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La liberté est-elle une illusion ?

Publié le 19/01/2023

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« I) Le sentiment immédiat de notre liberté : la théorie du libre arbitre a) Tout homme se juge spontanément libre Dans le langage courant, la liberté renvoie au pouvoir que possède tout homme de n’obéir qu’à luimême, qu’à sa propre volonté, et d’agir uniquement en fonction de ses désirs, indépendamment de toute contrainte ou de toute pression extérieure. Tout homme se sent donc spontanément libre, tout simplement parce qu’il se croit capable de faire des choix de petite ou de grande importance, de prendre des décisions, de petite ou de grande ampleur. Autrement dit, tout homme, lorsqu’il porte un regard réflexif sur lui-même, se juge spontanément libre, c’est-à-dire en mesure d’agir simplement en fonction de sa volonté. La plupart des philosophes qui se sont prononcés en faveur de la liberté humaine, en faveur de l’existence du libre arbitre, ont accordé une grande valeur à l’expérience intime, immédiate que nous aurions, selon eux, de notre liberté : « La liberté de notre volonté, écrit Descartes (Principes de la Philosophie, I, art.39), se connaît sans preuve par la seule expérience que nous en avons ». Transition : Faire le point et formuler une ou plusieurs questions permettant de poursuivre la réflexion : La liberté correspondrait donc à un sentiment intérieur, à une expérience immédiate en chaque homme.

Or peut-on se contenter de cette expérience immédiate ou pour reprendre la formulation de Bergson, de cette « donnée immédiate de la conscience » ? Autrement dit, peut-on se contenter du sentiment de notre liberté pour en déduire son existence certaine ? Est-il donc possible de faire une expérience de notre liberté qui puisse justifier ce sentiment ? b) Peut-on prouver l’existence du libre arbitre ? 1) Première tentative de preuve : l’expérience de l’âne de Buridan et la mise à jour de la « liberté d’indifférence » Jean Buridan, philosophe français du quatorzième siècle, aurait, selon la légende, conçu une expérience imaginaire afin de prouver l’existence du libre arbitre : la situation serait celle d’un animal, en l’occurrence un âne, ayant également faim et soif, et qui, placé à égale distance d’une botte de foin et d’un seau d’eau, hésite, se montre incapable de choisir, et finalement se laisse mourir. Ce « protocole expérimental métaphysique » aurait donc pour objectif de prouver l’existence de la « liberté d’indifférence » proprement humaine.

En effet, nous avons tous déjà vécu une situation où les mobiles ou motifs en faveur d’un acte ou d’un autre étaient si équivalents, ou aussi contraignants l’un que l’autre, que nous nous sommes retrouvés incapables de faire un choix. En effet, que se passe-t-il lorsqu’un individu se retrouve face à deux possibilités aussi équivalentes l’une que l’autre, lorsque rien ne puisse permettre de déterminer son choix ? Or ce qui permet à l’homme d’échapper à la situation absurde de l’âne mourant de faim et de soif entre une botte de foin et un seau d’eau, c’est qu’il dispose de cette liberté d’indifférence, c’est-à-dire de cette liberté par laquelle notre volonté a le pouvoir de choisir spontanément et de sa propre initiative. Cette situation d’indifférence du choix prouve donc que l’homme est doté d’un libre arbitre, c’est-àdire d’une capacité de choisir pouvant échapper à tout déterminisme.

Pour Descartes, cette liberté d’indifférence, bien que considérée comme « le plus bas degré de la liberté », témoigne en même temps d’un pur libre arbitre qui apparente l’homme à Dieu (Méditation quatrième). 2) Seconde tentative de preuve du libre arbitre : le crime de Lafcadio dans Les Caves du Vatican d’André Gide André Gide, dans Les Caves du Vatican, cherche à illustrer la possibilité pour un être humain de réaliser un acte gratuit, c’est-à-dire un acte accompli sans raison, par le seul effet de sa liberté. Dans le roman, le « héro » Lafcadio se rend à Rome par le train et se retrouve seul dans la nuit, ne partageant son compartiment qu’avec un vieux monsieur.

Lafcadio se prend alors d’une idée folle : « Là sous ma main, la poignée.

Il suffirait de la tirer et de le pousser en avant.

On n’entendrait même pas un cri dans la nuit.

Qui le verrait…Un crime immotivé, quel embarras pour la police ». Lafcadio se dit en effet, et à juste titre, que s’il n’a pas de mobiles pour réaliser ce crime, il n’a donc pas de motivations.

Le lien entre l’acteur et l’acte commis est inexistant.

Lafcadio prend d’ailleurs un soin tout particulier à renforcer la gratuité de son crime : il remet tout au hasard et se met à compter pour soumettre sa décision de passer à l’acte ou de ne pas passer à l’acte à l’apparition d’un feu dans la nuit. Or le hasard, c’est précisément ce qui est fortuit, c’est-à-dire dépourvu de toute intention consciente, donc de motivation intrinsèque… Et le crime a lieu. 3) Peut-on dire que l’acte de Lafcadio est un acte gratuit ? Le mérite du roman d’André Gide est d’aborder la question suivante : Un acte gratuit est-il possible ? Or deux critiques permettent d’être avancées pour remettre en cause cette possibilité : La première critique consistera à remarquer que Lafcadio fait reposer son passage à l’acte sur des signes extérieurs, en l’occurrence l’apparition ou la non apparition d’un feu dans la campagne.

Son acte serait donc déterminé par une extériorité. La seconde critique consistera à remarquer que l’absence de motivations dans l’acte de Lafcadio est tout sauf évidente : l’une de ses premières motivations ne serait-elle pas le désir même de se prouver à lui-même sa liberté ? Si bien qu’il est tout-à fait envisageable de soupçonner Lafcadio de prendre pour une absence de motifs ce qui ne serait au fond qu’une ignorance profonde des motifs de son acte. L’ « acte gratuit » est donc une notion philosophiquement problématique : la volonté de prouver sa liberté par un acte supposé sans mobile constitue, par elle-même, un mobile. Transition : Une nouvelle question se pose dès lors : le sentiment de liberté ou la volonté de réaliser un acte non déterminé ne seraient-ils pas qu’une croyance ? Ne semble-t-il pas que ce ne soit que de façon illusoire et superficielle que je fasse l’ « expérience » de ma liberté, par ignorance des déterminations qui sont pourtant en jeu ? Développement de la dissertation : 2ème partie II) La critique déterministe du libre arbitre a) L’illusion anthropocentrique du libre arbitre : « L’homme n’est pas un empire dans un empire » (Spinoza) Le projet philosophique de B.Spinoza, dans le sillage des travaux scientifiques de Laplace, est de dénoncer les illusions du libre arbitre. C’est ainsi que dans la troisième partie de l’Ethique, dans la section intitulée De l’origine et de la nature des affections, Spinoza rejette totalement l’idée selon laquelle l’homme occuperait une place privilégiée au sein de la nature. Spinoza critique notamment Descartes qui conçoit l’homme comme « un empire dans un empire », ainsi que tous les philosophes qui croient que « l’homme trouble l’ordre de la Nature plutôt qu’il ne le suit, qu’il a sur ses propres actions un pouvoir absolu et ne tire que de lui-même sa détermination ». Or l’objectif de Spinoza est bel et bien de montrer que l’homme suit les lois communes de la Nature, comme toutes les choses de ce monde. b) L’illusion humaine de la liberté C’est dans sa lettre à Schuller, extraite de sa Correspondance, que Spinoza dénonce l’illusion du libre arbitre.

Il défend ainsi une position philosophique déterministe suivant laquelle tous les événements sont absolument nécessaires et le sentiment que nous avons d’être libres ne serait qu’une illusion naturelle : « Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d’avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent ». Et Spinoza d’ajouter un peu plus loin : « Et comme ce préjugé est inné en tous les hommes, ils ne s’en libèrent pas facilement ». Cette illusion naturelle de l’homme a donc deux causes d’après Spinoza qui justifient que l’homme s’illusionne et qu’il ne fasse pas seulement erreur.

Premièrement, la source de l’illusion humaine du libre arbitre.... »

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