La perception suffit-elle à fonder un savoir ?
Extrait du document
«
La perception semble être la base de notre connaissance du réel
À la lecture du texte de Rousseau, on peut penser que c'est uniquement la « physique expérimentale» de la
jeunesse qui peut établir un savoir qui ne soit pas une croyance.
La distinction entre savoir et croyance repose sur
l'idée de vérification : nous croyons ce que nous ne pouvons pas vérifier par nous-mêmes, nous savons ce dont
nous pouvons apporter la démonstration ou présenter l'évidence.
Ainsi, un savoir qui serait uniquement fondé sur
des lectures ne serait que de seconde main, par ouï-dire.
C'est ainsi que Socrate condamnait l'écriture qui donne au
lecteur l'illusion de savoir vraiment ce qu'il lit alors qu'il ne fait plus véritablement l'effort de connaître la chose ellemême.
Mais elle se révèle insuffisante et peu fiable
Socrate ne pensait pourtant pas que la perception suffit à fonder un savoir : elle ne permet selon lui que de former
une opinion.
La perception n'est en effet pas toujours fidèle à la réalité.
Nous pouvons être victimes d'illusions
(d'optique par exemple, comme lorsque nous voyons un mirage) ; et voyons la réalité par rapport à notre point de
vue subjectif, en fonction de nos besoins, de notre taille, de l'acuité de nos sens ...
Ce ne sont pas les phénomènes qui sont vrais en soi, mais ce «monde des
Idées» dont ils découlent.
Le problème de l'Idée se présente d'abord chez
Platon sous une forme politique.
Si l'on se contente de l'opinion pour
gouverner une Cité, on n'obtiendra jamais que des apparences de justice,
d'honnêteté ou de vérité.
L'apparence n'est qu'un semblant, qui n'est ni
fiable, ni solide, comme une parole que l'on lance sans plus y penser ensuite.
Pour tenir un discours qui transcende les apparences, qui dépasse le
changement et le mouvement des opinions, il faut s'en séparer et faire l'effort
d'aller jusqu'aux Idées.
Le plan des Idées est un plan supérieur où se réalise
une connaissance absolue et où se tient la vérité.
On ne peut l'atteindre au
moyen de nos sens : pour chaque opinion soutenue, il n'est pas difficile en
effet de démontrer le contraire, en changeant par exemple de perspective, ce
qui n'est finalement qu'un simple changement d'apparence.
Au mieux, l'opinion
peut être "droite", c'est-à-dire conforme à la vérité, mais, de manière
générale, la connaissance sensible est un obstacle à la connaissance vraie.
Il
faut sortir de l'opinion pour accéder à la connaissance philosophique, comme
un plongeur s'arrache de l'eau pour regagner la terre ferme.
Il ne s'agit pas de
supprimer le sensible, mais de le dépasser.
L'éducation de l'âme (la
psychagogie) est donc essentielle pour opérer sa conversion (metanoïa) vers
le domaine des Idées.
L'objet de la philosophie, ce sont les Idées ou formes
essentielles des choses et de tout ce qui existe dans le monde sensible.
L'idea est la forme visible par l'oeil de l'esprit.
Elle est ce qu'il y a de plus réel
dans le réel, à la fois forme et structure de ce qui constitue les objets existants.
Toute Idée génère la réalité
sensible par participation : une action est juste quand elle participe de l'Idée de Justice, un corps est beau quand il
participe de l'Idée de Beauté, mais les objets fabriqués par les artisans participent eux-aussi de l'Idée de Lit, de
Maison, de Tunique, etc.
Chaque être existant, qu'il soit naturel ou fabriqué, tire donc sa réalité vraie de la
participation à l'Idée dont il procède.
L'Idée est à la fois transcendante et immanente, origine et finalité : elle est
l'essence des choses.
Dans le livre VII de la République, Platon expose les rapports entre l'être et la connaissance à l'aide de l'allégorie de
la caverne, représentation "illustrée" d'un exposé mathématique présenté au livre VI.
Au monde sensible, composé
de choses perçues et de leurs formes dégradées, ombres ou mirages, correspond la connaissance sensible, qui
relève du domaine de l'opinion.
Celle-ci se répartit en deux domaines : la croyance ou la perception pour les choses
sensibles, l'illusion ou la conjecture pour les formes inférieures.
Au monde intelligible, finalisé par l'Idée du Bien, qui
éclaire toutes les autres Idées ou formes, correspond une connaissance intellectuelle par Idées.
Les objets
mathématiques appartiennent au monde intelligible et sont l'objet d'une connaissance discursive.
La totalité du
domaine intelligible est finalisée par l'Idée suprême de l'Un-Bien qui fonde la cohérence et l'harmonie du tout.
Plus on
s'éloigne de cette Idée, plus la connaissance s'obscurcit.
De cette corrélation stricte entre l'ordre de l'être et l'ordre
du connaître s'ensuit toute une série de rapports : les Idées sont aux objets mathématiques ce que les choses
sensibles sont à leurs apparences fugitives et imparfaites.
La connaissance par Idées est à la connaissance par
concepts ce que la perception sensible est à l'illusion, ou ce que la croyance est à la supposition.
Enfin, plus nous
approchons le domaine des Idées, plus nous approchons l'être et la vérité, connaissance, être et vérité se fondant
en une seule et même réalité dans la lumière de l'Idée suprême du Bien.
Dans l'allégorie de la caverne, les ombres
projetées sur la paroi sont les apparences dégradées des figurines : celles-ci sont les objets perçus, tandis que
celles-là sont les illusions.
L'intérieur de la caverne symbolise le monde sensible avec ses deux degrés de
connaissance : la perception et la conjecture.
Le monde intelligible, accessible à celui qui fait l'effort de se
détourner du sensible, est symbolisé par l'extérieur de la caverne : les Idées sont les choses réelles, et le soleil est
l'Idée unique du Bien, qui donne consistance et réalité à toutes les autres.
On voit donc que le savoir procuré par la perception est nécessairement limité et peu fiable.
Si on en restait à la
perception, il faudrait admettre que c'est le Soleil qui tourne autour de la Terre et qu'il est une petite pastille qui
glisse sur le ciel.
Le développement des sciences depuis Descartes repose sur l'idée que la théorie, qui est l'oeuvre.
»
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