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Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme de l'échange ?

Extrait du document

« DIFFICULTÉS ET REMARQUES Il y a quelque chose d'évident dans le sujet qui justement fait problème.

Nous savons tous qu'il y a une différence entre donner et échanger.

Mais nous savons tous aussi que, bien souvent, celui qui donne attend quelque chose en retour.

L'enjeu du sujet est relativement facile à cerner ; il est en revanche plus difficile d'en construire la problématique pour éclairer le paradoxe.

Il faudra donc, là encore, analyser et conceptualiser avec précision les notions présentes, explicitement ou non, dans le sujet. NOTIONS CONCERNÉES ET APPROCHE DE LA PROBLÉMATIQUE L'échange Ce qui caractérise l'échange c'est la réciprocité.

Échanger a pour fin l'acquisition de l'objet contre lequel on donne à l'autre ce que l'on possède déjà.

En ce sens, on pourrait dire que l'échange s'inscrit essentiellement dans l'ordre du réel : ce que j'échange c'est le produit de mon travail, c'est ce que je possède, non ce que je suis.

L'objet a non pas la valeur d'un signe mais une valeur identique à celle de l'objet échangé, une valeur « matérialisable» pour ainsi dire.

Cependant, on sait que l'échange revêt également une dimension symbolique essentielle : la relation d'échange est une relation réciproque où des sujets se reconnaissent mutuellement (cf.

la vie sur les marchés, le marchandage...). L'échange est cet acte humain où la liberté se révèle en se démarquant des objets échangés et donc relativisés.

En ce sens, il y a quelque chose dans l'échange qui le rapproche du don. Le don Si le don n'est pas une notion du programme, c'est pourtant à son propos que la question posée nous invite à réfléchir : c'est la notion centrale du sujet.

Le don est par essence libre, il n'appelle pas un acte en retour, ou du moins il n'est pas conditionné par l'attente d'un retour, il n'est pas calculé.

Il a sa cause en lui-même et non dans la mise en rapport de deux objets, préalable et constitutive de tout échange.

Ce qu'on donne, ce n'est pas quelque chose qui s'échange, ce n'est pas un objet, c'est soi-même, c'est quelque chose qui manifeste la liberté de celui qui donne, sa « grandeur d'âme ».

On ne donne pas une chose parce qu'elle est chose mais parce qu'elle est signe.

La chose que l'on donne est le signe d'un acte qui est sa propre fin.

En ce sens, le don est essentiellement gratuit. Mais cette gratuité est l'expression d'une espérance : le donateur espère que son don sera reconnu comme étant le signe de sa libéralité, de sa «grandeur d'âme».

Il espère être reconnu comme un être libre, une personne échappant aux déterminismes et à la loi de l'échange.

C'est ainsi que le don impose le respect, crée une dette et appelle une certaine forme de réciprocité. Introduction Lorsqu'on s'interroge sur la question de savoir si le don peut être gratuit ou s'il n'est qu'une forme de l'échange, il convient d'abord de se demander s'il est possible de séparer les concepts de don et d'échange, ou s'il faut poser au contraire que l'un (le don) est enveloppé par l'autre (l'échange).

Nous pouvons ainsi tenter d'expliquer la question par une première analyse des concepts, tels qu'ils se présentent dans des expressions familières. Soit l'expression : donner quelque chose contre quelque chose (ou quelque chose pour quelque chose): des marchandises contre de l'argent, trois pommes pour dix billes, etc.

Ici, le don s'inscrit dans la sphère de l'échange, où ce que l'on cède et ce que l'on reçoit ont une même valeur.

Un échange véritable implique une sorte d'équilibre, en première approche du moins.

La pratique du «donnant donnant» ou du «rien pour rien» fait du don une forme de l'échange. En revanche, donner quelque chose à quelqu'un, c'est «abandonner à quelqu'un, dans une intention libérale ou sans rien recevoir en retour (une chose que l'on possède ou dont on jouit) » (Le Robert).

II n'y a pas tout à fait échange, ici, la situation est déséquilibrée : celui qui reçoit un don gratuit ne doit rien, il ne lui en coûte rien.

On parle de recevoir gratis quelque chose, ou de gratification (qui vient en sus de ce qui est dû).

Mais une telle distinction estelle réellement pertinente ? Le don gratuit l'est-il vraiment ? Le don impossible ou obligatoire? Des échanges déguisés Il serait facile de démasquer, sous nombre de dons, un échange implicite, parfois tu ou nié, parfois reconnu, mais seul capable de donner un sens à la conduite du donateur.

– Ou bien les cadeaux, gratifications, pourboires, récompensent des services antérieurs, et ils sont dus. – Ou bien ils anticipent des services futurs, ils créent des dettes dont le donataire (celui qui a reçu le don) devra s'acquitter en retour. – Et si certains dons semblent échapper à la logique matérielle de l'échange complet, ne sous-entendent-ils pas une gratification psychologique, qui fait que le donateur désintéressé, comme on dit familièrement, «s'y retrouve» encore ? Ainsi peut-on dénoncer le don «gratuit» comme une illusion et mettre en évidence l'échange implicite qui l'explique. Mais la réduction du don à une forme déguisée d'échange ne pourrait-elle être le fait d'une analyse qui méconnaît la spécificité du don? Ne pourrait-on inverser en effet l'interprétation et faire dériver l'échange qui nous est familier de conduites de don, plus fondamentales que lui ?. »

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