Le pouvoir politique est-il nécessairement violent ?
Extrait du document
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QUELQUES ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION
• Bien saisir que le problème n'est pas de savoir si le pouvoir politique peut être violent à « l'occasion », ni même —
en toute rigueur — si le pouvoir politique est nécessairement violent mais si la violence « appartient » à son
essence, si la violence est constitutive du pouvoir politique (totalement ou partiellement).
• Se demander pourquoi existe « le pouvoir politique »? Qu'est-il ?
• Distinguer différents sens de « violence ».
INDICATIONS DE LECTURE
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Le Savant et le politique de Max Weber (Plon).
Introduction à la politique de Maurice Duverger (Gallimard).
Le Rôle de la violence dans l'histoire de Engels.
Et surtout : L'Essence du politique de Julien Freund (Sirey).
Le pouvoir politique, qui s'incarne dans l'État, détient le monopole de la violence légale.
Nul citoyen n'a droit
d'user de violence en dehors des règles strictement établies par l'État.
Mais de ce que l'État représente la seule
source de violence habilitée à se dire légitime, peut-on conclure que l'État est nécessairement et toujours porteur
de violence ? Cette conclusion serait certainement abusive s'il n'y avait la longue expérience des pouvoirs politiques,
expérience qui montre aux hommes que l'existence de l'État s'est presque toujours accompagnée d'un usage plus ou
moins intensif de la violence.
Toujours, les États se dotent d'appareils violents (armée, police) ; souvent, ils en
usent, presque toujours au détriment des peuples.
Ce lien historique entre pouvoir politique et violence peut-il être brisé, ou tient-il à la nature profonde, à l'essence
de l'État ? Pour le savoir, il faudra évidemment s'interroger sur cette nature de l'État, mais aussi critiquer la notion
de violence et se demander notamment si elle ne concerne que des formes particulières du gouvernement politique.
Aucun État n'a jamais omis de se doter d'appareils expressément destinés à exercer la violence : armée, police,
prisons, etc.
Cette règle ne concerne pas seulement les régimes « durs », comme les dictatures militaires ou les
tyrannies en général.
Il est couramment admis que même le régime le plus libéral ou le plus démocratique ne peut se
dispenser de posséder les moyens de la violence.
L'explication est simple : le pouvoir politique, émanation de la
volonté populaire (par exemple par l'intermédiaire du suffrage universel) doit être à tout moment en mesure de se
défendre contre les agressions venues de l'intérieur (police) ou de l'extérieur (armée).
Le droit qu'a le pouvoir
politique d'user de violence est en fait le droit de se protéger contre des violences internes ou externes ; la violence
étatique a donc une dimension exclusivement défensive.
Certes, l'État a le monopole de la violence, mais il est clair
qu'il n'en a jamais l'initiative.
Si par exemple un individu transgresse la loi, l'État peut le contraindre à s'y soumettre
par la violence ; mais à la violence privée exercée par l'individu répond une violence publique, qui émane en fait du
corps social tout entier.
Au fond, la violence de l'État est la seule légitime parce qu'elle vient en fait de la
collectivité, dont les appareils de l'État (police, justice) ne sont que le « bras ».
De même la guerre : elle est
toujours faite par « la nation en armes ».
La question de savoir si le pouvoir politique est par nature violent doit donc faire place à cette autre question :
dans quelle mesure les individus du corps social, ou les pays voisins contraindront-ils l'État à recourir à la violence ?
Étant bien entendu que le pouvoir politique n'est par lui-même nullement violent, qu'il n'use de violence qu'en
réponse à une violence première.
dont il ne porte nullement la responsabilité.
Naturellement - l'histoire et l'actualité le montrent - les choses ne se passent pas toujours aussi bien.
et il arrive
que des États totalitaires, dictatoriaux, confisquent l'usage de la violence publique au profit d'intérêts particuliers,
pour un homme ou un groupe d'hommes par exemple.
Cela arrive même très souvent.
Il semble que l'État ait alors «
oublié » sa mission publique, pour servir les intérêts particuliers d'une classe ou d'un groupe d'individus (par exemple
une junte militaire).
Mais la violence du pouvoir politique n'a dans ce cas aucun caractère nécessaire, puisqu'elle
n'est pas une conséquence de sa nature, de son essence ; elle est bien plutôt un accident, dû à l'irruption de la
force dans le cours normal du droit.
Tel est le schéma théorique généralement admis quant à l'utilisation de la violence par le pouvoir politique.
Mais ce
schéma repose sur quelques présupposés non démontrés au sujet de l'État.
Nous avons admis comme allant de soi
que l'appareil d'État est un simple instrument au service d'une volonté politique de servir l'intérêt général; or, il n'est
pas certain que cet appareil n'ait pas une efficacité, une autonomie suffisantes pour jouer en tant que tel un rôle
dans la vie sociale.
Autrement dit, jusqu'où ceux qui exercent le pouvoir d'État sont-ils certains d'avoir le contrôle
absolu des appareils d'État ?
Bien plus, on peut se demander si l'exercice du pouvoir d'État est toujours dirigé dans le sens de l'intérêt général ;
l'État n'a-t-il d'autre raison d'exister que la défense des intérêts de la collectivité ? N'y a-t-il dans la violence d'État
que la défense de l'ordre public ?.
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