Aide en Philo

La propriété, c'est le vol. Proudhon

Extrait du document

? C'est au tout début de son premier grand ouvrage, Qu'est-ce que la propriété?, publié pour la première fois en 1840 et intégré ultérieurement dans les Mémoires sur la propriété, que Proudhon (1809-1865) lance cette formule. Son retentissement exceptionnel vaudra à Proudhon à la fois la haine de la société bourgeoise de son temps et la reconnaissance du mouvement ouvrier dont il deviendra l'une des principales figures. ? Affirmant que la propriété, c'est le vol, Proudhon a conscience de faire acte de provocateur, de porter atteinte à ce qui est peut-être la valeur essentielle de la société dans laquelle il vit. Il suffit, pour en mesurer l'importance, de rappeler que le dernier article de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 définit la propriété comme un « droit inviolable et sacré ».

« La propriété, c'est le vol.

Proudhon C'est au tout début de son premier grand ouvrage, Qu'est-ce que la propriété?, publié pour la première fois en 1840 et intégré ultérieurement dans les Mémoires sur la propriété, que Proudhon (1809-1865) lance cette formule. Son retentissement exceptionnel vaudra à Proudhon à la fois la haine de la société bourgeoise de son temps et la reconnaissance du mouvement ouvrier dont il deviendra l'une des principales figures. Affirmant que la propriété, c'est le vol, Proudhon a conscience de faire acte de provocateur, de porter atteinte à ce qui est peut-être la valeur essentielle de la société dans laquelle il vit.

Il suffit, pour en mesurer l'importance, de rappeler que le dernier article de la Déclaration des droits de l'homme du 26 août 1789 définit la propriété comme un « droit inviolable et sacré ». Proudhon feint cependant de n'avancer qu'une évidence et de s'étonner des résistances qu'il rencontre, du refus catégorique de la société devant la vérité qu'il formule : «Si j'avais à répondre à la question suivante : qu'est-ce que l'esclavage? et que d'un seul mot je répondisse : c'est l'assassinat, ma pensée serait d'abord comprise.

Je n'aurais pas besoin d'un long discours pour montrer que le pouvoir d'ôter à l'homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c'est l'assassiner.

Pourquoi donc à cette autre demande : qu'est-ce que la propriété? ne puis-je répondre de même : c'est le vol, sans voir la certitude de n'être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée? » Proudhon affirme que c'est seulement l'évidence qu'il révèle à chacun, l'incontestable vérité qui triomphera demain : « Lecteur, rassurez-vous : je ne suis point un agent de discorde, un boutefeu de sédition.

J'anticipe de quelques jours sur l'histoire; j'expose une vérité dont nous tâchons en vain d'arrêter le dégagement; j'écris le préambule de notre future constitution.

» Quel raisonnement Proudhon nous propose-t-il pour démontrer la vérité de ce qui ne semble d'abord qu'un paradoxe sans contenu? Il commence par démontrer que, dans une société, les richesses sont produites par une force collective qui, naissant de la convergence et de la combinaison des forces individuelles, leur est infiniment supérieure : «Deux cents grenadiers ont en quelques heures dressé l'obélisque de Luqsor sur sa base; suppose-t-on qu'un seul homme, en deux cents jours, en serait venu à bout...

Eh bien, un désert à mettre en culture, une maison à bâtir, une manufacture à exploiter, c'est l'obélisque à soulever, c'est une montagne à changer de place.

La plus petite fortune, le plus mince établissement, la mise en train de la plus chétive industrie, exige un concours de travaux et de talents si divers, que le même homme n'y suffirait pas.

» Toute l'injustice vient de ce que la richesse produite par la force collective, cette démultiplication des forces individuelles, n'est pas distribuée aux travailleurs mais monopolisée par le propriétaire.

Celui-ci empoche, en effet, le produit de la force collective et il ne rémunère, en salaires, que la valeur — nettement inférieure — des forces individuelles que les travailleurs ont engagées.

Il s'approprie ainsi la différence que Proudhon nomme l'« aubaine » et en prive les travailleurs qui en sont pourtant les véritables auteurs.

Voilà le vol que constitue la propriété. Proudhon a poussé plus loin sa théorie de la propriété dans son Système des contradictions économiques (1846).

Il en résume la thèse dans un passage des Confessions d'un révolutionnaire (1849) : «Dans mes premiers mémoires, attaquant de front l'ordre établi, je disais, par exemple : la propriété, c'est le vol! Il s'agissait de protester, de mettre pour ainsi dire en relief le néant de nos institutions.

Je n'avais point alors à m'occuper d'autre chose [...] Dans le Système des contradictions économiques, après avoir rappelé et confirmé ma première définition, j'en ajoute une toute contraire, mais fondée sur des considérations d'un autre ordre, qui ne pouvaient ni détruire la première ni être détruites par elle : la propriété, c'est la liberté.

La propriété, c'est le vol; la propriété, c'est la liberté : ces deux propositions sont également démontrées et subsistent l'une à côté de l'autre dans le Système des contradictions.

» Ce que cherche en fait à démontrer Proudhon, c'est que toute réalité économique est double, présentant à la fois un visage positif et un visage négatif, un actif et un passif.

Ce à quoi il aspire, c'est à une synthèse, dépassement de l'injustice actuelle et invention d'une société nouvelle : le système autogestionnaire et fédéraliste qu'il se propose de mettre en place. La pensée de Proudhon et la critique du capitalisme qu'il formule ont eu une influence déterminante sur l'évolution du mouvement socialiste.

Karl Marx, dans le premier ouvrage qu'il ait écrit avec Engels en 1844, La Sainte Famille, lui rend hommage en ces termes : « L'ouvrage de Proudhon : Qu'est-ce que la propriété? est aussi important pour l'économie politique moderne que l'ouvrage de Sieyès : Qu'est-ce que le Tiers Etat? pour la politique moderne.

» La rupture entre les deux penseurs du socialisme aura lieu en 1847 à l'occasion de la publication par Marx de Misère de la philosophie, un ouvrage extrêmement critique à l'égard de Proudhon.

Celui-ci en interprétera ainsi la signification : «Le véritable sens de l'ouvrage de Marx, c'est qu'il a regret que partout j'ai pensé comme lui, et que je l'aie dit avant lui.

» Il est vrai que la théorie marxiste, notamment dans ses développements relatifs à la propriété et à la plus-value, serait difficilement concevable sans la critique première élaborée par Proudhon.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles