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La justice a-t-elle besoin d'institutions?

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« Analyse du sujet : « avoir besoin de … » = ne pas pouvoir se passer de … ; le besoin marque une nécessité, un lien de dépendance forte A insi, le sujet invite à s e demander si les institutions sont indispensables à la justice : peut-on penser la justice séparément des institutions, indépendamment des structures politiques et sociales établies par la loi ? Enjeu : la justice n'est-elle affaire que de convention ? Doit-on admettre tout ce qui est légal comme légitime ? Est-il sensé de distinguer légitimité (conformité à une loi morale ou à un principe de justice pressentie dans la conscience individuelle ou collective) et légalité (conformité aux lois établies, au droit positif) ? La difficulté du sujet tient à ce que d'un côté, les institutions sont diverses (ne sont pas les mêmes selon les sociétés) et varient selon les époques, alors que de l'autre, le sentiment de justice ou même son idée paraît identique et invariable. Problématique : la justice repose-t-elle strictement sur des conventions humaines ou relève-t-elle d'un sens moral fondateur d'une norme du juste en soi ? La justice a-t-elle besoin d'institutions, afin de ne pas être un idéal abstrait, ou bien peut-elle être pensée à part de ces dernières, permettant ainsi de contester ou contrôler les institutions ? Dans cette dernière perspective, comment s'accorder sur ce qu'est le juste en soi ? devons-nous accorder à Pascal que la justice instituée est la seule justice du seul fait qu'elle est instituée ? 1- L A JUSTICE N'A PAS BESOIN D'INSTITUTIONS a) qu'est-ce que le besoin ? « A voir besoin d'une chose » désigne le fait d'être dans l'incapacité de pouvoir se passer de cette chose ; il s'agit donc d'un état de dépendance mais aussi un état de manque.

A utrement dit, à supposer que la justice ait besoin, au sens strict, d'institutions, cela impliquerait que les institutions sont ce sans quoi aucune justice ne pourrait être : les institutions serait ce qui manque ou fait défaut à la justice. La justice est-elle dans une telle condition de dépendance à l'égard des institutions ? Est-elle exclusivement fonction de la décision et de la volonté des hommes de telle sorte qu'elle n'est rien d'autre qu'une convention ? b) la justice est sentie, éprouvée Lorsque pour un même travail, deux individus perçoivent un salaire différent ou quand un homme est emprisonné pour une faute qu'il n'a pas commise, nous éprouvons de l'indignation face à ces situations que nous n'hésitons pas à qualifier intuitivement d'injuste, et cela, avant même d'opérer le moindre raisonnement ; nous sommes choqués et traduisons ce sentiment en arguant que « ce n'est pas juste ». A insi on peut facilement poser que notre aspiration à la justice est essentiellement motivée par ce sentiment d'injustice.

A insi la justice n'aurait pas besoin d'institutions dans la mesure où elle est d'abord sentie, elle est, selon les mots de Rousseau, « une affection de l'âme éclairée par la raison […], un progrès ordonné de nos affections primitives ». En effet, l'amour de soi et la pitié sont, selon l'auteur de l'Emile, les deux sources du sentiment de justice.

Naturellement, l'homme est d'abord enclins à se conserver mais aussi à prendre part aux souffrances d'autrui : la pitié est le sentiment de l'amour de soi étendu aux autres et cette extension donne lieu à la justice.

O r pour que l'homme opère une telle généralisation (sans laquelle, la pitié est seulement faiblesse et non pas une vertu), il faut l'éduquer. Transition : C e dont la justice a besoin, en tant qu'elle relève du sentiment primitif qu'est la pitié, c'est de l'amour du genre humain : pour mener à la justice, la pitié doit s'élargir en vertu : « étendons l' amour propre sur les autres êtres nous la transformerons en vertu ».

Rousseau pense donc que la justice n'existe que lorsque l'on s'élève à l'amour du genre humain (opposé à l'intérêt particulier et égoïste) Cependant, si la justice existe indépendamment des institutions, comment expliquer la pluralité et la diversité des principes de justice établis par les hommes ? C itons Pascal : si chacun connaissait la justice, « on la verrait plantée par tous les états du monde, et dans tous les temps, au lieu qu'on ne voit rien de juste ou d'injuste qui ne change de qualité en changeant de climat » (P ensées, éd Brunschvig 294) Problème : si justice peut être sentie par tous, il n'y a alors besoin que d'éduquer les hommes à l'amour d'autrui, et toute autre institutions (tribunal, assemblée législatrice, école de droit …) est superflue.

Faut-il ôter aux institutions toute légitimité ? 2- LA JUSTICE A BESOIN D'INSTITUTIONS a) à l'état de nature, rien ne peut être juste Imaginons ce que serait la condition humaine sans institutions, c'est-à-dire sans état : selon Hobbes, les passions humaines libérées de tout pouvoir contraignant, laisseraient place à la guerre de chacun contre chacun, puisque chacun voulant se conserver fera tout ce qui lui est possible pour y parvenir. Selon Hobbes, c'est volontairement que les hommes se sont soumis à l'autorité d'un état.

En effet, à l'état de nature, la vie est « malheureuse, pénible, bestiale et brève », et cela, en raison d'un droit de nature absolu : l'état de nature, la condition où vivent les hommes « sans qu'une puissance commune les tiennent tous en respect », ne tombe sous le coup d'aucun jugement : rien ne peut être injuste puisque « là où il n'y a pas de puissance commune, il n'y a pas de lois ; là où il n'y a pas de lois, pas de justice ».

Dès lors, la fraude et la force sont les vertus cardinales.

C 'est pourquoi, les hommes renoncent à leur droit naturel en échange de la paix et de la sécurité assuré par l'état (qui est la somme des pouvoirs de tous).

La justice n'existe donc qu'à partir du moment où les hommes ont contracté, c'est-à-dire dès que des institutions sont mises en place. b) La justice est certes conventionnelle mais elle n'en est pas moins juste du seul fait qu'elle est établie Si les institutions ne tiennent leur légitimité d'aucune justice transcendante, ce n'est pas pour autant qu'il faille désobéir aux lois établies : celles-ci sont justes, et donc respectables, du seul fait qu'elles ont été établies. Pascal souligne ainsi que les institutions doivent être objet de respect.

C e qui a été établi n'est certes pas fondé en nature, et dépend de la volonté des législateurs, et pourtant, même contingentes, les institutions sont justes : la justice est certes conventionnelle, elle n'en possède pas moins une valeur sociale.

Contester cette valeur serait le fait d'un demi-habile qui ne parvient pas à cerner ce que l'ordre établi comporte de nécessité. Transition : La justice a besoin d'institutions car elle n'existe pas à l'état naturel.

De plus, les institutions, même si elles dépendent de la volonté des hommes, et ne sont donc pas fondées en nature, n'en sont pas moins justes : la justice instituée a une valeur sociale. C ependant, il semble alors que l'on soit contraint de rabattre le droit sur le fait.

P roblème : la légalité devient la légitimité. 3- CE SONT LES INSTITUTIONS QUI ONT BESOIN DE LA JUSTICE COMME IDÉAL RÉGULATEUR La justice est une idée : elle est en ce sens indépendante des institutions et de ce fait on peut conserver la distinction légalité et légitimité : est légal ce qui est de fait juste, et, est légitime, ce qui est par contraste, idéalement juste. Mais en tant qu'idée, la justice est, pour reprendre des termes kantiens, un concept vide auquel nul intuition ne peut correspondre.

Ainsi, on peut aussi garder l'idée que la justice n'a pas d'existence séparée des institutions, et cela sans réduire le droit au fait car l'intérêt de la justice, en tant qu'elle est une idée, réside dans l'usage qu'en font les institutions : les institutions, soumises aux conditions empiriques, tendent vers cet idéal qu'est le juste en soi.

La justice est donc ce sans quoi les institutions n'auraient aucun raison d'être mais la justice en soi sans être visée par ces institutions, ne saurait être autre chose qu'un concept vide.. »

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