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La guerre est-elle la continuation de la politique par d'autres moyens ?

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« Introduction « La guerre est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux militaires », affirmait Clemenceau, qui validait ainsi la formule de Clausewitz, selon laquelle « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens ».

Celle-ci ne serait donc qu'un moyen en vue d'une fin, qui, pour être juste, doit viser à l'établissement de la paix ou à la restauration de l'ordre.

Mais cette formule, qui souligne l'existence d'un continuum politique-guerre, n'appelle-t-elle pas son renversement ? Si Clausewitz, théoricien de la guerre, explicitait ainsi la subordination de l'objectif militaire aux fins politiques, sa formule ne risque-t-elle pas d'induire une zone d'indifférenciation entre le politique et la guerre, champ de bataille lugubre où l'on ne distinguerait plus entre les moyens légitimes de l'action politique et la violence et la ruse à l'œuvre dans toute bataille ? Première partie - Si la guerre n'est qu'un moyen alternatif à ceux habituellement employés en politique, il convient d'abord de s'interroger sur la fin de celle-ci.

Aristote subordonne la guerre à la politique en faisant de la paix « la fin ultime de la guerre » (Politique, VII, 15, 1334a – 15), et en assignant comme fin à la politique la recherche du Souverain Bien.

Dès lors, la guerre ne se justifie que comme résistance face à des puissances étrangères qui voudraient nous assujettir : elle ne peut trouver sa fin en elle-même. - On considère donc la guerre, définie comme affrontement entre Etats antagonistes (par contraste avec le conflit ou la violence individuelle ou collective), comme le bras armé de la diplomatie.

De même que l'Etat exerce le « monopole légitime de la violence » (Max Weber, « La vocation de politique » in Le Savant et la politique) afin d'imposer le respect de la loi, il ne peut négocier avec d'autres Etats sans faire appel à la menace militaire. - Dès lors, la guerre est effectivement la continuation de la politique par d'autres moyens.

Sun Tzu (L'Art de la guerre) la définirait même comme défaite du politique ou faillite de la diplomatie, puisqu'il affirme que le meilleur moyen de gagner une guerre, c'est encore de l'éviter. Seconde partie La formule clausewitzienne se trouve cependant menacée de façon à la fois conjoncturelle et structurelle. - D'abord, l'apparition de nouveaux conflits met en péril la définition de la guerre comme désignant exclusivement un affrontement inter-étatique : « guerre de partisans » (campagne d'Espagne sous Napoléon – cf.

Carl Schmitt, Théorie du partisan), « guerres coloniales » (« Bataille » d'Alger, 1961), « guerres civiles » ou « guerres révolutionnaires », « conflits de basse intensité » ou « guerre contre le terrorisme »… Toutes ces nouvelles formes de guerre mettent en question la distinction civils/militaires et politique intérieure/affaires étrangères.

Dès lors, la guerre n'est plus l'ultime recours de la diplomatie, mais apparaît au contraire comme la trame secrète de toute politique. - Outre cet aspect historique, l'affirmation clausewitzienne d'un continuum politique-guerre s'expose à être renversée, la politique devenant la continuation de la guerre par d'autres moyens.

Lénine renverse ainsi le mot de Clausewitz en utilisant le concept de « lutte de classes ».

Si l'Etat est, selon la théorie marxiste, l'instrument de la classe dominante, l'ordre intérieur n'est que fictif et dissimule une véritable lutte, laquelle prend tantôt un aspect légaliste (politique), tantôt un aspect insurrectionnel menant à une guerre ouverte entre les classes antagonistes.

« La loi n'est pas pacification, car sous la loi, la guerre continue à faire rage à l'intérieur de tous les mécanismes de pouvoir (…) la guerre, c'est le chiffre même de la paix » (Foucault, Il faut défendre la société, cours du 21 janvier 1976, pp.43-44 Seuil Gallimard 1997).

De même C.

Schmitt (La Notion de politique) détermine le champ politique comme affrontement entre l' « ami » et l' « ennemi » (hostis – à distinguer de l'inimitié personnelle, inimicus) : c'est la possibilité d'un état de guerre qui devient le critère même du politique. Conclusion La formule clausewitzienne, qui subordonne le militaire au politique et fait de la guerre l'ultime recours de la diplomatie, ne tient donc que dans le cas des guerres inter-étatiques.

Pourtant, à l'époque même où Clausewitz écrit De la guerre, les guerres napoléoniennes voient l'émergence, pour la première fois, en Espagne, de la figure du « partisan », prototype du « révolutionnaire » ou du « terroriste » du XXe siècle. Si dans une perspective aristotélicienne et clausewitzienne, la guerre a pour fin l'établissement de la paix, celle-ci apparaît de plus en plus comme un « désordre établi » (Emmanuel Mounier).

La « paix » n'apparaît alors que comme un ordre relatif, celui, précisément, du politique, sous lequel sourd en permanence la menace de la guerre, les adversaires (peu importe leur détermination historique et sociale) ayant temporairement décidé, d'un commun accord, de renoncer à la violence des armes pour poursuivre la guerre sur un autre terrain, celui de l'enceinte parlementaire, du droit, de l'économie, de la diplomatie, des débats télévisés, etc. La violence elle-même n'est pas exclue de ce champ régulé qu'on appelle le politique, puisqu'elle continue à exister selon diverses modalités (« violence symbolique » telle que décrite par Bourdieu, assassinats ou opérations clandestines, etc.).

La politique ne devient alors qu'un moyen parmi d'autres dans cette « guerre de tous contre tous » (Hobbes), laquelle ne disparaît jamais complètement des relations sociales. >>> SECOND CORRIGE: http://www.devoir2philo.com/dissertations/102896.htm. »

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