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La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens. Clausewitz

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? Dans un texte de 1973, « Clausewitz et la guerre populaire », le philosophe français Raymond Aron affirme de Clausewitz (1780-1831) qu'il « passe, à juste titre, pour le plus célèbre des écrivains militaires, le seul dont nul homme cultivé n'a le droit d'ignorer le nom et deux ou trois formules ». En tête de ces formules, celle qui figure au paragraphe 24 du premier chapitre de De la Guerre : « La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens. »

« La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens.

Clausewitz Dans un texte de 1973, « Clausewitz et la guerre populaire », le philosophe français Raymond Aron affirme de Clausewitz (1780-1831) qu'il « passe, à juste titre, pour le plus célèbre des écrivains militaires, le seul dont nul homme cultivé n'a le droit d'ignorer le nom et deux ou trois formules ».

En tête de ces formules, celle qui figure au paragraphe 24 du premier chapitre de De la Guerre : « La guerre est une simple continuation de la politique par d'autres moyens.

» Il> Le livre de Clausewitz est aujourd'hui encore l'ouvrage de référence pour quiconque réfléchit sur ce que Joseph de Maistre désignait dans ses Considérations sur la France (1796) comme « l'état habituel du genre humain» : la guerre.

Officier prussien malheureux dont la carrière consacrée à combattre les armées napoléoniennes fut une suite de désastres et de déceptions, Clausewitz profita, sur la fin de sa vie, de sa situation de directeur de l'Ecole de Guerre, poste honorifique qui masquait en fait une situation de disgrâce et de semiretraite, pour entreprendre la rédaction de l'ouvrage monumental qui lui valut sa réputation posthume. « Penser la guerre », tel est, pour reprendre le titre de l'ouvrage que Raymond Aron consacra à Clausewitz, l'objectif que s'assigne l'officier prussien.

Il faut, à cette fin, commencer par la définir.

C'est ce que Clausewitz commence par faire dans le premier chapitre en posant que : « La guerre est un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter notre volonté.

» Soucieux d'affiner sa définition, Clausewitz en vient dans le cours du même chapitre à réfléchir sur les liens qui unissent guerre et politique.

Ce qu'affirme haut et fort Clausewitz, c'est que la guerre est avant tout un acte politique.

Réagissant contre une vision héroïque et irrationnelle de la guerre, il déclare : « La guerre n'est ni un passe-temps, ni pure et simple passion du triomphe et du risque, non plus que l'oeuvre d'un enthousiasme déchaîné : c'est un moyen sérieux en vue d'une fin sérieuse.

Tout le chatoyant prestige de la fortune qu'elle déploie, tous les frémissements de passion et de courage, d'imagination et d'enthousiasme qu'elle comporte, ne sont que les propriétés particulières de ce moyen. La guerre d'une communauté — de nations entières et notamment de nations civilisées — surgit toujours d'une situation politique et ne résulte que d'un motif politique.

Voilà pourquoi la guerre est un acte politique.

» Il est donc absurde aux yeux de Clausewitz de penser les rapports entre guerre et politique en termes de ruptures.

La guerre n'ouvre pas dans la vie des peuples un espace à part où les règles de la politique n'auraient plus de valeur.

Clausewitz ne nie pas cependant la spécificité du phénomène guerrier.

La politique doit tenir compte de cette spécificité et s'y adapter.

Cependant, c'est au bout du compte la politique qui doit l'emporter sur la guerre et non la guerre sur la politique.

Si le but de la guerre est militaire, la fin en est politique : « Donc, si l'on songe que la guerre résulte d'un dessein politique, il est naturel que ce motif initial dont elle est issue demeure la considération première et suprême qui dictera sa conduite.

Pourtant, l'objectif politique n'est pas, pour autant, un législateur despotique; il doit s'adapter à la nature des moyens dont il dispose.

» Ces considérations amènent Clausewitz à définir la guerre comme la « simple continuation de la politique par d'autres moyens» : la guerre est la poursuite de fins politiques par des moyens spécifiquement militaires : «L'art de la guerre en général, et du commandant dans chaque cas d'espèce, peut exiger que les tendances et les intentions de la politique ne soient pas incompatibles avec ces moyens, exigence non négligeable assurément.

Mais aussi puissamment qu'elle réagisse en certains cas sur les intentions politiques, cela doit toujours être considéré seulement comme une modification de celles-ci; car l'intention politique est la fin, tandis que la guerre est le moyen, et l'on ne peut concevoir le moyen indépendamment de la fin.

» L'oeuvre de Clausewitz a eu une importance largement souterraine mais sans doute déterminante pour l'histoire du XXe siècle.

Des hommes politiques aussi considérables que Jaurès (1859-1914), Lénine (18701924) ou Mao Zedong (1893-1976) s'en sont inspirés pour y trouver une théorisation rigoureuse des rapports entre guerre et politique et la description des principes de la guerre populaire. Plus près de nous, la philosophie française s'est emparée de l'oeuvre de Clausewitz.

Avec Raymond Aron tout d'abord, qui sous le titre de Penser la guerre a consacré chez Gallimard deux gros volumes à la pensée de l'officier prussien.

Avec André Glucksmann, ensuite, et son Discours de la guerre (coll.

Biblio).

Dans un entretien accordé en novembre 1979 au Magazine littéraire, celui-ci commentait ainsi l'actualité de la formule de Clausewitz : «Prendre la formule de Clausewitz dans sa profondeur énigmatique, par où elle illumine prophétiquement les événements contemporains, implique qu'on en médite patiemment l'essentielle nouveauté.

Un mot ressort : «continuation ».

Les temps deviennent «modernes » lorsque la guerre se mêle de continuer la politique, lorsque la politique se continue par la guerre, lorsque entre guerre civile et guerre étrangère les frontières sautent.

La continuité d'une continuation l'emporte sur la traditionnelle (et fragile) contiguïté des temps de guerre et des temps de paix.

Les horreurs qu'on croyait « de la guerre » deviennent ordinaires, courantes.

[...] La continuité guerre-politique, Clausewitz n'en rit ni n'en pleure, il l'analyse comme un fait, le grand fait de l'histoire de l'Europe (depuis : de la planète).

Politique et guerre semblent se succéder, plus intimement elles se répondent.

A grande politique, grande guerre, note déjà Clausewitz.

A grandes puissances, grands massacres, fait écho notre siècle. Le problème n'est pas de savoir qui est subordonné à l'autre, si c'est le civil qui dirige le militaire ou l'inverse, le problème est de repérer qu'il y a dans le politique comme dans le militaire quelque chose qui peut passer de l'un à l'autre.

Ce que j'ai appelé religion de la guerre n'est pas la prétention du militaire de se subordonner le civil, mais la fluide facilité avec laquelle le civil se convertit en militaire, et le militaire en un guerrier absolu qui force la guerre à répondre à des questions qu'elle-même ne se posait pas, elles étaient de l'ordre du politique ou de la philosophie.

Qui saura alors si le militaire se subordonne au civil, puisque ce sont les questions du civil qui agitent la tête du militaire, ou si le civil se subordonne au militaire, puisque c'est la guerre qui répond? L'opposition du civil et du militaire, de la guerre à l'étranger et de la guerre à l'intérieur, de la guerre totale et de la guerre limitée n'est plus pertinente.

Les joutes électorales se veulent « guerres idéologiques » et les crises de l'énergie impulsent des « mobilisations » massives.

Les questions aussi bien civiles que militaires se donnent à penser dans l'horizon d'une guerre absolue.

». »

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