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L'artiste peut-il vouloir le laid ?

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« Il existe beaucoup d'autres catégories esthétiques que le beau, il y a le grotesque, le merveilleux, le comique, le monstrueux, le laid, la caricature le tragique, le sublime.

L'artiste n'est pas obligé de produire quelque chose qui soit forcément beau, le métier même d'artiste est par définition de produire des objets d'art.

Il convient de combattre les idées reçues concernant la liaison du beau et de l'art, mais aussi de montrer que le laid peut être « involontaire » dans la mesure où l'artiste s'est avéré incapable de produire une belle œuvre d'art car ses talents sont médiocres ou parce qu'il a mauvais goût. 1) Ce qu'est le laid. Les conceptions soutenues par Hugo, dans la Préface de Cromwell (1827), procéderont directement du romantisme.

Contentons-nous de citer un passage célèbre et capital : «Le beau n'a qu'un type ; le laid en a mille.

C'est que le beau, à parler humainement, n'est que la forme considérée dans son rapport le plus simple, dans sa symétrie la plus absolue, dans son harmonie la plus intime avec notre organisme.

Aussi nous offre-t-il toujours un ensemble complet, mais restreint comme nous.

Ce que nous appelons le laid, au contraire, est un détail d'un grand ensemble qui nous échappe, et qui s'harmonise non pas avec l'homme, mais avec la création tout entière.

Voilà pourquoi il nous présente sans cesse des aspects nouveaux, mais incomplets.

» Aussi l'existence même du mal, du défaut à un lien directe avec la laideur.

Le laid est la vision esthétique du défaut.

Aussi en rapport avec la conception leibnizienne de l'harmonie préétablie qui ne voit le mal comme favorisant l'harmonie du tout, qu'il est indispensable à la beauté du tout, et que par là l'individu seul ne peut en retirer un plaisir esthétique.

A l'instar du pop art qui a inscrit avec une éloquence véhémente le visage authentique de la métropole, en révélant et en proclamant que la ville n'est pas un musée, et que le laid en constitue un facteur indispensable.

Le beau ne peut pas être partout, sinon la beauté n'existerait pas, il y doit y avoir du laid pour qu'il y ait du beau dans le monde. 2) Une difficile pensée du laid. Le laid s'oppose au beau comme le raté au réussi, comme le pathologique au normal ; l'objet échoue à être ce qu'il prétend être, le non-être qui l'affecte est celui de l'illusion, de la tricherie.

Mais il y a aussi les choses sans prétention, qui sont ce qu'elles sont, mais qui semblent n'exister qu'à demi : choses plates, ternes, mornes, qui ne trompent pas le regard mais qui le découragent et le lassent ; non point des essences qui tendraient vainement à l'existence, mais plutôt des existences sans essence, sans individualité et sans force, sans signification parce qu'elles ne signifient pas.

Les mauvaises œuvres d'art naissent du mauvais goût qui a une origine social assez définie.

Si le milieu et les conditions de vie d'un individu contribuent à former le goût, ils peuvent aussi le déformer, voire le dépraver, entraînant des aveuglements qui annihilent cette faculté sélective, essentielle au libre exercice du goût.

« Le goût dépravé dans les arts, écrit Voltaire, c'est se plaire à des sujets qui révoltent les esprits bien faits, préférer le burlesque au noble, le précieux et l'affecté au beau simple et naturel.

C'est une maladie de l'esprit.

» Même un œil exercé peut ne plus « voir » ce qu'il a constamment sous les yeux.

Les uns récusent, instinctivement, ce qui « ne leur rappelle rien ».

Les autres tiennent pour admirable tel objet qu'ils associent, à tort, à une œuvre belle.

Ces derniers ont fait les beaux jours des fabricants de buffets Henri II, ils font aujourd'hui ceux des marchands de Louis XV en série.

Les uns adoptent d'emblée le jugement des gens qu'ils estiment, les autres établissent leur choix par un antagonisme inavoué envers un individu, un groupe, un milieu qu'ils rejettent.

Il est bien évident que la véritable indépendance du jugement et du choix doit pouvoir faire abstraction des tendances qui sont celles du milieu, de la société contemporaine, sans opposition systématique, mais sans soumission aux contraintes ou aux préjugés et, le plus souvent, à contre-courant, puisque les options communes ne sont en général que le résultat d'un renoncement facile à l'élaboration d'une analyse personnelle. 3) Le kitsch ou le mauvais goût volontaire. Le mot « kitsch » tirerait son origine d'un verbe allemand verkitschen qui veut dire brader ; apparu vers 1870 dans la Bavière de l'hyperromantique et maniériste du roi Louis II ; où le terme est utilisé pour qualifier les reproductions d'art à bon marché.

Kitsch veut dire aussi : « vendre en dessous du prix » ou de kitschen « rénover, revendre du vieux », d'abord « ramasser des déchets dans la rue » Le mot a ensuite resurgi dans le vocabulaire suivant les besoins du temps.

Il ne faut donc pas qualifier de kitsch un objet ou un bâtiment si l'idée et surtout le contexte qui a vu émerger cette notion n'existaient pas.

Jean Duvignaud définit ce phénomène dans Baroque et kitsch : « Kitsch, mot qui apparaît à la fin du siècle dernier, en Europe centrale quand l'industrialisation esquisse une redistribution des bénéfices de la production.

Les salariés achètent quelques bribes d'une culture à laquelle jusque-là ils n'avaient aucune participation.

Les amateurs éclairés font la grimace : ces gens se pavanent dans la pacotille, dans un ersatz de grand art, et se laissent séduire par une musique dégradée, une peinture pervertie et les facilités commerciales du tape-à-l'œil, le kitsch n'est-il que cela ? » Aussi, des bâtiments, des peintures, des sculptures peuvent être kitsch.

Le kitsch c'est la surcharge décorative, l'accumulation de symboles, la reproduction en un matériau moins noble ou inadapté d'un objet, la copie de styles artistiques incongrus pour une époque.

Ainsi la peinture pompier et académique, L'Art Nouveau, les œuvres architecturales de Gaudi ne sont à proprement parlé pas belles mais kitsch. Mais Gaudi reste un artiste qui a produit des œuvres d'art, on ne peut dire le contraire.

Le kitsch ; c'est sortir de son contexte des éléments culturels pour les insérer dans un autre milieu totalement différent ; ou s'en servir à des fins opposées ou étrangères à leur destination d'origine.

Comme le dit Gilles Dorfles dans Le kitsch, un catalogue raisonné du mauvais goût : « Le kitsch recourt en priorité à des éléments irrationnels, fantasmagoriques, ou s'il on veut au subconscient ou au préconscient.

» Souvent, la volonté ou non de l'artiste de produire un objet laid est floue, il est en effet difficile de savoir dans ce cadre si c'est le style même d'une époque, une commande, qui peut être démodé et rendu kitsch par la suite, ou si l'artiste a su en conscience qu'il produisait un objet laid.

Produire un objet laid volontairement serait une perversion du goût, une provocation envers le bon goût, une plaisanterie et non une simple erreur. Conclusion. L'artiste produit des œuvres d'art, des objets esthétiques qui ne sont pas forcément, l'art n'est pas forcément en lien avec le beau. L'artiste produit l'art de son temps, il ne peut véritablement en sortir.

Les goûts sont relatifs aux époques, ce qui est beau à un moment donné ne le sera plus par la suite, au risque de devenir kitsch ou laid.

De ce point de vue, l'artiste ne veut pas volontairement le laid, mais il existe un art volontairement kitsch, fait de citation et de références culturelles qui sont en vérité de la provocation, qu'on retrouve en particulier dans l'art contemporain, le pop art, et certaines installations.

Mais qui sait, ces œuvres seront peut être jugées belles dans un siècle…. »

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