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L'artiste est-il un créateur ou un imitateur ?

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De plus, l'art est considéré comme une activité libre et détachée de toute contrainte matérielle,tandis que l'artisan est généralement associé à un travail pénible, sous contrainte ( salaire..). Le philosophe Merleau-Ponty fait ressortir cette singularité de l'artiste à travers son oeuvre De l'Oeil et de l'Esprit : cette singularité ne réside pas dans l'observation ou le savoir faire de l'artiste, mais dans son 'intégration et sa participation à ce monde qu'il perçoit de manière plus intense et plus complète. Baudelaire considérait que la tâche de l'artiste ne se limitait pas à une quelconque passivité ( «  contempler et copier »), mais plutôt à un acte profondément dynamique de «  sentir et penser », en développant son imagination. L'art s'émancipe réellement à partir du 18e siècle et perd ses fonctions utilitaristes qui le caractérisaient auparavant ( lien social, véhicule de la religion,...) L'art n'est plus l'instrument du sacré et se détache de tout contexte, comme en témoigne le développement de l'art abstrait.

« Dans le langage courant, la notion de création est communément associée à l'art par la formule « création artistique ».

Cette formulation que nous utilisons fréquemment implique le point de vue qui considère l'artiste en tant que créateur.

En ce sens,nous prenons donc inconsciemment parti sur ce qui mériterai pourtant réflexion, tel que le concept de création.

Nous pouvons en effet nous demander si ce dernier est applicable au résultat du travail de l'artiste qu'est l'oeuvre d'art.

Si l'on remet en question cette formulation quasi-machinale en étudiant plus en profondeur le sens de chacun des termes, on réalise que cette association de concepts ne se présente plus comme une simple évidence. Sur quoi repose donc le point de vue associant la création, notion plus complexe qu'elle ne le parait, au travail de l'artiste? Nous pouvons nous demander en quoi cette théorie de l'artiste en tant que créateur est contestable.

Est-il légitime de parler de création pour une oeuvre d'art? L'artiste est il un créateur, est il un imitateur? Considérer l'artiste comme un créateur n'est pas une évidence.

L'oeuvre d'art n'est autre qu'un produit de la technique humaine, visant à ce qu'un individu associe formes et matières dans un but d'expression et de représentation de la pensée et des idées, par le biais d'une oeuvre matérielle ou non (exemple de la musique).

La notion de création induit quant à elle une idée de spiritualité et d'absolu : dans la tradition judéo-chrétienne, cette dernière renvoie à « l'acte inaugural de Dieu ».Ainsi, nous pouvons affirmer que considérer l'artiste au rang de créateur, c'est l'admettre en tant qu'égal de Dieu dans le domaine de la création.

Le mythe de la création divine selon lequel Dieu serait à l'origine du monde induit ici une dimension d'absolu contenu dans la création, dimension à laquelle nous ne faisons que très rarement allusion lorsque nous abordons la création artistique.

C e pendant, l'artiste en tant qu'Homme est un être qui ne peut égaler Dieu, de par son imperfection et de sa propre dépendance par rapport à Dieu.

La différence entre création divine et création artistique réside dans le fait qu'à l'inverse de l'artiste, Dieu à créé ex-nihil, c'est à dire à partir de rien , ce qui n'est évidemment pas le cas de l'artiste plus matérialiste ( le musicien lui même à besoin d'instruments de musique). Si l'artiste est un créateur, l'oeuvre d'art est exclusivement inventive.

Nous pouvons nous demander en quoi elle se distingue de la simple production. L'oeuvre d'art semble, à travers de nombreux exemples, se distinguer par son originalité et sa singularité.

Nous pouvons tout d'abord affirmer que les talents de l'artiste semblent reposer sur la notion d'habileté, mais que cette maîtrise de la technique n'est pas suffisante.

L'artiste doit être capable de dépasser cette habilité, sans quoi l'oeuvre d'art ne serait qu'une production.

Le travail de l'artiste est créatif, dans le sens ou il manifeste des particularités dans le style : l'oeuvre doit être originale et singulière, et c'est en cela même qu'elle se démarque de la production.

La simple maîtrise d'une technique, bien qu'elle soit nécessaire, n'élève pas l'oeuvre d'art au rang de création : seul son caractère unique en est à l'origine.

La création artistique est une activité libre, et par conséquent détachée de toute fin pragmatique.

Le spectateur est donc désintéressé.

Dès le 18e siècle, l'apparition de la notion « beaux-arts » donne à l'art une image nouvelle, et le détache de l'artisanat et de ses productions.

L'art a pour finalité le plaisir esthétique pur et simple, et s'adresse aux sens et à l'âme.

Les connaissances théoriques peuvent être nécessaires, et en cela l'art rejoint dans une certaine mesure la science, mais le parallèle s'arrête ici : c'est bien ce que suggère Kant dans la Critique de la faculté de juger: l'art suppose en plus de la maîtrise technique une part non négligeable d'inventivité et d'habileté, que la science à titre d'exemple n'exige pas.

L'artiste fait appel à son imagination, et à travers son vécu d'homme ordinaire, parvient à extérioriser son ressenti d'une manière tout à fait particulière par ses poèmes, sculptures, tableaux ou symphonies.

L'artiste est donc pour cette raison un créateur, car son originalité réside dans sa capacité à retranscrire son imagination dans des oeuvres uniques.

La création ne saurait se satisfaire de règles qui viendraient la contraindre : elle demeure un « mystère », au sens ou l'artiste lui même n'est pas en mesure de la maîtriser totalement et ne peut prévoir précisément quelle sera son oeuvre ( à la différence de la production, là encore). De plus, l'art est considéré comme une activité libre et détachée de toute contrainte matérielle,tandis que l'artisan est généralement associé à un travail pénible, sous contrainte ( salaire..). Le philosophe Merleau-Ponty fait ressortir cette singularité de l'artiste à travers son oeuvre De l'Oeil et de l'Esprit : cette singularité ne réside pas dans l'observation ou le savoir faire de l'artiste, mais dans son 'intégration et sa participation à ce monde qu'il perçoit de manière plus intense et plus complète. Baudelaire considérait que la tâche de l'artiste ne se limitait pas à une quelconque passivité ( « contempler et copier »), mais plutôt à un acte profondément dynamique de « sentir et penser », en développant son imagination.

L'art s'émancipe réellement à partir du 18e siècle et perd ses fonctions utilitaristes qui le caractérisaient auparavant ( lien social, véhicule de la religion,...) L'art n'est plus l'instrument du sacré et se détache de tout contexte, comme en témoigne le développement de l'art abstrait. Mais qu'en est-il de la perception du spectateur? Quelles sont les sensations que délivre l'oeuvre d'art chez l'Homme? La citation de Plotin illustre avec justesse l'impact que peut avoir une oeuvre: « L'architecture, c'est ce qu'il reste de l'édifice, la pierre ôtée ».

Autrement dit, l'art dégage autre chose que le sensible. A travers l 'exemple de la poésie, Bonnefoy dans Entretiens sur la poésie affirme que les oeuvres d'art débouchent implicitement sur de nouvelles voies de réflexion pour l'Homme.

L'expérience du contact avec l'oeuvre d'art ne se limite pas au sensible, mais élève l'Homme vers l'intelligible, vers le sens profond de l'oeuvre.Les traits de peinture, les notes ou la finesse de la sculpture représentent l'élan nécessaire à cette élévation, mais ne sont que le point de départ à cette réflexion vers l'intelligible.

L'oeuvre d'art est un véritable appel à l'imagination du spectateur : il peut le détourner du réel par une immersion dans le rêve ( art abstrait par exemple) , soit offrir une approche différente du monde qui l'entoure pour mieux lui faire saisir certains des aspects de la réalité que sans l'oeuvre d'art il n'aurait pu percevoir.

Paul Klee disait lui même: « L'art ne reproduit pas le visible, il le rend visible.

» Cependant, cette vision de l'artiste en tant que créateur reste à nuancer, selon un certain point de vue.

L'artiste peut être placé au rang d'imitateur, notamment lorsqu'il se trouve comparé à l'artisan , avec lequel on retrouve certaines similitudes.

Il existe en effet des limites quant à la distinction entre oeuvre d'art et produit artisanal. La production artisanale fait quelquefois appel à l'inventivité et à l'originalité, notamment lorsqu'un produit nouveau voit le jour.

Il faut tenir compte du fait de l'ambiguïté entre les termes d'artiste et d'artisan, qui jusqu'au 18e siècle avaient le même sens.De plus, l'étymologie «du mot « art » est significative : il provient du latin « ars », qui signifie la technique, comme dans « artisanat ».

Comme nous avons pu le voir précédemment, les motivations à la production d'oeuvres d'art ou d'objet artisanal sont au sens courant distinctes, mais cela n'est pas toujours le cas dans la réalité : il arrive que l'art réponde à une logique mercantile, lorsqu'il fait l'objet de commandes.

Ne peut-on pas alors parler ici de production? L'artiste n'est pas réellement libre de son travail ici. La création comme définition du travail de l'artiste reste donc à nuancer: Platon développe dans le Livre X de La République l'idée que l'art est une imitation au second degré : il reproduit des productions de l'artisan, qui sont-elles mêmes des imitations de ce qui existe déjà et se caractérisent par leur absence de singularité.

L'artiste « produit » l'imitation d'une imitation, et son oeuvre est donc mensongère et illusionniste.Platon récuse donc tout art n'ayant pas de lien avec le vrai.

Il défend pourtant l'idée d'une inspiration divine du poète, ce qui n'est pas sans contradiction. Dans cette même optique, Kant développe le concept de « génie artistique » dans la Critique de la faculté de juger.Selon lui, l'artiste de génie ne suit pas de règle dictée par d'autres,dans le sens ou lui seul est en mesure de les édifier pour son travail.

Kant aborde donc ici une dimension de créativité de l'artiste en tant qu'il agit selon son génie propre, basé sur l'imagination.L'absence de contraintes est plus que jamais source d'originalité.

Le génie est inné, et la création artistique n'est alors plus de l'ordre du beau, mais de l'absolu qu'est le sublime.

Or, toute forme d'absolu dépasse l'Homme pourtant capable de le concevoir, d'ou l'idée que les oeuvres d'art dignes du génie effraient l'esprit des hommes. L'artiste est donc bel et bien un créateur, dont l'inspiration se nourrit du monde, et dont les oeuvres permettent aux hommes d'élever leur esprit vers de nouvelles réflexions.. »

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