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La magie ?

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« L'homme passe communément — dans les définitions scolastiques — pour un animal raisonnable et cependant les manifestations les plus lointaines de son activité paraissent parfaitement folles : dans toutes les sociétés primitives fleurissent des pratiques de sorcellerie, de magie.

En fait nous allons montrer que ces pratiques sont, sous une forme délirante, la première manifestation de la raison humaine dont toutes les autres activités de culture, religion, technique, science, art sont pour une large part issues. Le sorcier qui perce des figurines dans le but de tuer à distance ses ennemis, celui qui asperge les champs de quelques gouttes d'eau rituelle pour faire pleuvoir, celui qui compose des philtres d'amour nous offrent des exemples typiques et bien connus de magie.

Un Indien de la tribu des Hopi raconte dans ses Mémoires la succession des rites magiques auxquels ses parents ont dû s'astreindre avant sa naissance.

Le sorcier avait annoncé des jumeaux. Comme la mère désirait un seul enfant, il s'employa à les réunir : « Il prit de la farine de maïs devant la porte et la répandit au soleil.

Il fila de la laine blanche, il fila de la laine noire et des deux fils mêlés il entoura le poignet gauche de ma mère...

Celle-ci ne regardait plus les images de serpents exposées aux cérémonies; devenu serpent d'eau dans sa matrice je risquais de dresser la tête au moment de ma naissance, au lieu de la mettre en bas pour chercher à sortir.

Mon père prenait soin de ne faire mal à aucune bête, ce qui aurait endommagé mon corps; s'il coupait le pied d'une créature vivante, je pouvais naître sans main ou pied bot...

Mon père donnait à ma mère à manger de la chair de belette pour que je sois agile et que je me glisse dehors comme ce petit animal adroit sort de son trou.

» Ces exemples nous montrent clairement en quoi consiste le délire magique.

Le magicien agit sur la nature par des moyens psychologiques.

Il tente d'intimider les vents et les pluies par ses incantations.

Le monde est constitué par des forces que l'on peut séduire et dompter, diriger par des paroles.

Le monde est plein d'âmes et la magie n'est rien d'autre que la « stratégie de l'animisme ».

Le magicien, disait Salomon Reinach, est comme « le chef d'orchestre dans le grand concert des esprits qui bourdonnent à ses oreilles ».

Les ressemblances subjectives sont tenues pour des instruments d'action objective, celui qui s'empare du symbole s'empare en même temps de la chose. Le magicien prétend-il, comme le croyait Voltaire, détenir « le secret de faire ce que la nature ne peut faire »? En fait les primitifs ne distinguent guère la nature et le surnaturel; cette distinction ne sera claire que lorsque l'activité scientifique nous aura familiarisés avec l'idée de loi naturelle et de causalité mécanique.

Du moins la sorcellerie estelle liée à l'idée qu'il existe des forces cachées, inconnues du profane, dont le magicien s'est approprié la maîtrise. Ce caractère mystérieux et secret de la magie est souligné par le fait que d'ordinaire lé sorcier ne livre qu'à ses disciples les recettes étranges qu'il connaît (transmission ésotérique).

C'est un problème de savoir pourquoi la magie s'est perpétuée, malgré l'échec constant de ses pratiques.

En fait la magie a été soutenue par l'intensité des désirs et des passions qu'elle prétendait satisfaire.

Le désir humain de dompter les forces qui règlent la vie et la mort, la santé et la maladie, la prospérité et le malheur, est assez puissant pour obscurcir et faire oublier les leçons amères de l'expérience.

D'autre part le caractère institutionnel de la magie, son organisation collective, la vaste diffusion de ses rites et le prestige de ses ministres, la protégeaient largement du discrédit que ses échecs auraient pu lui valoir. Considérée du haut de notre science moderne, la magie n'est qu'un rêve, une action imaginaire.

Ses procédés psychologiques et symboliques ignorent tout des lois réelles de la matière.

Et pourtant la culture humaine tout entière s'enracine dans la magie primitive : a) La technique est en germe dans les recettes délirantes du magicien.

Car celui-ci est avant tout l'homme qui veut transformer les choses, l'homme pour lequel le monde cesse d'être un spectacle dont il serait le témoin impuissant. Le rêve magique fait de l'homme un démiurge qui prétend dicter sa loi à l'univers au lieu d'en être le jouet.

L'idée de causalité (qui dans son essence est technique et prométhéenne, la cause est « ce qui fait », disait Pradines) est éminemment impliquée dans le rituel magique; certes la causalité sur laquelle se fonde le magicien est imaginaire, du moins la causalité par laquelle nous pourrions agir sur la matière est indûment conçue sur le modèle de la causalité psychologique, celle qui nous fait convaincre, effrayer, séduire.

Mais l'exigence de causalité technique s'affirme, se perpétue malgré les échecs; à travers les délires de la magie l'homme ne cesse de proclamer sa foi en son propre pouvoir. b) La religion semble dans ses plus lointaines origines étroitement liée à la magie.

La magie « est la première source du mysticisme sous toutes ses formes ».

Non pas que la magie débouche sur le domaine du surnaturel, puisque les forces que le magicien croit dompter sont les forces mêmes de la nature.

Mais la magie est déjà une mystique dans la mesure où elle met le sorcier et ses disciples en communion avec la force qui anime la nature entière; et pour être naturelles les puissances avec lesquelles la magie prétend sympathiser n'en sont pas moins cachées et mystérieuses.

Par l'affirmation de l'existence d'un monde invisible et la croyance que l'homme peut participer à ce monde, sympathiser avec lui, la magie prépare la religion.. »

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