L'artiste doit-il être un témoin de son temps ?
Extrait du document
«
[L'art s'inscrit dans l'histoire.
Le véritable artiste n'est pas celui qui s'enferme
dans sa création, mais celui qui nous parle de son époque.
En ce sens, il est forcément un témoin de son temps.]
L'artiste est l'enfant de son temps
Si l'artiste est par définition un créateur, il ne crée pas à partir de rien.
Des événements, politiques, sociaux,
culturels, influencent, mais aussi stimulent, dirigent son inspiration.
La guerre d'Espagne est à l'origine d'une des
plus célèbres oeuvres de Picasso: Guernica.
C'est l'occupation nazie qui conduit Camus à écrire La Peste.
L'artiste saisit l'esprit d'une époque
La religion, au milieu du Moyen Age, est tout entière vouée à la méditation, à la communication intérieure avec
Dieu.
Les églises romanes témoignent de cette pratique intimiste.
Ce sont des lieux favorables au recueillement.
A
l'âge gothique, la religion change d'état d'esprit.
La méditation cède le pas à la célébration.
Les bâtisseurs des
cathédrales construisent des flèches qui s'élèvent vers le ciel, vers le royaume de Dieu.
Autant le style roman est
introverti et austère, autant le gothique est extraverti et flamboyant.
L'artiste révèle les aspirations d'un peuple
Dans l'Introduction à l' « Esthétique », Hegel répond à la question :
Qu'est-ce qu'une oeuvre d'art, une oeuvre d'art digne de ce nom, une
oeuvre d'art conforme à son concept ou essence ? Réponse: une oeuvre
d'art est une création.
Même lorsqu'elle reproduit des objets, des situations,
même lorsqu'elle est figurative, elle ne porte bien son nom que s'il s'y ajoute
quelque chose.
Quoi ? L'Esprit.
Par exemple, un lever de soleil est
essentiellement différent de la reproduction de ce lever, car, dans le premier
cas, nous avons affaire à un phénomène naturel, à un mécanisme dépourvu
d'intention, et dans l'autre à une production humaine, consciente,
intentionnelle, « jaillie de l'esprit » ; dans le premier cas à une
« manifestation », dans le second à une 'création'.
La nature de la nature
est sans esprit, la nature de l'oeuvre d'art est « spirituelle ».
L'oeuvre d'art est précisément une oeuvre, c'est à dire quelque chose de
spirituel, ce que Platon à tort n'entrevoit pas en la définissant à partir de
son contenu sensible.
En tant que quelque chose de spirituel, elle n'est pas
purement spirituelle car en elle l'esprit prend corps.
L'oeuvre d'art est le
produit d'un certain travail dans la mesure où l'esprit transforme une matière
qui devient miroir de son activité.
La valorisation de l'art va de pair avec
celle du travail (cf.
cours sur le travail).
L'art et ses oeuvres ne procèdent
pas d'une activité purement théorique puisque l'esprit s'exerce sur une
matière qui, par suite, se spiritualise.
« Leur représentation implique l'apparence du sensible et insère le sensible
dans l'esprit ».
L'esprit est là, devant nous, a désormais une apparence, se montre.
L'esprit de l'artiste, ses idées,
ses intentions, sa sensibilité, bref l'activité pensante s'incarne, s'objective, prend une forme sensible.
De même que
l'esprit se « sensibilise », le sensible se spiritualise puisqu'il devient ce dans quoi, ce par quoi le sens advient.
Donc, l'oeuvre d'art , est quelque chose de spirituel, de spirituel parce qu'elle est oeuvre de l'esprit, de matériel
parce que l'esprit produit une oeuvre en travaillant une matière.
Ce travail n'est pas pour autant similaire à tout
travail.
Il ne vise pas la satisfaction des besoins et n'est pas utile à la vie ni au bien vivre.
L'art en ce sens est
inutile.
Le travail de l'artiste est d'emblée spirituel et l'histoire de l'art n'est pas celle de l'esclave travailleur qui
commence par l'asservissement.
Conséquences de cette critique de la définition de l'art comme imitation qui conduit à sa réhabilitation au nom de
sa nature spirituelle:
1) Puisque l'art n'est pas essentiellement imitation, l'imitation ne doit pas être sa fin dernière.
Ce n'est pas ce qui
en fait l'intérêt.
Le peintre, par exemple, ne doit pas oublier que ce qui nous intéresse n'est pas le paysage
représenté mais son regard sur le paysage.
2) Et donc la beauté de son oeuvre ne doit rien à la beauté du paysage.
La beauté artistique est d'un autre ordre
et ne provient en aucun cas de l'éventuelle beauté de la chose représentée qui serait captée par l'artiste.
A vrai.
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