Karl Heinrich MARX (1818-1883)
Extrait du document
«
Notre point de départ, c'est le travail sous une forme qui appartient
exclusivement à l'homme.
Une araignée fait des opérations qui
ressemblent à celles du tisserand, et l'abeille confond par la structure de
ses cellules l'habileté de plus d'un architecte.
Mais ce qui distingue dès
l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a
construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche.
Le
résultat auquel le travail aboutit préexiste idéalement dans l'imagination
du travailleur.
Ce n'est pas qu'il opère seulement un changement de
forme dans les matières naturelles ; il y réalise du même coup son propre
but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d'action, et
auquel il doit subordonner sa volonté.
Et cette subordination n'est pas
momentanée.
L'oeuvre exige pendant toute sa durée, outre l'effort des
organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut elle-même
résulter que d'une tension constante de la volonté.
Elle l'exige d'autant
plus que, par son objet et son mode d'exécution, le travail enchaîne
moins le travailleur, qu'il se fait moins sentir à lui comme le libre jeu de
ses forces corporelles et intellectuelles ; en un mot, qu'il est moins
attrayant.
L'homme n'est pas le seul vivant à travailler, mais il est le seul vivant à travailler
comme il le fait.
Le travail humain ne se distingue pas du travail animal par le
moyens ou par les buts de la production.
L'abeille mime l'architecte, l'araignée le tisserand : il manque à ces deux
animaux la propriété de se rapporter à la matière selon la représentation de l'objet à réaliser, avec cette conséquence
d'éveiller, de développer et de fortifier des capacités enfouies aussi quelles soient intellectuelles ou morales.
Peut - on partager avec MARX cette conception d'un travail littéralement épanouissant ?
------------------------------------------------------MARX choisit son point de départ pour aborder la question du travail : "Notre point de départ c'est le travail sous une
forme qui appartient exclusivement à l'homme".
Cela laisse entendre, d'une part, qu'il y a une forme de travail qui n'est pas propre à l'homme.
MARX n'exclut donc pas
l'animal de l'activité laborieuse.
Prêter à MARX cette conviction que l'homme seul travaille expose à un contresens.
D'autre part, il s'agit d'un point de départ : le travail qui sera ici exposé n'est pas sa forme complète, la forme qui lui
sera donnée par les différentes sortes d'organisation sociale et économique du travail.
Le texte se situe entre deux
époques : le travail commun aux vivants et le travail particulier de chaque forme sociale.
Il s'agit presque d'un type du
travail : "sous une forme qui appartient exclusivement à l'homme".
Le mot forme peut être relevé : la différence entre
le travail animal et le travail humain est de pure forme, - mais la forme fait toute la différence.
En effet, des insectes peuvent opérer à la semblance des hommes : une araignée, un abeille.
Deux insectes, mais aussi
deux modes de vie : la première vit seule, l'autre en collectivité organisée.
Il peut y avoir labeur sans collaboration
dans le monde animal ; le travail ne s'inscrit pas nécessairement dans une organisation sociale du travail ; il s'insère
dans un plan vital de la nature.
Ces exemples nous placent dans le monde du travail commun aux hommes et aux
animaux et ils nous livrent une première caractéristique de cette activité : il s'agit d'une opération.
Le travail opère : il
fait une oeuvre : ARISTOTE évoquait une poiesis; il ouvre une brèche dans la matière.
Travailler c'est entrer dans la
matière pour en sortir un objet.
Ces activités sont confondantes : les opérations de l'araignée : "ressemblent à celles du tisserand" ; "l'abeille confond".
Il semble que la proximité de ces activités animales de celles de l'homme soit une proximité mimétique et artificieuse.
Le
corps de métier qui requiert apprentissage, formation théorique et expérience professionnelle est doublé par une
activité animale spontanée, non réfléchie.
L'"habileté de plus d'un architecte" est troublée par la structure des alvéoles
de cire déjà évoquée par le Traité du vide de PASCAL.
Le travail des animaux est étonnant par la facilité et l'heureuse
surprise du résultat.
Mais l'activité de production reste extérieure.
Il y a quelque chose comme un tour de force dans
cette facilité des animaux à produite ; le vocabulaire de la doublure laisse déjà entendre que la ressemblance n'est
qu'extérieure.
Quelles sont alors les différences profondes, essentielles, entre les deux activités ?
------------------------------------------------------Une comparaison va permettre de trouver ces différences et de souligner ce en quoi le travail humain est exclusif.
Il ne faut pas beaucoup de réflexion pour s'apercevoir des différences ("ce qui distingue dès l'abord...").
Mettons dans
la balance un insecte et un homme.
Prenons, d'une part, un architecte et "le plus mauvais architecte" ; prenons,
d'autre part, l'abeille "la plus experte", - supposé que cette expression même ait un sens : toutes les abeilles sont peut.
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