Le corps est il un ennemi?
Extrait du document
«
Introduction
L'influence judéo-chrétienne a marqué notre société occidentale d'un dualisme qui sépare radicalement le
corps de l'esprit.
Elle subordonne même le corps à l'esprit, de manière quasiment incontestable, faisant du premier
une entrave au second.
Cette relation de maître à esclave pose les bases de notre conception du corps.
Car même
si ce dualisme tend à être réfuté par la science moderne, qui donne une part de plus en plus importante au corps, il
demeure cependant bien présent dans les présupposés de notre conscience collective.
Notre corps est donc
toujours considéré comme la partie inférieure de notre être, puisqu'il est maintenu dans son opposition avec l'esprit.
C'est précisément dans le cadre de cette opposition qu'il peut être pensé comme un ennemi.
Mais qu'est-ce que le
corps porte en lui qui puisse légitimement être le germe de l'hostilité et de la menace pour l'esprit ? Il faudra tout
d'abord envisager l'idée que le corps, débordé par l'esprit, soit une gêne pour celui-ci.
Ce qui permettra alors de
mettre au jour la mauvaise foi dont peut faire preuve l'esprit, et qui pénalise à tort le corps.
Bien plutôt, il sera lieu
enfin de ré-interroger le postulat de la supériorité de l'esprit sur le corps, afin d'en cerner la pertinence.
I Le corps est le tombeau de l'âme
1.
La concupiscence
Le corps est considéré comme le siège de toutes les pulsions, passions et désirs, notamment charnels.
La
recherche de ces plaisirs est dite relever de l'animalité en l'homme et dégrader la nature supérieure de son âme.
(Saint Paul)
2.
La vieillesse et la maladie
Le corps est soumis à la temporalité, en tant qu'objet du monde.
Il porte donc avec lui le risque d'être
détruit, abîmé ou usé.
Mais en réduisant ses possibles, le corps préoccupe l'âme et ne lui permet pas de s'épanouir
librement.
3.
Le corps est le tombeau de l'âme
Le corps en tant que "tombeau de l'âme" (expression de Platon dans le
Phédon) désigne la mortalité de l'homme.
Le corps est une entrave dont l'âme
se libère avec la mort, quoiqu'elle craigne ce dénouement.
Comme l'indiquait déjà cette formule de Pythagore, que Platon
reprendra à son compte : « le corps est le tombeau de l'âme ».
Aussi, le
véritable bonheur, le savoir absolu, l'immortalité de l'âme, sont un unique désir
(celui de la vérité) qui incombe à la recherche philosophique, à la perfection
de l'âme.
Le corps ainsi est un frein pour l'âme dans sa quête d'absolu : «
Aussi longtemps que nous aurons notre corps et que notre âme sera pétrie
avec cette chose mauvaise, jamais nous ne possèderons en suffisance l'objet
de notre désir » (Phédon, 66b-66e).
Le corps est donc, comme l'indique
Platon dans ce texte, une cause majeure dans le ralentissement vers la
sagesse, puisqu'il s'attache trop souvent aux biens terrestres, ou inessentiels.
Il faut savoir tirer son âme vers le haut, aspirer aux modèles de toute vertu,
de toute vérité, à savoir les Idées.
Car il y a deux mondes chez Platon, le
monde sensible, celui des représentations erronées et vulgaires, et le monde
intelligible, ou monde des Idées, incarnation divine de la perfection.
Et le
véritable amour (qui ressort d'un détachement de l'âme par rapport au corps),
celui qui transporte l'âme vers les biens les plus éternels, nourrira par
l'enthousiasme qu'il entraîne le désir le plus important, le désir de vérité
II Le corps ne ment jamais
1.
Le jugement comme source de l'erreur
L'exemple du bâton plongé dans l'eau et qui donne l'impression d'être brisé montre que ce ne sont pas les
sens, c'est-à-dire le corps, qui sont trompeurs, mais la manière dont l'entendement en juge.
(Descartes)
2.
La mémoire dans la peau
Le geste, ancré dans le corps, est une mémoire bien plus fiable que celle de l'esprit, sujette à usure (cf.
tous
les troubles mnésiques).
Ce que le corps a inscrit dans sa chair, rien ne peut l'effacer (faire du vélo ne s'oublie pas
proclame l'adage populaire).
3.
L'esprit veut-il la vérité ?
Les troubles psychosomatiques montrent que le corps, contrairement à l'esprit, ne peut occulter les
problèmes.
Il peut même manifester des troubles que l'esprit refuse de traiter, et même de voir (angine de quelqu'un.
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