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La passion est-elle une erreur ?

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« VOCABULAIRE: PASSION: * Ce que l'âme subit, ce qu'elle reçoit passivement.

Chez Descartes, le mot désigne tout état affectif, tout ce que le corps fait subir à l'âme.

Son origine n'est pas rationnelle ni volontaire. * Inclination irrésistible et exclusive qui finit par dominer la volonté et la raison du sujet (la passion amoureuse). ERREUR : Affirmation fausse.

A la différence du mensonge, l'erreur implique la bonne foi; l'erreur, dit Platon, est une ignorance double, c'est-à-dire une ignorance qui ne se sait pas ignorante, une ignorance doublée d'une illusion. Introduction « Dire que j'ai gâché des années de ma vie, écrit Proust, que j'ai voulu mourir, que j'ai eu mon plus grand amour, pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre .

» Nombreux sont ceux qui, revenus d'une passion, peuvent dresser cet amer constat d'aveuglement.

Il semble que la passion nous conduise à surestimer les qualités de son objet.

L'avare fait de l'argent son dieu, l'amoureux divinise sa belle...

L'un et l'autre ignorent qu'ils ne désirent pas l'objet de leur passion parce qu'il est objectivement excellent, mais qu'ils ne le jugent excellent que parce qu'ils le désirent ardemment.

Cette ignorance les dispose, semble-t-il, à commettre toutes les erreurs et à subir toutes les désillusions.

Est-ce à dire cependant que la passion soit en elle-même une erreur ? Assimiler l'une à l'autre exige que l'on fasse de la passion une espèce de jugement.

Or, la passion ne semble, à première vue, qu'une maladie comparable à n'importe quelle autre, qu'il serait vain de déclarer déraisonnable.

On voit mal, en effet, en quoi l'amour ou l'ambition pourraient être en eux-mêmes plus déraisonnables qu'une grippe, qui n'est pas une erreur mais un fait.

C'est pourquoi il paraît nécessaire de se demander si la passion est vraiment une erreur. I - Passion et ignorance a) L'homme en proie à une passion est amené à se comporter partialement à l'égard de lui-même.

Il ne prend en compte qu'une partie de ses désirs et sacrifie la plupart d'entre eux sur l'autel de sa passion.

Rien, par exemple, n'effraye le joueur tant que sa frénésie l'étreint.

Il sent pourtant confusément qu'il néglige une partie de lui-même qui, pour être moins tumultueuse que sa passion, n'en est pas moins profonde.

L'homme passionné se montre par conséquent aussi injuste à l'égard de lui-même qu'avec son entourage.

La passion, par laquelle un homme méconnaît la totalité de ses désirs, apparaît en ce sens comme un rétrécissement du champ de la conscience, comme une moindre conscience. b) Car le passionné ne connaît pas non plus l'origine de son désir : il croit chercher librement l'objet qui obnubile ses pensées et rien ne lui semble plus absurde que l'idée que son désir ne lui appartienne pas vraiment.

Tout montre pourtant que l'homme en proie à sa passion est l'esclave de celle-ci, qu'elle le possède et qu'il ne la possède pas. L'illusion amoureuse illustre parfaitement cette dépossession du sujet.

« La procréation de tel enfant déterminé, écrit Schopenhauer, voilà le but véritable, quoique ignoré des acteurs, de tout roman d'amour : les moyens et la façon d'y atteindre sont choses accessoires'.

» Aussi l'amoureux passionné est-il victime d'une illusion ; son désir n'est pas vraiment le sien, mais celui de l'espèce qui cherche à se reproduire à travers lui. c) Ignorance de soi, la passion est aussi ignorance de son véritable objet.

On sait qu'aux yeux de Pascal, l'homme n'aime que les qualités de l'objet de sa flamme.

De sorte que même si chacun prétend pouvoir dire comme Montaigne : « parce que c'était moi, parce que c'était lui », la singularité de la personne « aimée » échappe toujours au sentiment amoureux.

Nous n'aimons personne en particulier.

Méconnaissance de soi, ignorance de la source du désir et de son objet, tout apparente la passion à une erreur. II — La passion peut-elle être considérée comme un jugement ? a) Cette description peut sembler convaincante.

Elle ne contient pourtant aucune définition réelle des termes assimilés.

Qu'est-ce donc qu'une erreur ? Qu'est donc une passion ? Une erreur est une affirmation, un jugement qui ne correspond pas à la réalité, aux faits qui la constituent.

Autrement dit, il n'est possible de parler d'erreur qu'au sujet d'une proposition censée représenter une réalité quelconque.

Une idée, un jugement, un raisonnement peuvent être dits erronés s'ils ne constituent pas une image mentale fidèle des choses, s'ils ne les représentent pas adéquatement.

Or, Hume affirme qu'une passion « ne contient aucune qualité représentative qui en fasse une copie d'une autre existence.

» Lorsque je suis amoureux, le sentiment que j'éprouve ne prétend représenter aucune réalité extérieure.

Il n'a pas pour vocation, comme l'idée ou le jugement, de constituer une image ou une copie du réel dans l'esprit. b) Une passion n'est donc pas un jugement mais une « existence primitive ou, si vous le voulez, un mode primitif d'existence.

» Autrement dit, elle est un fait qu'il est vain de qualifier de vrai ou de faux.

Si nous entendons par « vérité » l'adéquation d'un énoncé à la chose qu'il représente, comme la passion ne contient aucune qualité représentative qui en fasse l'image d'un objet, nous devons conclure à l'inconséquence des philosophes qui, à l'instar de Ferdinand Alquié, prétendent que nos passions ne sont que nos erreurs. c) L'impuissance de la raison à combattre une passion fournit une contre-épreuve de cette déduction.

Un homme qui s'est fourvoyé parce qu'il pensait satisfaire son ambition en poursuivant des études que ses dispositions ne lui permettent pas de mener à terme, peut corriger son erreur d'appréciation et commencer une carrière différente, plus en harmonie avec ses capacités.

Cette modification de sa conduite n'entame cependant pas son ambition, qui, toujours vive, se propose seulement d'autres voies pour aboutir à sa fin.

On comprend donc que la passion, pour. »

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