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La raison et les passions ?

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« La raison est-elle maîtresse chez elle ? O n qualifie souvent la philosophie du XV I I e siècle de « rationalisme », mais ce terme recouvre des réalités différentes.

Dans le domaine de la philosophie de la connaissance, le XV I I e s i è c l e e s t incontestablement, dans son ensemble, « rationaliste », puisqu'il affirme que la raison — une raison « mathématicienne » — est un instrument privilégié pour atteindre la vérité. M ais qu'en est-il dans le domaine de la philosophie morale ? Le rationalisme consisterait ici à affirmer la maîtrise de notre vie affective, de nos « passions », par la raison.

Deux questions doivent alors être distinguées : 1 – Est-il souhaitable de maîtriser nos passions ? Une réponse positive ne va pas de soi et il s'est trouvé des philosophes, par exemple Nietzsche au XIXe siècle, pour affirmer le contraire.

M ais, sur ce point, le XV I I e s i è c l e e s t bien, quant à lui, rationaliste : il se reconnaît dans cet idéal de maîtrise, qui augmente notre liberté (en effet on subit ses passions) et notre puissance d'agir. 2 – Est-il possible de maîtriser complètement nos passions ? A ussi « rationalistes » qu'ils aient été, les philosophes du XV IIe siècle ont apporté à cette question une réponse beaucoup plus nuancée.

Il est certes nécessaire de connaître le mécanisme de notre vie affective et l'emprise qu'elle peut avoir sur nous ; et cette connaissance ne peut que nous aider à ne pas en être le jouet.

Mais il ne s'ensuit pas qu'elle suffise pour parvenir à une maîtrise complète des passions.

C hez Descartes ou chez Spinoza, il s'agit moins de se raidir contre nos passions (comme dans les tragédies d e C orneille) que d e l e s domestiquer, d'en prendre une connaissance adéquate pour qu'elles cessent de nous faire pâtir.

A u demeurant, toutes les passions ne sont pas négatives : la joie, la générosité sont, par exemple, des passions positives.

Nées spontanément en l'âme des mouvements naturels de notre corps, elles sont même, écrit Descartes, « toutes bonnes » en elles-mêmes.

Il s'agit simplement de savoir les utiliser. Document: P our une vision classique des rapports Raison/Passion nous aurions le tableau suivant: Conduite raisonnable Conduite passionnelle C 'est-à-dire sensée Le plus souvent insensée Dans laquelle nous pesons le pour et le contre Dans laquelle on s'auto-justifie Fondée sur la réflexion, la délibération Fondée sur l'impulsion, irréfléchie C onduite mesurée C onduite excessive, sans mesure, portée aux excès Dans laquelle les conséquences de nos actes sont évaluées Dans laquelle nous ne nous occupons pas vraiment de la portée de nos actes Dirigée sous la conduite de la raison M enée sous l'empire grandissant d'un désir Logique de la raison Logique de la passion : L'ordre tracé par la droite raison Le destin du joueur, de l'ambitieux etc. La Pensée nous appartient Une pensée nous tient en laisse Sauvegarde la liberté de jugement A bandonne la liberté de jugement Si, comme nous le dit P laton (428-347 av.

J.-C ), le « corps est la prison de l'âme », il devrait logiquement en résulter que l'origine de nos passions repose alors davantage sur l'imagination que sur la raison, avec tout ce qu'une telle substitution suppose : illusions et méprises de toutes sortes dues aux données nécessairement « trompeuses » de nos sens, et supposant par là même à la rigueur logique de la pensée rationnelle et « active ».

Du reste, le seul terme de « passion » ne suggère-t-il pas directement une certaine idée de « passivité » ? Mais, d'un autre côté, Hegel (1770-1831) ne nous assure-t-il pas au contraire que « rien de grand dans le monde ne s'est fait s a n s p a s s i o n » ? D è s lors, comment pouvons-nous envisager de concilier entre elles des assertions apparemment aussi contradictoires ? LE PROBLÈME DE LA PASSION « AMOUREUSE » En un sens, on peut dire que la passion trouve chez l'homme l'une de ses expressions les plus achevées dans ce qu'il est convenu d'appeler la passion « amoureuse ». C elle-ci peut revêtir à son tour bien des aspects qui tous, sont intéressants à analyser au point de vue qui nous occupe présentement, c'est-à-dire dans le rapport qu'ils entretiennent avec l'ordre de la raison en tant que telle. C 'est ainsi que, dans un passage de son essai intitulé «De l'A mour », l'écrivain Stendhal nous fournit l'occasion d'une analyse philosophique intéressante de ce cas particulier de la passion amoureuse que l'on nomme ordinairement le « coup de foudre ».

A u moyen d'une description psychologique fort subtile de ce phénomène assez courant, Stendhal nous fait comprendre qu'en fait, le « coup de foudre » ne peut être véritablement assimilé à une méprise qu'en tant qu'il se trompe sur la nature de son objet beaucoup plus que sur lui-même ; en effet, le « coup de foudre » tend à prêter spontanément à autrui des qualités que ce dernier ne possède nullement en dehors de notre propre imagination.

L'erreur consiste donc ici à conférer à l'autre une perfection tout illusoire parce que conçue précisément en dehors de tout contrôle de notre raison. M ais, d'un autre côté, et dès que l'on accepte d'examiner les choses de plus près, ne pourrait-on pas dire également que c'est notre propre idéal de perfection que nous projetons ainsi sur autrui, et que par conséquent, seule l'ignorance du fait que c'est au plus profond de nous-mêmes que réside en réalité un tel « idéal », en même temps que l'impatience irrationnelle où nous sommes de voir celui-ci « s'incarner », sont à mettre au compte d'un faux jugement ? L'AMOUR « FOU » EST-IL RAISONNABLE ? De prime abord, il semblerait que la singulière association d'une idée de « folie » à celle de l'amour suffise à rendre celui-ci incompatible avec la nature même de la raison.

Qu'y a-t-il en effet de plus « déraisonnable » que la folie ou ce qu'on appelle un « fou » ? Là encore cependant, est-il bien sûr que la question puisse se laisser réduire à la solution la plus simple, et ne faut-il pas au contraire tenter d'approfondir autant qu'il est possible la relation « dialectique » unissant les termes les plus opposés en apparence ? En effet, s'il est exact que le propre de la passion est souvent d'égarer ceux qui s'y laissent assujettir aveuglément, il n'en reste pas moins que cet égarement même témoigne d'une « recherche » plus ou moins consciente d'elle-même et que, comme on le sait, c'est également d'une recherche dont il s'agit de son côté dans la démarche philosophique proprement dite.

C omme par ailleurs, cette dernière recherche est celle de la vérité en soi, et que l'étymologie du mot « philosophie » désigne même et littéralement un « amour » de l a s a g e s s e , ne peut-on entrevoir ici la possibilité d'un certain rapprochement avec la passion « amoureuse » elle-même et dire que, en un sens, cette dernière, en tant qu'elle est également une recherche, « imite » à sa façon le processus philosophique lui-même ?. »

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