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La notion d'inconscient psychique est-elle contradictoire ?

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« I - LES TERMES DU SUJET La notion principale, présentée explicitement comme telle, est celle d'inconscient, mais associée d'emblée à l'adjectif "psychique" du grec "psukhê" "âme" [opposé à "physique" "corps"]. Une notion est un concept censé désigner et délimiter un domaine du réel.

L'expression "inconscient psychique" renvoie donc à l'idée qu'une part de notre âme (psychique) nous resterait cachée à nous-mêmes, n'accédant pas au "savoir de soi".

(conscient, du latin cum scire "avec savoir"). La question vise à interroger le concept même de "psychisme inconscient" : est-il contradictoire, c'est-à-dire les deux termes "psychisme et inconscient" sont-ils compatibles ? II - L'ANALYSE DU PROBLÈME La notion de "psychisme inconscient" est depuis Freud et la psychanalyse, largement répandue et vulgarisée, à tel point qu'on n'en interroge plus la validité.

Pourtant, elle pose problème : "L'inconscient", utilisé comme substantif, est un terme vague : ce qui n'est pas conscient, donc ce dont on ne peut faire directement l'expérience, qui ne peut rester qu'une hypothèse. Or, cette hypothèse exige que l'on admette, en rupture avec la tradition cartésienne, qu'il y ait des pensées inconscientes, des pensées qui ne se pensent pas elles-mêmes ! Des pensées impensées par le sujet qui les pense pourtant ! Difficile de concevoir, en effet, ou, disons, pour le moins, paradoxal... III - UNE DÉMARCHE POSSIBLE A La tradition philosophique, avec Descartes, établit un strict dualisme : D'un côté : Ame = Pensée = Conscience = Esprit. De l'autre : Corps = Impensé = Inconscient = Matière. "L'âme pense toujours" et la totalité du psychisme est donc consciente.

Il n'est pas possible de concevoir sans contradiction un psychisme inconscient.

L'inconscient, c'est le corps.

Telle sera la vision d'Alain qui dira: « L'inconscient est une méprise sur le moi, c'est une idolâtrie du corps.

On a peur de son inconscient.

» Alain, professeur de philosophie, journaliste, écrivain se consacre à la diffusion d'une pensée rationaliste qui réfute les courants à la mode au profit de la « grande philosophie » traditionnelle, représentée, selon lui, par Platon, Descartes, Hegel, Comte.

Il considère la philosophie comme un instrument de libération où l'esprit maîtrise l'imagination et les désordres de la passion.

Cette victoire de la raison, qui est toujours à recommencer, passe par la soumission du corps et le rejet des inerties « qui, si on n'y prend garde, prennent le masque de la pensée.

» Aussi Alain refuse-t-il, chaque fois qu'il a à s'exprimer sur ce point, la croyance à l'inconscient.

Dans « Éléments de philosophie », il écrit : « L'inconscient est une méprise sur le moi, c'est une idolâtrie du corps.

On a peur de l'inconscient ; là se trouve logée la faute capitale.

Un autre moi me conduit qui me connaît et que je connais mal. L'hérédité est un fantôme du même genre.

» (Livre II, chapitre XVI). Ici la formule est empreinte d'une certaine réserve, mais souvent la dénonciation est beaucoup plus violente.

Ainsi, dans son « Histoire de mes pensées », il écrit : « J'allais ainsi contre le plus fort préjugé des temps modernes ; et de toute façon je devais être jugé sévèrement par tous les docteurs, du moment que je n'adorais pas à quatre pattes l'inconscient, le subconscient, le seuil de conscience, et d'autres articles de la philosophie simiesque.

» En tout cas, elle est de principe : « Dans les disputes sur l'inconscient, où, contre toutes les autorités établies et reconnues, je ne cède js un pouce de terrain » (« Sentiments, Passions et Signes »). Ce n'est certes pas, on s'en doute qu‘Alain ignore tout de Freud (pour l'inconscient psychique), ou de Darwin (Pour les lois de l'hérédité).

« Qu'un mécanisme semblable à l'instinct des bêtes nous fasse souvent parler et agir, et par suite penser, cela est connu et hors de discussion » (« Sentiments, Passions et Signes »).

On ne peut pas dire non plus qu'Alain n'ait pas un moment essayé de comprendre cette doctrine : « Ne cherchez jamais à quoi pense un foi, mais plutôt observez comment un dérangement mécanique produit des signes qui n'ont pas de sens [...].

Je pensais à ces choses comme je lisais la « Psychanalyse de Freud ; ce n'est qu'un art de deviner ce qui n'est point » (« Propos », « Signes ambigus », 17 juillet 1922). Ou encore dans un « Propos » antérieur : « Cette idée de l'inconscient, tant vantée et si bien vendue, je n'en fais rien ; [...] quand j'ai voulu en user, afin de me mettre à la mode, elle n'a rien saisi de l'homme, ni rien éclairé » (« Fantômes », 23 septembre 1921). Il s'agit, pour Alain, de quelque chose de plus qu'une simple question de mots.

Il estime qu'on ne peut aucunement, à partir des doctrines sur l'inconscient ou l'hérédité, fonder une quelconque morale : « Le public comme les auteurs n'ont point coutume de dire conscience morale ; ils disent conscience, et tout est dit », ou encore, « J'étais aidé par la langue commune, qui n'admet point d'autre sens du mot conscience que celui qui implique le jugement moral. » (Alain, « Histoire de mes pensées « ).

Au contraire, lorsque Freud parle d'inconscient, il le fait en référence à la conscience psychologique, et pas du tout par rapport à la conscience morale. Certes la conscience est toujours double, car la conscience oppose toujours ce qui devrait être à ce qui est.

« La conscience suppose une séparation de moi d'avec moi, en même temps qu'une reprise de ce qu'on juge insuffisant, qu'il faut pourtant sauver.

» Il s'agit là, comme le dit Alain, d'une « conception héroïque de la morale », qui explique parfaitement que l'inconscient ne soit alors conçu que comme « une conscience subalterne, errante et séparé », à proprement parler comme quelque chose d'inintéressant, sinon d'impossible.. »

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