La croyance est-elle le triomphe de l'ignorance sur le savoir ?
Extrait du document
«
INTRODUCTION
Définitions des termes et problématisation : La croyance est l'assentiment qui accompagne un discours ou
une pratique.
Elle n'est pas fondée sur une certitude pleine et entière, la certitude fait défaut et c'est pourquoi il
s'agit d'une croyance et non d'un savoir.
Le savoir suppose que son objet soit exact il exclut donc la possibilité de
l'erreur.
Il n'est pas sûr que Paul va venir aujourd'hui et pourtant je le crois.
Il n'est pas établi que Dieu existe et
pourtant je le crois.
La croyance porte donc sur des objets dont l'existence présente, passée ou future n'est pas
prouvée ou sur des propositions qui sont seulement probables.
Elle va donc de pair avec la probabilité, ce qui peut
arriver, ce qui a de grandes chances d'arriver mais qui ne va pas arriver nécessairement.
Aussi deux exemples de
croyance et de savoir sont donnés par Hume dans l'Enquête sur l'entendement humain IV 1 : « Le carré de
l'hypoténuse est égal au carré des deux côtés » cette proposition est nécessaire et fait l'objet d'un savoir certain.
« Le soleil se lèvera demain »cette proposition est probable même fortement probable mais non nécessaire.
Il semble
donc qu'une probabilité accompagne les faits alors qu'une nécessité accompagne une relation d'idées.
Si la croyance
existe c'est justement parce que le savoir n'est pas total et que l'individu ne peut avoir une connaissance pleine et
entière sur toutes choses.
En ce sens la croyance indique une limitation du savoir et plus précisément révèle une
ignorance de la part de l'individu.
Pour autant peut-on en conclure le triomphe de l'ignorance sur le savoir ?
L'ignorance peut-elle être l'objet d'un triomphe ? La croyance est-elle en conflit avec le savoir ? Plusieurs solutions
pourront être données à ce problème.
La première serait de considérer la croyance comme une attitude qui s'impose
à nous et limite le savoir, en ce sens celui-ci tenterait de la minimiser vainement.
La deuxième solution consiste à
relativiser le triomphe de l'ignorance par la croyance parce que bien souvent cette croyance n'est pas consciente,
l'homme croit savoir alors qu'il ne sait pas.
La troisième solution tente une réconciliation de la croyance et du savoir
en s'interrogeant sur l'origine de la croyance.
Première partie : La vivacité de la croyance.
1.1 La croyance accompagne l'habitude, l'idée de causalité n'est pas le fruit du raisonnement mais
découle de l'habitude.
« Toute croyance en matière de fait et d'existence réelle procède uniquement d'un objet présent à la
mémoire ou aux sens et d'une conjonction coutumière entre cet objet et un autre.
En d'autres terme, comme l'esprit
a trouvé, en de nombreux cas, que deux sortes d'objets – flamme et chaleur, neige et froid – ont toujours été en
conjonction, si, de nouveau, une flamme ou de la neige se présente aux sens, l'esprit est porté par accoutumance à
attendre la chaleur ou le froid, et à croire qu'une telle qualité existe réellement et se découvrira si on s'approche
davantage.
Cette croyance résulte nécessairement de ce qu'on place l'esprit dans des circonstances données.
C'est
une opération de l'âme aussi inévitable, quand nous sommes dans une telle situation, que de ressentir la passion de
l'amour quand nous recevons des bienfaits, ou celle de la haine quand nous rencontrons des injustices.
Toutes ces
opérations forment une espèce d'instincts naturels qu'aucun raisonnement ni aucune démarche de la pensée et de
l'entendement n'est capable de produire ni d'empêcher.
» HUME, Enquête sur l'entendement humain, V.
1.2 La force de la croyance comparée au savoir.
« L'assentiment complet fondé sur des raisons subjectives qui, au point de vue pratique valent autant que
des raisons objectives, est de ce fait conviction non seulement logique, mais pratique (je suis certain).
Et cette
conviction pratique ou cette croyance rationnelle morale est souvent plus ferme que tout savoir.
Dans le cas du
savoir on écoute encore des raisons contraires ; non dans le cas de la croyance, car dans ce dernier cas il ne s'agit
pas de raisons objectives, mais de l'intérêt moral du sujet.
» KANT, Logique, introduction IX.
Transition : La croyance se trouve donc bien dans certains cas plus vive et plus ferme que le savoir mais
l'essentiel de ce constat réside dans le fait que cela ne se produit que dans certains cas.
En effet la croyance
semble supplanter le savoir dans le domaine pratique mais qu'en est-il dans le domaine théorique qui semble bien
être le domaine de prédilection du savoir ?
Deuxième partie : La croyance peut se faire passer pour un savoir mais dans ce cas l'ignorance est
non consciente.
2.1 L'homme peut être persuadé qu'il sait alors qu'il croit savoir simplement.
En l'interrogeant sur
l'objet de son savoir il prend conscience de son erreur.
Dans ce cas la découverte que le savoir qu'il croyait
posséder n'est qu'une croyance est accueillie comme un échec et non comme un succès.
« Socrate – Tu vois Ménon que je ne lui enseigne rien et que je ne fais que le questionner.
En ce moment il
se figure qu'il sait quelle est la ligne dont doit se former l'espace de huit pieds.
» PLATON, Ménon, 82e .
Socrate demande à un esclave de trouver le carré double d'un carré ayant pour côté 2.
Or au départ
l'esclave croit avoir la réponse, pense qu'en doublant les côtés il obtiendra ce carré.
Mais il obtient alors un carré de
16 pieds (4x4) et non de huit.
Aussi il prend conscience de son ignorance, qu'il ne savait pas mais croyait savoir
seulement..
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