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Kant: On ne flétrira pas leurs erreurs

Extrait du document

« ...On ne flétrira pas leurs erreurs (1) sous le nom d'absurdités, de jugements ineptes, etc., mais on supposera plutôt qu'il doit y avoir dans leurs opinions quelque chose de vrai, et on l'y cherchera; en même temps aussi, on s'appliquera à découvrir l'apparence qui les trompe (le principe subjectif des raisons déterminantes de leurs jugements, qu'ils prennent par mégarde pour quelque chose d'objectif) et, en expliquant ainsi la possibilité de leurs erreurs, on saura garder encore un certain respect pour leur intelligence. Si au contraire, on refuse toute intelligence à son adversaire, en traitant ses jugements d'absurdes ou d'ineptes, comment veut-on lui faire comprendre qu'il s'est trompé ? - Il en est de même des reproches à l'endroit du vice : il ne faut pas les pousser jusqu'à mépriser absolument l'homme vicieux et à lui refuser toute valeur morale; car, dans cette hypothèse, il ne saurait donc plus jamais devenir meilleur, ce qui ne s'accorde point avec l'idée de l'homme, lequel, à ce titre (comme être moral), ne peut jamais perdre toutes ses dispositions pour le bien. » KANT (1) Les erreurs des hommes.

QUESTIONNEMENT INDICATIF

• Pourquoi ne faut-il pas, selon Kant, flétrir les erreurs des hommes sous le nom d'absurdités, de jugements ineptes ? • Pourquoi faut-il, selon Kant, s'appliquer « à découvrir l'apparence qui les trompe »? • Que signifie « le principe subjectif des raisons déterminantes de leur jugement » ? • Quelle est la force du raisonnement par l'absurde opéré dans la deuxième phrase du texte ? • Quelle est l'importance, dans le raisonnement, de l'adverbe « absolument »? • Comment Kant s'y prend-il pour tenter de démontrer qu'il ne faut pas « pousser les reproches jusqu'à mépriser l'homme vicieux et lui refuser toute valeur morale »? • Ne pourrait-on soutenir que de tels jugements (ainsi que ceux qui flétrissent les erreurs sous le nom d'absurdités) sont des jugements à certains égards contradictoires ? • Quel est, finalement, l'enjeu de ce texte ?

 

« Texte : « On ne flétrira pas leurs erreurs sous le nom d'absurdités, de jugements ineptes, etc., mais on supposera plutôt qu'il doit y avoir dans leurs opinions quelque chose de vrai, et on l'y cherchera ; en même temps aussi, on s'appliquera à découvrir l'apparence qui les trompe (le principe subjectif des raisons déterminantes de leurs jugements, qu'ils prennent par mégarde pour quelque chose d'objectif) et, en expliquant ainsi la possibilité de leurs erreurs, on saura garder encore un certain respect pour leur intelligence.

Si au contraire, on refuse toute intelligence à son adversaire, en traitant ses jugements d'absurdes ou d'ineptes, comment veut-on lui faire comprendre qu'il s'est trompé ? — Il en est de même des reproches à l'endroit du vice : il ne faut pas les pousser jusqu'à mépriser absolument l'homme vicieux et à lui refuser toute valeur morale; car, dans cette hypothèse, il ne saurait donc plus jamais devenir meilleur, ce qui ne s'accorde point avec l'idée de l'homme, lequel, à ce titre (comme être moral), ne peut jamais perdre toutes ses dispositions pour le bien ». Introduction : Ce extrait tiré de la Doctrine de la vertu a pour fondement un interrogation sur la nécessité morale du respect de la dignité humaine et du devoir qui nous est fait en raison de l'impératif catégorique de respecter autrui. Il s'agit pour Kant, à travers deux exemples qui structurent le texte de montrer que nous devons toujours respecter autrui et sa valeur en tant qu'homme même s'il s'agit d'un homme dans l'erreur ou un homme vicieux et cela parce qu'il appartient à l'humanité.

C'est donc la nature raisonnable de l'homme qui fonde sa dignité et le respect de la personne morale.

Il y a donc une distinction nécessaire entre l'homme et le reste des étants et des choses.

Dès lors, même si un homme est bête ou profère des absurdités voire s'il est vicieux, je dois toujours lui témoigner mon respect tout en essayant de le remettre sur le droit chemin.

Il ne m'est donc pas permis de le mépriser ou de l'humilier.

Ainsi les deux parties de ce texte correspondent deux cas à jour : le mésusage intellectuel de la raison (du début du texte à « comment veut-on lui faire comprendre qu'il s'est trompé ? ») et le mésusage moral de la raison (de « Il en est de même des reproches à l'endroit du vice » à la fin de l'extrait).

C'est suivant ces deux moments que nous entendons rendre compte du texte. I – Le mésusage intellectuel de la raison a) Ayant déjà établi la thèse dans la Critique de la raison pratique selon laquelle « le respect s'applique toujours uniquement aux personnes jamais aux choses » et le fait que l'on doit toujours traiter l'homme « toujours en même temps comme fin et jamais simplement comme moyen » dans la Fondation de la métaphysique des mœurs, troisième formulation de l'impératif catégorique ; c'est bien la notion de respect qui se dégage ici particulièrement.

Or cette première partie nous place dans un premier exemple qui est le mésusage intellectuel de la raison.

Ainsi, on ne doit pas « flétrir » les erreurs des hommes.

Cela signifie simplement que l'absurdité et l'ineptie ne doivent pas nous faire renoncer à l'existence naturelle de la raison chez un homme quelque soit son degré.

Est absurde ce qui n'a pas de sens ; est inepte ce qui relève de la bêtise caractérisée.

Dans ces deux cas pratiques, on ne doit exclure l'autre en tant qu'il serait étranger à la raison.

En effet, malgré la qualification d'absurde, son discours n'est pas marqué par une absence totale de sens tout comme ses inepties.

Il y a une raison qui explique l'émergence chez cet homme de tels raisonnements.

Il ne faut pas faire un déni de raison à autrui.

Il s'agit de ne pas retirer la qualité d'homme c'està-dire le caractère raisonnable de l'homme au risque sinon de lui ôter toute valeur, c'est-à-dire tout respect donc la dignité humaine.

Dès lors le flétrissement doit se comprendre comme une analogie à la perte de dignité de l'homme. b) Afin d'éviter cela, il faut bien voir que l'homme est toujours un être raisonnable.

Dans ce cas, il convient de rechercher la cause de telles absurdités et des inepties.

Mais on ne saurait pas enlever le caractère raisonnable de l'homme.

Il fait partie de son essence et lui est intrinsèquement lié.

On doit alors constamment envisager et supposer qu'il y a un sens au moins sous-jacent ; une opinion originaire qui tire son existence d'un certain état de fait.

Il ne s'agit pas de l'œuvre d'un fou ou du délire.

C'est pourquoi il convient de saisir le vrai qui se cache dans les jugements.

Et c'est à partir de cela non seulement qu'un respect mutuel pourra être observer mais aussi que la vérité et le véritable savoir pourront se faire jour dans un dialogue qui aura tout de l'enseignement.

Cette supposition exige alors une posture éthique tout à fait remarquable dans la mesure où elle exige de chaque homme reconnaissance autrui comme homme raisonnable, c'est-à-dire lui accorde une valeur, une dignité et un respect intrinsèque à sa condition d'être humain.

Il faut donc saisir l'origine de leurs opinions, c'est-à-dire le fondement de leurs jugements subjectifs qu'ils prennent pour un véritable savoir donc un jugement objectif.

Ce balancement entre l'objectivité et la subjectivité renvoie à l'usage logique de la raison et à la distinction entre le savoir, la persuasion et l'opinion telle que Kant la met en exergue dans la Critique de la raison pure.

Cette posture éthique suppose alors un point de vue didactique.

En creux, on peut saisir l'exigence de faire triompher la raison mais aussi de faire sortir l'homme de sa tutelle naturelle et de sa minorité pour l'amener à la majorité comme on peut le voir dans Qu'est-ce que les Lumières ? Les absurdités sont énoncées sous couvert de la raison et trouve chez l'homme qui les énonce des raisons.

On ne peut donc supposer qu'il y a une certaine valeur dans son discours même s'il est dans l'erreur. Sauf le vicieux, l'homme ne cherche pas à se tromper volontairement.

On doit donc supposer une certaine valeur et une certaine cohérence à son discours bien qu'à nos yeux il soit dans l'erreur. c) L'erreur, quelle qu'elle soit, relève d'une singularité logique qui ne peut se comprendre dans un ensemble bien ordonné.

Et c'est bien pour cela qu'il y a « apparence ».

Il y a donc un décalage, une césure, entre la réalité et le discours produit sur cette réalité.

Essayer de comprendre c'est donc refuser d'humilier autrui mais surtout lui conserver pleinement sa dignité.

Cette attitude est donc éthique et conforme à l'impératif catégorique.

Il s'agit de. »

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