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Justice et charité ?

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« VOCABULAIRE: Justice: a) Juste reconnaissance du mérite et des droits de chacun. b) Caractère de ce qui est conforme au droit positif (légal) ou au droit naturel (légitime). Chez Platon et Aristote, la justice est la vertu essentielle qui permet l'harmonie de l'homme avec lui-même et avec ses concitoyens. De façon plus moderne, la justice se confond tantôt avec l'idéal du droit naturel, tantôt, comme institution d'un État, avec le droit positif. Nous venons de voir que la justice distributive devait, à l'occasion, atténuer sa règle de proportionnalité pour obéir à une exigence humaine plus impérieuse.

En fait si la justice est « un effort pour logiciser l'idéal, pour le réduire à un aspect quantitatif » (3), il faut bien remarquer qu'on ne peut « quantifier » que des choses.

L'éthique s'adresse à la personne, la stricte justice mathématique doit s'accomplir.

Aristote déjà avait senti, au-delà de la justice, la nécessité de la « philia » (sentiment de bienveillance qui anime les personnes les unes à l'égard des autres).

La justice se perd dans la « philia » qui l'enveloppe et la dépasse.

La charité, amour des personnes les unes pour les autres, est une philia chrétienne. a) OPPOSITION TRADITIONNELLE DE LA JUSTICE ET DE LA CHARITÉ 1° Tandis que la justice concerne des aspects objectivables de l'existence, régularise les échanges, les fonctions, instaure un système de droits et de devoirs réciproques, dé finissant ainsi les conditions d'une solidarité, la charité vise plutôt à instaurer une communauté de personnes (M.

Madinier définit la communauté « l'unité d'une société de personnes aimées et aimantes ou chacune tire son être et sa joie du don qu'elle fait d'elle-même à toutes les autres »).

D'où l'opposition entre l'universalité abstraite de la justice et le caractère concret et personnel de la charité.

La justice instaure une loi générale.

La charité inspire tel acte de dévouement envers telle personne.

La justice dit : « Pas plus à Pierre qu'à Paul », mais ne s'intéresse pas à ce qui est réellement, concrètement donné à chacun d'eux, tandis que la charité concerne les personnes singulières.

Comme dit Madinier : « La charité s'efforce de substituer à l'ordre des Lui, l'ordre des Toi et des Moi de façon à créer un véritable Nous ». 2° On présente souvent la justice comme purement négative (ne pas nuire à autrui) ou tout au plus réparatrice (payer ses dettes, c'est rétablir un équilibre antérieur).

La justice préserve un ordre social donné.

C'est un principe de conservation et d'équilibre.

Au contraire la charité serait seule positive et se proposerait de prendre autrui pour fin, de lui faire réellement du bien.

Au principe de justice « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fît », la charité préfère le principe positif : « Fais à autrui ce que tu voudrais qu'il te fît.

» 3° La charité seule exprime le désintéressement et la générosité absolus.

La justice en effet nous demande de ne pas réclamer plus que notre part, mais nous permet de revendiquer cette part qui nous est due.

Par là, la justice est en partie prisonnière des tendances, des besoins.

L'appel à la justice n'est pas toujours pur d'envie, de jalousie, d'agressivité.

Et dans le meilleur des cas, même si la justice revendicatrice n'est pas l'envieux « ressentiment », tout au plus serait-elle, suivant la formule de Madinier, « médiatrice entre l'égoïsme biologique et la charité ».

Car la charité ne fait pas de calcul.

Elle instaure le don, non le partage.

« Tandis que la justice consiste à donner à autrui ce qui est à lui, la charité consiste à donner ce qui est à soi.

» M.

Jankélévitch écrit à ce sujet : « Être juste, si c'est n'être que juste, c'est comme un habit qui habille juste et fait par suite étriqué et mesquin.

La justice économe habille juste sans nul battement ni bavure, ni marge de sécurité.

» En ce sens l'idéal de justice ne serait qu'un minimum moral, largement dépassé par la charité. 4° Mais dans ces conditions la charité — qui dépasse la justice et la raison — ne saurait être exigible.

Tandis que la justice est toujours fondée sur un droit, le don charitable va bien au-delà du droit exigible.

Le maître de la vigne, dans la célèbre parabole évangélique des ouvriers de la onzième heure, décide de donner le même salaire à ceux qui n'ont travaillé qu'une heure qu'à ceux qui sont aux champs depuis le petit jour.

Il est clair que cette charité faite aux ouvriers de la onzième heure n'était pas un dû.

Aussi certains concluent-ils que tandis que la justice est strictement nécessaire, la charité prendrait quelque apparence de gratuité.

Et les devoirs de charité ne pourraient être que larges, imprécis (rien ne détermine le nombre d'heures à passer au chevet d'un malade solitaire, par exemple). Cette opposition justice-charité peut se traduire en termes bergsoniens.

M.

Jankélévitch écrit par exemple : «la justice est à la charité comme le négatif au positif, ou comme le clos à l'ouvert, comme le bon sens conservateur à l'invention créatrice ».

Le thème de la justice se retrouve dans la morale sociale de Bergson, code utilitaire visant la conservation des sociétés closes, tandis qu'on reconnaît la charité dans l'appel du héros et du saint.

Dans cette perspective la justice incarnée en institutions et règles précises résulte des grandes innovations passées de l'élan charitable.

La justice c'est de la charité pétrifiée.

La charité c'est l'invention éthique saisie sur le vif de son élan. b) CRITIQUES RATIONALISTES ET SOCIALISTES Cette distinction de la justice et de la charité, qui semble solide et à première vue toute innocente, suscite cependant la méfiance et parfois l'indignation des rationalistes.. »

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