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Le rôle du remords dans la vie morale ?

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« I.

— Introduction. Parmi les sentiments que la conscience morale révèle au sujet, il en est un qui semble présenter une importance toute spéciale, le sentiment du remords.

Ce sentiment, d'ailleurs très complexe, demande à être nettement défini et analysé, car cette analyse permet seule d'en déterminer, au juste, la valeur morale. II.

— Analyse psychologique du sentiment du remords. 1° Le remords, c'est « une douleur morale tenace et lancinante causée par la conscience d'avoir mal agi » (Lalande, Vocabulaire philosophique).

C'est au remords que s'applique le mieux la définition que Spinoza donnait de la douleur en général, en disant que c'est « le passage d'une perfection plus grande à une perfection moindre » : le remords implique en effet, entre autres caractères, le sentiment confus de notre avilissement.

S'il en est ainsi, le remords n'est pas un pur sentiment ; comme d'ailleurs tous les sentiments moraux, il tient à l'intelligence et enveloppe un obscur jugement de valeur. Chez la plupart des hommes, la conscience se manifeste surtout après l'exécution de l'acte : l'individu émet alors un jugement rétrospectif sur la valeur de cet acte, en se référant à quelque idéal plus ou moins confusément entrevu : la conséquence de cette comparaison, si elle n'est pas favorable au sujet, c'est précisément le remords.

Et ceci nous révèle un nouvel élément du remords : ne portant que sur une action passée, il présente un caractère d'irréparable qui entre pour beaucoup dans l'acuité et la ténacité de ce sentiment. 2° Il serait d'ailleurs inexact de croire que les choses se passent ainsi dans toutes les consciences : le remords, en tant que sentiment, est soumis à des influences diverses qui en font varier d'une façon sensible l'extension et l'intensité.

Parmi ces facteurs de variation, on peut noter le tempérament, le caractère plus ou moins émotif du sujet, son degré d'imagination, son penchant pour l'action ou pour la réflexion, et surtout l'habitude; l'habitude du mal émousse, en effet, le remords, et pour que celui-ci soit ressenti d'une façon assez vive, il faut que l'acte mauvais qui l'a déterminé soit, en quelque sorte, une exception chez le sujet.

Enfin le milieu social influe beaucoup sur la formation de la conscience. 3° Ces variations peuvent atteindre une amplitude telle qu'on se trouve parfois en présence de véritables états pathologiques, caractérisés soit par défaut, soit par excès du sentiment du remords. a) Dans ce qu'on appelle l'infantilisme moral, l'homme conserve l'impulsivité et l'instabilité qu'il présente chez l'enfant. Le développement de la conscience s'arrête, et les idées morales sont conçues trop confusément pour que l'agent puisse vraiment juger sa conduite. L'absence de remords peut venir également d'une éducation faussée; sous l'influence du conseil ou de l'exemple, la conscience se pervertit.

Enfin l'individu lui-même peut se cuirasser contre le remords et devenir sourd à sa voix ; d'où l'extrême cynisme des malfaiteurs endurcis qui, selon le de l'Écriture, en arrivent à « boire l'iniquité comme l'eau.» b) Tout au contraire, il est des individus scrupuleux à l'excès qui, sous l'influence d'un système nerveux trop délicat, ou d'une éducation trop raffinée, ou aussi sous l'influence d'une religion mal comprise, deviennent de plus en plus sévères pour eux-mêmes et sont en proie aux plus cuisants remords.

Le sentiment de l'infériorité morale va quelquefois jusqu'à engendrer chez le malade des idées de culpabilité : il est un grand coupable, la honte de l'humanité ; par ses fautes et ses crimes, il n'a que trop mérité l'inévitable châtiment qui le menace et les tortures intolérables que lui cause sa conscience. III.

— Valeur morale du remords. L'analyse psychologique du remords nous a permis de constater que ce sentiment est essentiellement variable ; il semble en résulter qu'il n'a aucune valeur morale.

Ce serait trop vite conclure; et pour déterminer sa vraie valeur, il faut encore examiner les différentes façons dont on peut le concevoir. 1° La morale traditionnelle voit dans le remords la plus complète des sanctions terrestres, en ce sens qu'il atteint les actions les plus secrètes, et même les désirs et les simples pensées mauvaises.

On semble poser en principe que le remords est la voix: de la nature, de l'instinct, l'expression môme d'une volonté divine.

— Cette conception est insuffisante, puisque l'examen, que nous avons fait plus haut nous a montré la relativité et le manque de proportionnalité du remords, ce qui empêche ce sentiment d'avoir la valeur d'une sanction parfaitement adéquate. 2° Les évolutionnistes et les sociologues font du remords la conséquence d'un manque d'adaptation au milieu physique ou social ; c'est la suite nécessaire de la non-observation des impératifs moraux issus de la conscience collective (Durkheim), il a pour but d'empêcher l'égoïste intelligent de séparer sa destinée de celle de ses semblables dont il est solidaire.

— On peut sans doute admettre que, parmi les facteurs constitutifs du remords, se trouve un élément social, et que la peur d'une réprobation de nos semblables ajoute encore à l'acuité de ce sentiment ; mais peut-on accepter sans restriction cette thèse sociologique d'une société créatrice des notions morales ? En tout cas, le remords ainsi conçu perd beaucoup de sa valeur morale, puisqu'il n'est plus qu'une conséquence fatale, souvent ignorée du sujet lui-même, de la violation des lois physiologiques et sociales. 3° Enfin, pour Kant, le remords, comme tout autre sentiment, ne peut avoir de valeur morale ; la moralité consiste dans l'obéissance à la loi par respect, et non par amour pour la loi ; le sentiment doit être radicalement exclu de la morale.

Pour que le remords soit une sanction morale, il faut qu'il perde son caractère sensible et devienne le résultat de la non-conformité de l'acte avec l'impératif catégorique.. »

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