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L'art peut-il changer le monde ?

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« Introduction — L'art ne semble pas a priori avoir vocation à changer la vie des hommes.

Cette tâche reviendrait plutôt à la technique qui permet aux hommes de bénéficier de certaines commodités rendant leur vie plus agréable. — La mission de changer le monde peut revenir également à la politique dans le sens où, comme le disait Aristote, elle s'efforce de faire en sorte que la vie des hommes ne soit « point trop accablée de peine ». – Mais l'art en tant que production consciente de la beauté ne semble pas avoir pour mission première de transformer le monde des hommes.

Nous rechercherons donc si les apports de l'art peuvent contribuer à leur manière à changer la vie des hommes.

Que serait la vie des hommes sans l'art? L'art rend-il le monde plus agréable? – En tant qu'effort de l'homme pour produire la beauté, l'art change déjà le monde des hommes en l'embellissant. Sans l'art, parlerions-nous de beauté? N'est-ce pas le talent de l'artiste qui fait surgir la beauté? L'artiste ne guidet-il pas le regard des hommes ? N'est-ce pas grâce à lui que nous regardons le monde autrement? Sans lui, le monde ne serait-il pas plus terne? – L'art, disait Hannah Arendt, est le moyen le plus achevé que les hommes ont trouvé pour conférer à leurs oeuvres « un peu d'éternité ».

L'homme est perpétuellement en danger d'oubli.

Il voudrait être immortel, mais il sait qu'il va mourir.

L'oeuvre fournit un moyen pour combler l'écart existant entre le désir humain d'immortalité et la conscience de sa mortalité.

L'art change la vie des hommes parce qu'il fait que leurs oeuvres demeurent et qu'il les préserve dans une certaine mesure de l'oubli.

Sans l'art, les hommes perdraient une partie de leur mémoire. En raison de leur éminente permanence, les oeuvres d'art sont de tous les objets tangibles les plus intensément du monde ; leur durabilité est presque invulnérable aux effets corrosifs des processus naturels, puisqu'elles ne sont pas soumises à l'utilisation qu'en feraient les créatures vivantes [...] qui ne peut que les détruire.

Ainsi leur durabilité est-elle d'un ordre plus élevé que celle dont tous les objets ont besoin afin d'exister ; elle peut atteindre à la permanence à travers les siècles.

Dans cette permanence, la stabilité même de l'artifice humain qui, habité et utilisé par des mortels, ne saurait être absolu, acquiert une représentation propre.

Nulle part la durabilité pure du monde des objets n'apparaît avec autant de clarté, nulle part, par conséquent, ce monde d'objets ne se révèle de façon aussi spectaculaire comme la patrie non mortelle d'êtres mortels.

Tout se passe comme si la stabilité du monde se faisait transparente dans la permanence de l'art, de sorte qu'un pressentiment d'immortalité, non pas celle de l'âme ni de la vie, mais d'une chose immortelle accomplie par des mains mortelles, devient tangible et présent pour resplendir et qu'on le voie, pour chanter et qu'on l'entende, pour parler à qui voudra lire.

ARENDT – L'art, disait Nietzsche dans La Naissance de la tragédie, « console l'homme de vivre ».

À propos des Grecs de l'Antiquité, il écrit: « Le Grec connaissait et éprouvait les terreurs et les horreurs de l'existence; il n'aurait pu vivre s'il n'avait interposé entre ce monde et lui cette éblouissante création de rêve : le monde olympien.

» L'art change la vie des hommes en la rendant plus supportable. NIETZSCHE: L'art doit surtout et avant tout embellir la vie, nous rendre donc supportables et, si possible, agréables aux autres : cette tâche sous les yeux, il nous modère et nous tient en bride, crée des formes de civilité, lie des êtres sans éducation à des lois de convenance, de propreté, de courtoisie, leur apprend à parler et se taire au bon moment.

L'art doit ensuite dissimuler ou réinterpréter toute laideur, chaque trait pénible, horrible, dégoûtant, qui ne cessera de reparaître en dépit de tous les efforts, conformément à l'origine de la nature humaine ; il doit surtout procéder ainsi au sujet des passions, des douleurs et des angoisses de l'âme, il doit, dans la laideur inévitable ou insurmontable, laisser transparaître son côté significatif. Après cette grande, cette trop grande tâche de l'art, ce qui se dit proprement de l'art, celui des oeuvres, n'est qu'un appendice.

Un homme qui sent en soi une surabondance de ces vertus d'embellissement, d'occultation et de réinterprétation, cherchera finalement à se décharger encore de ce superflu dans des oeuvres d'art ; dans certaines circonstances, tout un peuple fera de même.

- Mais d'ordinaire, on prend maintenant l'art par l'autre bout, on se raccroche à sa queue, et on se figure que l'art des oeuvres d'art est le vrai, que c'est à partir de lui qu'il faudra améliorer et transformer la vie - fous que nous sommes ! À commencer notre repas par le dessert et à savourer douceurs sur douceurs, quoi d'étonnant si nous nous gâtons l'estomac et même l'appétit pour la bonne chère solide et nourrissante, à laquelle l'art nous convie ! Avez-vous compris l'essentiel ? 1 Comment l'art embellit-il la vie ? 2 En quoi le fait de faire ressortir ce qui est significatif participe-t-il de la fonction de l'art ?. »

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