ce que, par exemple, Maine de Biran a tenté de faire).

Mais une telle analyse n'arrive justement qu'à dévoiler des motifs et des modèles dont on ne peut dire qu'ils soient sans cause, même quand on ignore celleci. • Ce sentiment de liberté renvoie à une « conception » de la liberté comme « indéterminée » dont on peut mettre en doute non seulement l'existence, mais la valeur. • Peut-on cependant « prouver » que cette liberté n'existe pas ? • Ne vaut-il pas mieux s'interroger sur sa valeur, et, en ce sens, sur son caractère illusoire (par rapport à une ou des conceptions de la liberté qui seraient appréhendées selon une valorisation supérieure) ? INDICATIONS DE LECTURE • Principes de Descartes (Boivin), § 37-38-39. • Essais sur les fondements de la psychologie de Maine de Biran (P.U.F.), IV : Des idées de liberté et de nécessité. • Essai sur les données immédiates de la conscience de Henri Bergson (P.U.F.), notamment pages 124-132 et 176178. • Éthique de Spinoza. • La Religion dans les limites de la simple raison de Kant (Vrin), pages 73-74. • Principes de la Philosophie du Droit de Hegel. • L'Idéologie allemande de Marx (Éditions sociales). A.

Le sentiment intérieur de la liberté Nous avons tous le sentiment intérieur de notre liberté.

Pour Descartes, la « liberté de notre volonté » se connaît immédiatement, « sans preuves » par « la seule expérience que nous en avons». Nous en faisons l'expérience en particulier dans le doute.

Au moment même où nous doutons de tout et où nous supposons que celui qui nous a créé emploie tout son pouvoir à nous tromper, nous affirmons l'indépendance absolue de notre volonté à l'égard de la raison et expérimentons ainsi notre liberté.

Celle-ci est si parfaite, si ample « qu'elle n'est renfermée dans aucune borne ».

Elle nous fait connaître « que nous sommes à l'image et à la ressemblance de Dieu ». Le « je doute » implique donc la liberté : le « je suis libre » est la suite immédiate du « je doute ».

Je doute donc je suis libre.

Mais qu'est-ce qu'un être libre? Justement un être qui doute, qui affirme ou qui nie, qui veut ou qui ne veut pas.

Cette liberté se manifeste d'abord dans l'état d'« indifférence » lorsque la volonté « n'est point portée par la connaissance du vrai ou du bien à suivre un parti plutôt qu'un autre ».

Ainsi, par exemple, l'âne de Buridan, entre deux prés dont l'herbe est également fraîche, est également porté à l'un et à l'autre.

Dans une telle situation, si l'âne n'a pas la liberté de choisir entre l'un ou l'autre pré, il se laissera mourir de faim.

La liberté est précisément ce qui permet de choisir entre deux partis contraires auxquels nous sommes également déterminés.

Dans un tel choix, nous expérimentons la liberté de notre volonté qui n'est déterminée par aucun mobile ou motif à pencher dans un sens plutôt que dans l'autre. Mais la liberté se manifeste aussi par le pouvoir d'affirmer ou de nier, de choisir ou de ne pas choisir dans une indépendance absolue à l'égard de toutes déterminations sensibles ou intellectuelles : «Au point que, même lorsqu'une raison fort évidente nous pousse vers un parti, quoique, moralement parlant, il soit difficile de faire le contraire, parlant néanmoins absolument, nous le pouvons.

» Ainsi, par exemple, contre les exigences de la morale, nous pouvons « suivre le pire tout en voyant le meilleur » ou bien, contre les exigences de la raison, nous pouvons affirmer que le tout est plus petit que la partie.

Autrement dit, nous pouvons choisir le mal alors même que nous connaissons le bien ou encore affirmer le faux alors même que nous connaissons le vrai.

Ainsi se manifeste la liberté absolue de notre volonté ou ce qu'on nomme le « libre arbitre. »

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