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La foi dispense-t-elle de savoir ?

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« Dans le vocabulaire actuel, le mot « foi » désigne habituellement une croyance religieuse ou une croyance morale, c'est-à-dire l'engagement d'un individu au service d'un idéal auquel il croit.

Le savoir de son côté serait un système de connaissance acquis par l'expérience et la raison, système car des connaissances séparées les unes des autres n'auraient que peu de valeur et d'efficacité.

A ussi, ces deux domaines seraient séparés et n'auraient que peu de choses en commun, la foi ne pourrait remplir la fonction du savoir, en aucun cas il ne pourrait êtres substituables, est-ce possible ? 1) La croyance et la foi ont des objets différents. Kant tentera de la résoudre en dissociant fermement les conditions purement subjectives du tenir-pour-vrai des conditions objectives du savoir véritable.

C e discernement critique, opéré par Kant, entre croire et savoir, est proprement le point tournant de toute l'analyse du concept de croyance.

Selon lui dans la Critique de la Raison Pure, la preuve étant ainsi faite que tous les raisonnements qui prétendaient nous conduire au-delà du domaine de l'expérience possible sont illusoires et relèvent d'un emploi abusif des concepts de la raison, il reste alors à découvrir la véritable destination et le légitime usage des idées.

La critique permet tout d'abord d'en rectifier l'usage théorique : en posant des objets en idée, ce que la raison propose à l'entendement ce ne sont pas d'autres objets que les siens qui sont empiriques, ce sont des points de convergence pour les connaissances, des foyers imaginaires, l'horizon d'une perfection inaccessible.

Leur valeur est donc régulatrice et heuristique, et l'entendement doit y trouver une incitation à rapporter les connaissances à autant de principes d'unité systématique.

Mais c'est une signification beaucoup plus profonde encore que la critique découvre à la méprise que commettait la métaphysique en cherchant à donner satisfaction aux exigences rationnelles par la constitution d'une connaissance théorique de type spéculatif, c'est-à-dire dont les objets ne peuvent être donnés dans aucune expérience et qui ne permet de déduire aucune règle d'action : celle d'un malentendu de la raison sur la véritable destination qui lui est propre.

Elle méconnaissait son intérêt le plus élevé, qui n'est pas la connaissance, mais l'action : faute de s'être critiquée, elle s'aveuglait sur sa fin ultime, qui n'est pas la détermination de ce qui existe comme nature, mais bien de ce qui doit être par la liberté.

Lorsqu'elle cherchait dans la métaphysique une réponse d'ordre spéculatif à ses questions sur la liberté, l'immortalité de l'âme et l'existence de Dieu, elle ignorait qu'elles ne pouvaient devenir l'objet de son savoir, mais qu'elles devaient être celui de s a croyance.

Son besoin spéculatif la conduisait à en faire d'invérifiables hypothèses ; sa tâche pratique en fera des postulats, c'est-à-dire des hypothèses qui tirent leur valeur de vérité de ce qu'elles ne sont pas seulement permises mais nécessaires, la nécessité de les admettre étant fondée sur l'obligation propre à l'action morale. 2) Le savoir ne fait pas reculer la foi. Dans le Gai Savoir, Nietzsche entreprend de dissiper une illusion entretenue par les positivistes et les rationalistes de tous bords.

Nous pensons d'ordinaire que les progrès de la science ont repoussé les frontières de la foi, qu'en devenant plus savants nous sommes devenus moins croyants.

Mais cette victoire du savoir sur la foi, de l'esprit positif sur l'esprit théologique, comme dirait C omte, est bien fragile.

C e n'est même pas une victoire du tout, car la foi n'a reculé devant la science que pour mieux la prendre à revers.

« C 'est sur une foi métaphysique que repose notre foi dans la science ; chercheurs de la connaissance, impies, ennemis de la métaphysique, nous empruntons encore nous-mêmes notre feu au brasier qui fut allumé par une croyance millénaire, cette foi chrétienne, qui fut aussi celle de Platon, pour qui le vrai s'identifie à Dieu et toute vérité divine.

» La science repose tout entière sur une croyance : celle de la valeur de la vérité.

C ette foi ou cette croyance, loin de renvoyer à une quelconque « conscience morale intellectuelle », à un « sujet éthique », sont portées, en réalité, selon Nietzsche, par une volonté réactive, et pour tout dire nihiliste.

« La volonté de vérité à tout prix, cela pourrait bien être une volonté cachée de mort.

» La science est, de ce point de vue, une instance hostile à la vie face à laquelle l'art est appelé à jouer un rôle salvateur : « Nous avons l'art pour ne pas périr de la vérité.

» 3) Réconcilier foi et savoir ? À la critique kantienne, au refus de la raison dogmatique succédera la riposte hégélienne réhabilitant la contradiction au sein même de l'absolu.

Dénonçant les faux prestiges du mauvais infini, Hegel stigmatise la faiblesse de la pensée qui recule devant l'idée d'un absolu s'automédiatisant par la position de son opposé, la faiblesse spéculative des philosophies incapables de penser en rigueur de concept les manifestations de l'esprit, c'est-à-dire l'absoluité du Dieu manifeste de la religion chrétienne.

« L'idée de la philosophie elle-même [...] est la nature de Dieu comprise.

A insi, ce que nous appelons absolu a même signification que le vocable Dieu » (Begriff der Religion).

La plus haute définition de l'absolu est l'Esprit.

C 'est là qu'aboutit toute la culture philosophique de l'Occident.

La religion chrétienne n'a d'autre contenu que celui qui donne Dieu à connaître comme esprit.

L'Incarnation et la communauté religieuse doivent être pensées comme l'existence même de l'esprit divin dans l'histoire, sans quoi nous n'aurions affaire qu'aux représentations de Dieu dans la pauvreté de l'entendement abstrait.

Dieu ne peut être un objet moins connaissable que d'autres, ni un simple postulat exigé par la finitude de l'existence humaine.

C omme tous les philosophes chrétiens, Hegel reconnaît que le Dieu de la religion a toujours précédé l'exercice philosophique.

Mais, au lieu de viser ce Dieu à travers une intentionnalité non objectivante, Hegel pense Dieu en termes d'objectivation et d'aliénation.

Religion et philosophie se voient ainsi attribuer la fonction d'élever l'homme à la vie infinie.

Reconnaître Dieu, c'est connaître Dieu en vérité.

Dès lors, le contenu absolu de la religion est identiquement le même que le contenu absolu de la philosophie, et la tâche de la philosophie de la religion est de montrer que « le contenu de la religion et celui de la philosophie ne peuvent différer, car il n'existe pas deux consciences de soi de l'Esprit absolu pouvant avoir un contenu divers et opposé » (Leçons sur la philosophie de la religion, I, 246).

Entre foi et raison, la différence n'est donc pas de contenu, mais de niveau conceptuel ; ou, plus exactement, « la philosophie a pour tâche de mettre sous la forme du concept ce qui est dans la religion sous la forme de la représentation.

Le contenu est le même et doit l'être, c'est la vérité » (I, 245).

À la philosophie revient la tâche de réconcilier foi et savoir, en pensant la puissance de l'esprit capable de séjourner dans le négatif.

Dans la visibilité même de l'histoire, la réalisation de la moralité a valeur de révélation divine.

La différence entre foi et savoir n'est dès lors rien d'autre que la différence entre la connaissance de l'absolu par simple représentation et la même connaissance par concept.

C 'est donc la représentation, comme niveau d'appréhension du même contenu absolu, qui désormais qualifie la croyance-foi.

Par représentation, Hegel entend quelque chose de plus que les figurations sensibles du divin, et même que les allégories de caractère historique ; il y a dans la représentation une élévation de l'image à la forme de la généralité ; ainsi, quand je dis que les dieux habitent en moi, je garde du mot « habiter » l'indication d'un rapport d'intériorité qui échappe à l'immédiateté de l'image. Conclusion. A ussi, cette réflexion reste abstraite et ne parle pas ou ne demande pas à parler d'un objet quelconque auquel pourrait s'appliquer la foi et le savoir.

Si on parle de Dieu, d'un certain point de vue, la foi dispense du savoir car il ne sert à rien de chercher à savoir ce qu'est exactement Dieu puisque nous en sommes incapables, dans ce cas unique ou presque, la foi dispense du savoir, mais là encore nous sommes encore dans le domaine de la foi, domaine différent du savoir Une exception qui confirme la règle.. »

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