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La liberté de penser se réduit-elle à la liberté d'expression ?

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« La liberté de penser peut s'entendre en deux sens différent.

On peut désigner tout d'abord par là le fait de ne pas être empêché par une contrainte extérieure dans l'exercice de sa propre pensée.

Il s'agit donc d'une liberté négative : ne pas être empêché de penser.

Or dans ce premier sens il semble bien que la liberté de penser se réduise à la liberté d'expression, puisque si l'on n'interdit pas à quelqu'un de s'exprimer, comment lui interdire de penser ? En effet la pensée ne devient visible pour les autres, et donc susceptible d'être contrainte par eux, que lorsqu'elle s'incarne dans l'expression.

Dès lors, si on lui accorde le droit de s'exprimer, on n'a plus aucun moyen de contraindre sa pensée.

Mais la liberté de penser peut aussi s'entendre en un sens positif, comme la liberté de la pensée elle-même.

On désigne par là la capacité qu'a un sujet à penser par lui-même, à ne pas adopter sans examen les opinions des autres ou les idées toutes faites.

Cette liberté de penser par soi-même ne se réduit pas à la liberté d'expression, car on peut avoir le droit de s'exprimer sans pour autant être capable de penser par soi-même, parce que l'on n'a pas encore pris conscience que l'on peut évaluer soi-même la vérité ou la fausseté de certains jugements en usant de sa propre raison.

Cette liberté de penser par soi-même ne peut jamais être assurée seulement par un droit négatif (ne pas être empêché de s'exprimer), mais doit se conquérir par le sujet lui-même. I.

En un sens juridique la liberté de penser se réduit à la liberté d'expression La liberté de penser désigne d'abord une liberté négative, celle de ne pas être contraint de l'extérieur dans l'exercice de sa pensée.

Mais comment une telle contrainte pourrait-elle avoir lieu, puisque tant qu'un individu se contente de garder ses pensées par devers lui, on n'a aucun moyen de les contrôler ? La seule façon de brimer cette liberté de penser serait d'interdire aux individus d'exprimer leur pensée.

C'est ce que fait l'Etat dans certains régimes tyranniques, ou totalitaires, pour être certain de ne pas être menacé dans son autorité.

Or interdire la liberté d'expression, ce n'est pas seulement interdire aux individus le droit de dire ce qu'ils pensent, mais cela revient à étouffer la pensée elle-même.

Dans Qu'est-ce que s'orienter dans la pensée ? Kant explique que la liberté de penser n'est rien si l'on ne peut l'exercer en communauté avec d'autres.

En effet la pensée se nourrit de l'échange avec la pensée des autres, et lorsque cette possibilité d'échanger fait défaut, la pensée elle-même n'est plus possible.

Oter à un homme la liberté de partager publiquement ses pensées, revient donc à étouffer sa pensée.

On peut donc considérer que si le droit d'exprimer ses pensées est reconnu à un homme, on lui laisse la possibilité d'échanger ses pensées avec les autres, et que sa liberté de penser est donc assurée. II.

La liberté de penser s'expérimente dans le fait de pouvoir penser par soi-même, donc la liberté d'expression ne suffit pas à garantir la liberté de penser (elle n'est pas une condition suffisante de la liberté de penser) Réduire la liberté de penser à la liberté d'expression, c'est considérer que la pensée est en quelque sorte à la disposition de chaque sujet, et que si nulle interdiction sur le plan politique ou juridique ne l'empêche de s'en servir, il pourra le faire.

Mais si l'on entend la liberté de penser comme la liberté de la pensée elle-même, c'est-à-dire comme la liberté de penser par soi-même, alors la liberté d'expression (ne pas être contraint de l'extérieur dans l'exercice de sa propre pensée) ne suffit plus à garantir la liberté de penser.

Dans Alcibiade, Platon met en scène Socrate et Alcibiade. Alcibiade veut faire de la politique, et en tant que citoyen athénien il est tout à fait libre de s'exprimer.

Mais Socrate lui montre qu'il ne se connaît pas lui-même, parce qu'il ignore que son moi profond est constitué par son âme, c'est-à-dire principalement par sa capacité de penser, d'interroger par lui-même le sens de notions comme le juste ou l'injuste. Alcibiade doit donc apprendre à penser par lui-même, et c'est à cette condition seulement qu'il sera libre de penser.

On voit donc que la liberté de penser est le produit d'un travail du sujet sur lui-même, que ce n'est pas du tout quelque chose de donné mais quelque chose à conquérir, et dans ce sens la liberté d'expression ne suffit pas du tout à la garantir. III.

La liberté de penser peut parfois surmonter l'absence de liberté d'expression On peut se demander si la liberté de penser au sens positif de capacité à penser par soi-même, ne peut pas dans certains cas être une arme pour surmonter une situation où la liberté de penser au sens négatif (liberté d'expression), n'est pas assurée.

En effet, on remarque que dans tous les régimes totalitaires où un gouvernement dénie à ses sujets la liberté d'expression, certains résistent tout de même, et parviennent même parfois à exprimer leurs idées par des voix détournées (journaux clandestins par exemple).

Il y a donc des cas où les hommes ne sont pas libres d'exprimer leurs idées, mais parviennent tout de même à exercer leur sens critique.

On peut y voir le fait qu'il y a dans l'homme une liberté qui tient à la pensée elle-même, à sa capacité à interroger sans cesse les fausses évidences pour en examiner le bien fondé.

Nietzsche considère que cette capacité qu'à l'homme de penser par lui-même requiert avant tout du courage.

Dans Par-delà bien et mal, il décrit ce qu'il appelle « l'esprit libre », comme la capacité qu'ont certains êtres humains de ne pas reprendre à leur compte les valeurs des autres, mais d'être au contraire capable de créer par soi-même de nouvelles valeurs.

On peut alors considérer que dans certains contextes politiques où la liberté d'expression est déniée, c'est le courage de penser par soi-même qui permet à l'homme de ne pas se laisser réduire à un statut de sujet passif prêt à tout accepter. Conclusion On peut envisager que la liberté de penser se réduise à la liberté d'expression, mais c'est parce que l'on entend la liberté de penser au sens négatif de « ne pas être empêché de penser de l'extérieur ».

Mais la liberté de penser au sens positif est toujours plus que cela, elle exige une conquête par le sujet lui-même, de la capacité à penser par lui-même. Dans ce deuxième sens la liberté de penser peut être justement ce qui permet de surmonter une situation d'oppression où la liberté d'expression est déniée.. »

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