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La société fait-elle l'homme ?

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« On peut difficilement envisager de parler de l'homme sans prendre en compte son cadre de vie, la société.

On imagine mal en effet aujourd'hui que l'homme puisse vivre seul, indépendamment de ses semblables, à l'écart de toute structure socialement organisée, de quelque manière que ce soit.

Est-ce cependant nécessaire pour dire que c'est la société qui fait l'homme ? On parle en effet de sociétés animales pour décrire des regroupements d'individualités évoluant selon des schémas réglés et dans un rapport d'interdépendance sans pour autant que l'homme y soit présent.

Qu'est-ce qui fait la spécificité de ces sociétés au point de dire que sans elle, l'homme ne peut se faire ? Peut-on dire que la complexité humaine, mais aussi ses nombreuses capacités et ses multiples facettes sont imputables à la vie en société ? Par ailleurs, est-ce l'homme qui décide lui-même de vivre en société dans le souci de l'intérêt général ou bien cette forme d'organisation s'impose-t-elle d'elle-même à lui de manière naturelle ? Enfin, la vie en société, établie depuis des siècles, a-t-elle modifié la nature des rapports entre les hommes ? Que peut-on dire à cet égard du modèle de nos sociétés occidentales, fondées sur les rapports économiques ? 1- Peut-on dire que vivre en société est naturel ? Si l'on en croit Aristote et les Stoïciens, la société semble bien être l'expression naturelle de la sociabilité innée de l'homme. 2- Cependant, l'histoire n'a cessé et ne cesse de montrer que rien n'est moins instable et problématique que ce « vivre ensemble ».

Interrogeons-nous, avec Hobbes et Rousseau, sur ce qui a pu pousser l'homme a accepter de vivre en société, au péril de sa liberté première. 3- Enfin, une fois le contrat social accepté, il peut être intéressant de voir comment les sociétés ont fait évoluer les rapports entre hommes, avec l'exemple de l'Occident. 1- La société comme rassemblement naturel La société désigne un ensemble intégrant la vie de tout homme, avec ses occupations, ses désirs, ses actes, dans le cadre d'institutions pouvant être appelées à être modifiées en partie ou même révolutionnées, marque de leur grand dynamisme.

Au contraire, les sociétés dites animales sont de leur côté pour ainsi dire immuables, figées, c'est-à-dire que chaque génération manifeste inlassablement les mêmes comportements que ses prédécesseurs dans l'intérêt de la survie du groupe et des individus qui le composent.

Ici, cette organisation est naturelle.

En va-til de même pour les sociétés humaines ? Si l'on en croit Aristote, la réponse est oui.

Pour lui, l'homme est un « animal politique » doté d'une sociabilité innée, naturelle (cf.

Les politiques).

Dans cette conception, aucun homme ne peut vivre hors de la société à moins d'être un dieu (et de se suffire alors à lui-même) ou un être qu'un état premier d'isolement aurait définitivement dégradé.

La société est même définie ici comme une communauté politique réglée par des lois dont la finalité n'est autre que le bonheur de vivre ensemble.

Elle répond à un besoin premier et à une tendance fondamentale de l'homme qui lui permet de se réaliser.

Ainsi n'est-ce aucunement par défaut ou seulement par intérêt que l'homme vit en société, il est au contraire né pour cela. C'est au second chapitre du premier livre de la « Politique » que l'on retrouve en substance la formule d'Aristote.

On traduit souvent mal en disant : l'homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du mot « politique », qui désigne l'appartenance de l'individu à la « polis », la cité, qui est une forme spécifique de la vie politique, particulière au monde grec. En disant de l'homme qu'il est l'animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position, Aristote, à la fois se fait l'écho de la tradition grecque, reprend la conception classique de la « cité » et se démarque des thèses de son maître Platon. Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut s'accomplir la véritable nature de l'homme : la « polis » permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ».

Il affirme de même que la cité est une réalité naturelle antérieure à l'individu : thèse extrêmement surprenante pour un moderne, et que Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu'elle signifie que l'individu n'a pas d'existence autonome et indépendante, mais appartient naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ».

Enfin Aristote tente de différencier les rapports d'autorité qui se font jour dans la famille, le village, l'Etat, et enfin la cité proprement dite. La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine, « L'homme est animal politique au suprême degré ».

En effet la communauté originaire est la famille : c'est l'association minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique » de l'individu et de l'espèce.

Composée du père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à des impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les Grecs.

« D'autre part, la première communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas purement quotidiens est le village.

» Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne sont pas propres à l'humanité. Le cas de la « polis » est différent.

« Ainsi, formée au début pour satisfaire les besoins vitaux, elle existe pour permettre de bien vivre.

» Dans la « polis » se réalise tout autre chose que la simple satisfaction des besoins : sa fonction initiale (satisfaire les besoins vitaux) découvre autre chose de beaucoup plus important : non plus le vivre mais le bien vivre.

Non plus la simple vie biologique mais l'accès à la vie proprement humaine, qui dépasse la sphère économique pour atteindre la sphère morale. « Car c'est le caractère propre de l'homme par rapport aux autres animaux d'être le seul à avoir le sentiment du bien et du mal, du juste et de l'injuste, et des autres notions morales, et c'est la communauté de ces sentiments qui engendre famille et cité.

» Seule la cité, la « polis », transcende les simples nécessités vitales et animales et permet à l'homme d'accéder à sa pleine humanité.

Elle naît de la mise en commun de ce qui est spécifiquement humain : la raison et les sentiments moraux.

Ainsi les modernes ont-ils tort de parler « d'animal. »

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