La discussion met-elle fin aux différends ?
Extrait du document
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Une discussion, c'est avant tout un échange interhumain qui peut, soit être le simple examen collectif d'un sujet, ou
encore faire fond sur un désaccord quand au sujet traité (disputatio).
C'est cette deuxième perspective qui nous
intéresse, puisque c'est dans le désaccord entre deux positions tenues qu'apparaît bien souvent le différend, soit
une différence de point de vue qui peut porter au conflit.
Mais si de la discussion émerge des positions radicalement
différentes, la question est encore de savoir si elle peut y mettre fin.
En effet, finit-on toujours par tomber
d'accord, et le faut-il d'ailleurs? Quoiqu'il en soit, cela laisse présupposer que la discussion peut amener ses
protagonistes vers une vérité objective et extérieure ainsi découverte par le débat entre les deux parties.
Ou
encore, que cette vérité n'est pas découverte, mais bien construite, générée au sein de la discussion, du
désaccord.
Dans les deux cas, on saisit que la dispute, le désaccord reste une étape dans l'émergence progressive
de la vérité.
Mais lorsque deux personnes se disputent, sommes-nous toujours dans une alternative forcée où c'est forcément
l'un des parties qui détient la vérité, ou encore aucun des deux? En d'autres termes, n'est-ce pas possible de penser
une discussion où les deux parties ont en fait raison? Comment cela peut-il arriver? Ceci peut être une question de
perspective, ou encore, et cela est à vrai dire bien souvent le cas, les deux protagonistes qui croient s'être entendu
sur la définition des termes, ne parlent en vérité pas du tout de la même chose.
D'où la nécessité, au sein de
l'exercice philosophique, d'offrir une place de choix et principielle à l'exercice définitionnel pour éviter ce type de
discussion qui ne tient qu'à un vaste quiproquo.
Mais, admettons que les termes soient bien définis: nous sommes
progressivement menés vers une autre question, plus centrale cette fois-ci: la vérité n'est-elle qu'une question de
discussion,c'est-à-dire d'argumentation? Ne risquons-nous pas là, en accordant un tel privilège à la raison, d'oublier
le vécu, de faire fi en somme du coeur?
I.
Platon: l'espace dialogique au service de la vérité
Les écrits de Platon ont un statut particulier de par la forme qu'ils adoptent, à
savoir, celle du dialogue.
Et ce n'est pas un hasard si Platon a choisi cette
présentation littéraire: il s'agit de donner la forme la plus vivante possible à
une représentation qu'à vrai dire Socrate n'aime pas beaucoup.
En effet, pour
le maître de Platon, l'écriture est quelque chose de « mort » si l'on puit dire,
quelque chose d'inerte qui circule de lecteur en lecteur sans pouvoir répondre
aux questions qu'on lui pose.
L'écrit est alors conçu comme une mort de la
pensée, une perte de sa vitalité, de sa dynamique, de son répondant.
Le
dialogue est alors à voir comme un compromis entre deux formes – l'écrit figé
et parole foncièrement vivante – qui retranscrit le mouvement et la pluralité
du réel.
Mais ces dialogues ont tout de même une tournure particulière, puisqu'ils sont
tous aporétiques, i.e qu'ils finissent par une impasse.
Par ce procédé, Socrate
et son ou ses interlocuteurs écartent les mauvaises pistes, sans pour autant
délivrer la voie unique à suivre.
Ce qui signifie en somme que le dialogue ne
suffit pas, qu'à lui seul il n'épuise pas la vérité.
Il met fin aux différends quant
à savoir ce que la vérité n'est pas, mais il ne délivre pas pour autant un
savoir définitif.
Dans un premier lieu, le dialogue part de la doxa, i.e de ce que
la vérité semble être pour l'opinion commune.
Ceci signifie que le dialogue
prend racine dans la pluralité conflictuelle des avis tous différents entre eux.
A ce niveau, personne ne peut se mettre d'accord sur rien, chacun défend sa
version des choses en restant à son niveau propre, un niveau subjectif où l'avis de l'autre compte peu ou pas.
Rien
ne se construit puisque qu'aucun ouvrier de la vérité ne consent à travailler avec autrui afin d'élaborer une vérité
intersubjective.
On pourrait même aller plus loin: chacun ne parle que son propre langage en ce sens qu'il utilise sa
propre définition des termes.
Et bien souvent les conflits naissent d'un mal entendu: chacun croit savoir de quoi il
parle.
Or, Socrate apparaît précisément sous la figure de cette torpille qui frappe de plein fouet les certitudes figées
de chacun pour créer un espace propice à l'apparition de la vérité.
Il faut donc se mettre d'accord quant à la définitions des termes qu'on utilise au cours de la discussion, répondre à
la question simple et pourtant essentielle: ce dont on parle, qu'est ce que c'est? Cela nécessite d'accorder déjà à
l'autre une place dans son propre cheminement vers la vérité, ne pas rester verrouiller sur un solipsisme stéril où
chacun n'a que pour unique projet l'idée d'imposer sa vérité aux autres.
La fin du différend commence déjà ici:
accepter l'autre près de soi, accepter sa parole, la potentielle contradiction qu'il représente, le possible désordre
qu'il peut imposer au sein de mes certitudes.
Le différend ne nait que de l'amour propre, de la haute estime que l'on
tient naturellement de soi-même: accepter la discussion, c'est déjà accepter de mettre autre chose que sa propre
personne au centre du monde.
II.
Kant: les antinomies de la raison
Il convient ici de s'attarder sur un différend survenu dans l'étude sur le vivant, entre deux tendances de la pensée.
La première, dont Descartes se fait le chantre, est une approche dite mécaniste du vivant.
Il s'agit dans ce cas de
considérer le fonctionnement des êtres vivant comme analogue à celui d'une machine.
Dans ce cas, notre corps par.
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