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La propriété, est-ce le vol ?

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« VOCABULAIRE: PROPRIÉTÉ: 1) Tout caractère appartenant à quelque chose (les propriétés d'un objet).

2) "La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou les règlements." Code civil, article 544. CORRIGE Si la propriété est un vol... « Je n'appartiens à personne et j'appartiens à tout le monde.

Vous y étiez avant que d'y entrer et vous y serez encore quand vous en sortirez.

» Telle est l'énigmatique inscription que découvrent Jacques et son Maître au frontispice d'un château où un orage les contraint de se réfugier.

La devise fait évidemment du lieu une allégorie que le lecteur de Diderot est invité à déchiffrer.

Au-delà du jeu qui lie l'auteur à son public, il est intéressant de noter que Diderot, dans cet extrait de Jacques le Fataliste, participe de ce vaste mouvement de pensée qui remet en question la propriété.

Car ce château est évidemment une allégorie de la Nature (la seconde partie de l'inscription le fait savoir).

Et la visite à laquelle nous sommes conviés à la suite des personnages ne laisse pas, sur ce point, d'être édifiante : « Ce qui choqua le plus Jacques et son maître, ce fut d'y trouver une vingtaine d'audacieux, qui s'étaient emparés des plus superbes appartements, où ils se trouvaient presque toujours à l'étroit; qui prétendaient contre le droit commun et le vrai sens de l'inscription, que le château leur avait été légué en toute propriété...

» La Nature n'appartient à personne, la propriété n'est donc jamais qu'un abus de pouvoir...

Elle n'est pas naturelle, voilà la leçon qu'il convient de tirer de la lecture de l'inscription du château. ...

c'est un « vol légal », le vol pour lequel sont faites les lois. De fait, Rousseau propose de dépasser l'allégorie et montre dans le Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les h o m m e s q u e la création de la société civile ne fut pas autre chose qu'un pur acte d'appropriation : « Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa d e dire : ceci est à m o i et trouva des gens assez simples pour le croire fut le vrai fondateur de la société civile.

» La société civile est donc une association de propriétaires qui établit entre les hommes une inégalité qui ne saurait être naturelle. La propriété est un artifice.

Elle est l'artifice par excellence.

De ce point de vue, la propriété est bien un vol, je m'approprie ce qui n'est à personne parce qu'il est à tous.

Mais c'est un « vol légal », c'est même le vol de la légalité.

Le droit positif apparaît alors au service d e cette entreprise que le droit naturel (avec l'article 2 de la Déclaration qui fait de la propriété un droit inaliénable et sacré) viendra par la suite conforter.

Avec l'établissement de la propriété privée l'humanité a commis, selon Rousseau, son « péché originel ».

S'en suivra en effet une succession d e dégradations et d e dépravations.

Les h o m m e s se perdent, ils ne se retrouveront qu'en renonçant à leurs appétits égoïstes.

En 1516, Thomas More en est déjà persuadé : « ...

l'unique moyen de distribuer les biens avec égalité, avec justice et d e constituer le bonheur du genre humain, c'est l'abolition de la propriété.

» Soit, mais ce discours n'est tenu que depuis les rivages d'une île perdue au large de son imaginaire et qu'il nomme Utopia. Imaginez-vous donc en train d'écouter le récit de Raphaël Hythloday (étymologiquement : celui qui est habile à raconter des histoires), jeune voyageur portugais.

Vous voilà tout à coup touché par les moeurs et les institutions du peuple utopien.

Le dispositif rhétorique qui produit cet autre monde sous vos yeux consiste moins à vous faire croire qu'un tel peuple existe qu'à susciter en vous le désir d e vivre selon un tel m o d e d e vie.

Il vous faut par conséquent suivre d e u x cheminements parallèles, celui de comprendre ce que peut être « la meilleure forme de communauté politique » (sous-titre de l'ouvrage) et celui de laisser fonctionner une écriture qui vise à donner à votre esprit un pli encore inconnu, l'amenant à se convertir d'une adhésion au présent à la possibilité d'un agir. Dans la fiction utopique d e Thomas More, l'écriture elle-même devient incitative, exercant l'esprit à s'ouvrir à des dimensions insoupçonnables.

Au vrai, l'ouvrage comporte un agencement de deux livres sur le premier duquel on a l'habitude de faire l'impasse.

Si le livre second, en effet, décrit particulièrment la ville d'Amaurote et, au travers d'un urbanisme géométrique, un ordre social transparent, la lecture du premier livre demeure indispensable puisque la narration des voyages du navigateur s'y fait expérience d'assouplissement de l'esprit, mise en scène de l'opinion à rectifier, et explication du statut de la philosophie. Pour qui entend prononcer aujourd'hui ce terme, utopie, une autre conversion s'impose.

Trop d'usages dépréciatifs sont destinés à discréditer les appels à penser et agir en politique.

L'utopie, littéralement lieu de nulle part, qui est aussi souvent une uchronie — d'aucun temps — se place sous le signe d'une libération de l'esprit.

Ainsi en va-t-il des Solariens qui, vivant sous la dictature de la vertu, couplent leur cité modèle à l'idéal d'une réforme de l'ordre social chrétien existant (Campanella, 1602). « Hors de la société, chacun a tellement droit sur toutes choses qu'il ne s'en peut prévaloir et n'a la possession d'aucune; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier.

» Hobbes, Du citoyen, 1642. « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé.

» Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 26 août 1789. « Qu'est-ce que la propriété ? [...] C'est le vol.

» Proudhon, Qu'est-ce que la propriété ?, 1840. La propriété, c'est le vol.

(Qu'est-ce que la propriété ?) Proudhon critique la propriété privée qu'il considère comme un vol et dont il préconise l'abolition mais non pour la transférer à l'État car cela ne changerait rien à sa nature de vol.

Il faut déposséder la classe capitaliste au nom d'un système mutualiste et autogéré.. »

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