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La transgression des interdits constitue-t-elle un retour au chaos ?

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« La vie humaine toute entière est régie par de nombreuses règles et, par conséquent, par de nombreux interdits.

La transgression de ces interdits est souvent une tentation pour l'individu, mais est également objet de peurs lorsque ce sont les autres qui menacent de transgresser.

La transgression est en effet une remise en cause des règles sociales qui permettent, semble-t-il, à la société d'être conhérente, elle menace les rouages-mêmes de cette société.

Le chaos semble alors menacer.

Qu'appelle-t-on transgresser ? du latin « transgressus », qui signifiait « qui a traversé ».

Transgresser signifie ne pas obéir à un ordre, à une loi ou ne lpas les respecter.

En ce sens, une transgression est l'action d'enfreindre de violer une règle, un ordre ou une loi.

Ce que l'on transgresse, par excellence, est l'interdit.

Qu'est-ce qu'un interdit ? On appelle interdit, en anthropologie, un impératif institué par un groupe, une société et qui prohibe un acte, un comportement.

Un interdit peut-être individuel, inconscient ou conscient.

Dans ce cas, il s'agit en général d'interdits sociaux intériorisés.

La transgression des interdits constitue-t-elle un retour au chaos ? Constituer (du latin « constitutio » qui signifie institution et complexion), c'est établir dans une situation légale ou édifier, élaborer.

Mais constituer est également être, et c'est en ce sens qu'il faut entendre ce verbe ici.

La transgression des interdits est-elle un retour au chaos ? Qu'estce que le chaos ? Originairement, en Grèce, on appelait chaos un état de vide, d'obscurité préexistant au monde avant l'apparition des choses, puis une confusion générale des éléments de la matière avant la création du cosmos.

A ce propos, on peut lire dans Le banquet, de Platon (178b) : « Hésiode dit que ce qui a existé en premier, c'est le chaos, et ensuite la Terre à l'ample poitrine, fondement de toutes choses à jamais assuré, et l'Amour.

» Dans la bible, le chaos est le désordre confus préexistant à l'organisation du monde par une puissance organisatrice.

Issu du grec « Khaos », qui signifiait gouffre, abîme, le substantif chaos qualifie aujourd'hui, par extension, un désordre épouvantable, une confusion générale.

Cette acception est à présent celle que nous rencontrons le plus.

On peut par exemple citer Louis Ferdinand Céline, qui utilise ce teme de cette manière dans La vie et l'oeuvre de Philippe-Ignace Semmelweis : « La conscience n'est dans le chaos du monde qu'une petite lumière précieuse mais fragile.

» ; ou encore Blaise Pascal, qui écrit dans ses Pensées (434) : « Quelle chimère est-ce donc que l'homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses, imbécile ver de terre : dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur ; gloire et rebut de l'univers.

».

Chez Friedrich Wilhelm Nietzsche, « chaos » nomme le devenir en tant qu'il n'a pas de finalité.

C'est en ce sens qu'il écrit, dans Ainsi parlait Zarathoustra (1883-1885) : « Il faut porter encore en soi un chaos pour pouvoir mettre au monde une étoile dansante.

» Enfin, on oppose à la notion de chaos celle d'ordre.

A l'origine de toute société, qui est l'organisation de la viees hommes en société, il semble donc qu'il n'y ait eu que chaos.

A l'origine de toute structuration mentale individuelle, elle-même induite par la vie en société, il semblerait qu'il y ait également eu le chaos.

On peut donc se demander si la transgression des règles constitutives, des interdits, menace la vie en société.

La transgression des interdits sociaux menace-t-elle de nous faire régresser à l'état chaotique qu'a connu l'humanité avant son organisation en société ? Qu'implique la transgression des interdits d'un point de vue social ? I. On peut tout d'abor penser, avec Baruch Spinoza, que la transgression des lois menace la société civile et tend à faire chuter l'humanité dans un état de nature chaotique : « Ce qu'est le meilleur régime pour tout État, on le connaît facilement en considérant la fin de la société civile : cette fin n'est rien d'autre que la paix et la sécurité de la vie.

Par suite, le meilleur État est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, et dont le Droit n'est jamais transgressé. En effet, il est certain que les séditions, les guerres et le mépris ou la transgression des lois doivent être imputés non tant à la malignité des sujets qu'au mauvais régime de l'État.

Les hommes, en effet, ne naissent pas aptes à la vie en société, il le deviennent.

En outre, les passions naturelles des hommes sont partout les mêmes ; si donc, dans un corps politique, la malignité humaine assure mieux son règne que dans un autre, et si on y commet plus de péchés, cela vient certainement de ce qu'un tel corps politique n'a pas assez pourvu à la concorde, n'a pas établi son Droit avec assez de sagesse et, en conséquence, n'a pas acquis le droit absolu qui est celui d'un corps politique.

Car une société civile qui n'a pas éliminé les causes de sédition, où il faut toujours redouter une guerre, et où enfin les lois sont presque toujours violées, ne diffère pas beaucoup de l'état naturel, où chacun vit selon ses inclinations, mais avec un grand péril pour sa vie.

» II. Mais la transgression de l'interdit, intérieur comme extérieur, est pourtant libératrice pour l'individu.

Ce à quoi mène la transgression de ses propres interdits par l'individu n'est pas le chaos, mais l'amélioration de sa condition par la guérison de ses névroses.

A ce propos, Paul Ricoeur écrit, dans sa Philosophie de la volonté : "Le sens profond de la cure (psychanalytique) n'est pas une explication de la conscience par l'inconscient, mais un triomphe de la conscience sur ses propres interdits par le détour d'une autre conscience déchiffreuse.

L'analyste est l'accoucheur de la liberté, en aidant le malade à former la pensée qui convient à son mal." René Descartes insiste également sur la vertu libératrice de la transgression des interdits collectifs : « Et bien que, quand nous opposons notre propre jugement aux commandements des autres, nous nous disions plus libres de faire ce pour quoi rien ne nous est prescrit par autrui, et où il nous est permis de suivre notre propre jugement, que de faire ce qui nous est interdit, pourtant, en opposant nos jugements entre eux ou nos connaissances les unes aux autres, nous pouvons dire que nous sommes plus libres pour faire ce qui ne nous paraît ni bien ni mal, ou encore ce en quoi nous connaissons beaucoup de raisons pour le bien certes, mais autant d'autres pour le mal, que pour faire ce en quoi nous apercevons beaucoup plus de bien que de mal.

En effet, une plus grande liberté consiste soit dans une plus grande facilité à se déterminer, soit dans un plus grand usage de cette puissance positive que nous avons de suivre le pire, tout en voyant le meilleur.

» III. Enfin, on ne peut pas parler de retour au chaos, car nous vivons dans un monde chaotique.

Certes nous avons l'illusion de vivre dans un monde ordonné, mais c'est parce que nous cherchons sans cesse à donner du sens aux choses. Nous vivons déjà dans le chaos et la transgression des interdits sociaux ne peut mener qu'à un réagencement de ce chaos.

Il n'est en aucun cas question de retour à une situation antérieure.

A ce propos, Paul Valéry écrit, dans son livre Philosophie, Cahiers I : « l'esprit trouve des mystères parce qu'il cherche d'instinct un but et une utilité à toute chose.

Il semble qu'il lui soit interdit de concevoir les choses telles quelles - tout au moins telles qu'elles se montrent.

». »

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