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La liberté est-elle notre destin ?

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« Introduction -La liberté, c'est le sentiment d'être indépendant par rapport à une influence extérieure, donc d'être maître de soi.

Etre libre, c'est être maître de sa propre destinée. -Or, le destin, à l'inverse, est souvent entendu comme une prédestination, c'est-à-dire comme la prédétermination de l'action d'un être, dont les faits et gestes s'enchaînent avec une implacable nécessité. -En quel sens pourrait-on donc comprendre la liberté comme constituant notre destin le plus absolu ? La liberté peut-elle parvenir à un tel degré d'absoluité qu'elle en devienne comme "fatale" ? Et n'y aurait-il pas, alors, un mode authentique d'assomption de cette fatalité de la liberté, au sein d'un destin vécu comme responsabilité absolue ? I.

Le destin constitue exactement l'inverse de toute liberté possible (la tragédie grecque). -La tragédie grecque s'est fortement inspirée du sentiment de la fatalité, définie comme destin inéluctable d'un individu qui est prédéterminé par des puissances transcendantes.

Le destin, c'est le sentiment de sentir notre action propre nous échapper : le sens de notre action prend un sens étranger à celui que voudrait lui donner notre volonté.

Le sentiment du destin commence donc où s'achève celui de notre liberté propre. - L'ironie tragique consiste à favoriser l'exécution du fatum, alors qu'on a précisément l'intention de le conjurer par l'illusion d'une action libre.

Le tragique est d'autant plus fort lorsqu'est rendue plus sensible la nécessité prédéterminée de notre action, qui par là échappe à toute liberté possible, rendue par avance vaine et illusoire.

Le destin constitue, ainsi, le contrepied parfait de toute conception possible de la liberté. II.

La liberté constitue un destin, en raison de son absoluité constitutive (Sartre). -L'homme choisit ce qu'il veut être selon un éventail indéfini de possibilités qui lui sont essentiellement offertes.

Il n'y a donc pas de forces transcendantes qui déterminent son choix, donc pas de prédestination : l'homme est à lui-même, en tant qu'être fondamentalement libre, son propre destin. -Or, l'homme ne choisit précisément pas d'être libre : il est contraint d'être libre, au sens où sa liberté seule n'échoit pas à son choix ; c'est pourquoi la liberté constitue, non une essence prédéterminée, mais la condition propre d'un homme qui ne choisit pas la nécessité même de sa liberté.

Le vrai tragique, en ce sens, ne réside pas dans la prédétermination, mais dans la liberté absolue, tellement absolue qu'elle échappe à cette liberté même.

En effet, on peut choisir de fuir sa liberté, mais on restera toujours responsable de tout devant tous, quoiqu'on fasse : et c'est dans ce constat existentiel que se situe toute la tragédie du destin humain. III.

La liberté permet au Dasein de rejoindre son essence destinale (Heidegger). -L'homme est un Dasein, c'est-à-dire qu'il est un étant dont l'étanticité propre implique une entente de l'être ; c'est pourquoi l'homme est un étant "ontologique".

Le privilège propre au Dasein consiste en ce que seul parmi tous les étants il est appelé, ou revendiqué par l'être ; l'homme comprend l'être pour mieux le "sauvegarder", au sein du langage et de la pensée. -L'être constitue le fondement de l'essence destinale de la pensée : l'être revendique ainsi le Dasein afin que celui-ci le sauvegarde au sein d'une pensée et d'un langage authentiques.

Or, ce qui fonde et ce qui rend possible cette essence destinale de la pensée et du langage, c'est la liberté humaine, en tant que transcendance qui permet au Dasein de saisir le Da de l'être ; l'"Etre-le-là" de l'être est ce qui permet à l'être de se saisir lui-même comme tel, et non plus comme un simple étant.

La liberté est donc ce qui permet au Dasein de se saisir lui-même comme tel, en son essence proprement destinale, en tant que destination privilégiée du sens de l'être. Conclusion -La liberté constitue apparemment l'inverse même de l'idée de destin, puisque celui constitue un concept dans lequel la notion de prédétermination est primordiale. -Néanmoins, on peut précisément voir dans l'absoluité de la liberté la condition d'un concept destinal de la liberté : on n'a pas le choix d'être libre, c'est ce qui fait de notre liberté une condition inaliénable. -Mais plus profondément encore, la liberté constitue le sens même de notre essence destinale : car notre essence, c'est de préserver cela même par quoi nous est donnée la liberté (ou transcendance), à savoir l'entente de l'être.

L'être est au fondement de mon être propre, en tant qu'étant ontologique : il constitue autant ma transcendance que l'appel qui fait de ma vie un destin ; être libre, donc, c'est assumer son destin, puisque celui-ci constitue le sens de cette liberté même.. »

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