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Imaginer, est-ce la le bonheur ?

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« Vocabulaire: IMAGE - IMAGINATION - IMAGINAIRE L'image est, en psychologie, une représentation mentale d'objets non présents.

L'imagination est, dans la psychologie classique, une activité de l'esprit qui fabrique des combinaisons nouvelles d'images.

Pour Sartre (qui nie comme Alain la réalité de l'image mentale, reflet passif du réel) l'imagination, ou fonction imageante, n'est qu'une manière de viser un objet réel : le viser, l'« intentionner » comme n'étant pas là.

Est dit imaginaire, tout produit de l'imagination, en tant qu'il se distingue du réel.

L'esprit humain est doué de diverses facultés, l'intuition sensible, l'entendement et l'imagination : celle-ci permet aux hommes de se représenter mentalement des objets non présents, autrement dit de les imaginer.

Elle joue également un rôle essentiel dans l'invention, c'est-à-dire dans la production de fictions.

Mais quelle est la puissance créatrice de l'imagination ? Il semble que l'imagination est limitée aux objets que nous avons antérieurement perçus. BONHEUR: De bon et heur (terme dérivé du latin augurium, présage, chance).

État de complète satisfaction de tous les penchants humains. • Le bonheur se distingue du plaisir et de la joie, qui sont des émotions éphémères et toujours liées à un objet particulier.

• Dans les morales eudémonistes, le bonheur est la fin de l'action humaine.

Pour Kant, en revanche, c'est le respect de la loi morale qui doit orienter la volonté, et non la recherche du bonheur.

Car cette recherche est toujours déjà intéressée, égoïste donc contraire à la morale. Faculté des images, l'imagination donne du bonheur l'image d'une totale satisfaction de tous les désirs.

Cette image nous fournit-elle le modèle du bonheur ou bien n'est-elle qu'une image trompeuse qui nous abuserait en nous faisant croire qu'être heureux consiste à satisfaire tous nos désirs ? Car si le bonheur consiste en une telle satisfaction, alors il ne pourrait avoir lieu que dans un monde imaginaire au regard duquel le monde réel serait plutôt le lieu de l'insatisfaction.

L'homme est-il condamné au malheur, au quotidien, ne pouvant éprouver le bonheur qu'exceptionnellement quand il se laisse aller à imaginer, ou bien une autre faculté peut-elle lui faire connaître réellement un bonheur stable ? L'imagination se présente comme une faculté originale qui nous permet de dépasser les données immédiates de la perception qui ne nous satisfont pas toujours.

C'est bien parce que je suis insatisfait de ce qui est, que je vais imaginer que cela pourrait être autrement.

L'imagination apparaît donc comme une faculté thérapeutique qui permet de remédier à l'insatisfaction éprouvée dans le présent.

Comment donc agit-elle ? La définition proposée de l'imagination ne prétend pas définir cette faculté dans son sens théorique mais permet de penser tout de suite l'imagination en rapport avec le bonheur, rapport que le sujet invite à examiner.

La définition ne doit pas isoler un concept, mais an contraire doit permettre d'en rendre compte dans son rapport avec un autre concept présent dans la question. Imaginer, c'est l'acte par lequel l'esprit se transporte vers ce qui n'est plus, vers un passé absent qu'elle peut rendre présent.

En reproduisant et en évoquant le passé sous forme d'images, l'imagination permet de jouir pour toujours d'un passé qui a été heureux.

Par la réminiscence affective.

Épicure enseigne ainsi au vieil homme qu'il peut encore être heureux, malgré les souffrances et les angoisses dues à sa vieillesse (Lettre à Ménécée).

Imaginer, c'est donc pouvoir « éterniser des instants de bonheur, en évitant ce sentiment nostalgique et malheureux du regret, lié à la disparition d'un bonheur passé. La morale épicurienne, exprimée souvent par la maxime : carpe diem (cueille le jour, jouis du présent), n'est cependant pas une morale bornée à la ponctualité de l'instant présent.

Les instants de bonheur sont recueillis, médités et savourés par la réminiscence affective qui permet d'assurer au bonheur une continuité dans le temps grâce aux images qui reproduisent en l'esprit un passé heureux. Ce bonheur que nous fournit l'imagination reproductrice peut être même plus intense que le bonheur vécu dans le présent.

Proust a bien décrit cette imperfection du présent qui fuit irrésistiblement et qui empêche que nous puissions le goûter pleinement.

Imaginer, c'est bien là le bonheur.

Le lieu du bonheur est dans la mémoire peuplée des images de l'imagination, des images dont on peut jouir en toute sérénité.

Imaginer, c'est assigner un lieu sûr au bonheur, sur lequel le temps n'a pas de prise : la mémoire.

Ce bonheur devient béatitude puisqu'il n'est plus soumis au temps qui le rendait fugace.

On est bien plus qu'heureux, on est bienheureux.

Mais ce suprême bonheur, dû à l'imagination qui intensifie le passé, n'est-il pas déjà l'indice du pouvoir de création de l'imagination ? En effet, l'imagination est aussi créatrice.

Elle transcende le présent vers l'avenir en formant des images de ce qui n'est pas encore.

C'est grâce à l'imagination que je peux me projeter dans l'avenir, l'envisager comme j'aimerais qu'il soit, à la hauteur de mes désirs.

L'imagination s'ouvre ainsi sur le temps de l'avertir qui est aussi le temps de la liberté.

L'imagination devient la faculté du projet par lequel je forme le modèle possible d'une réalité plus satisfaisante.

Imaginer permettrait de voir le possible par-delà le réel.

Ainsi, l'imagination d'un modèle de société, où tous les hommes seraient heureux, permet de mobiliser les volontés humaines dans le sens de cet idéal et d'aménager la réalité sociale en fonction de ce modèle.

Sollicitée par l'imagination, l'énergie humaine devient créatrice et novatrice à l'infini, cherchant à faire advenir une réalité meilleure et plus heureuse. Comment alors ne pas se laisser aller à imaginer, si l'imagination nous conduit au bonheur ? Mais est-ce bien là le vrai bonheur ? L'imagination ne nous abuse-t-elle pas en se faisant passer pour remède alors qu'elle est peut-être avant tout poison ? Toute biographie est une pathographie », dit Schopenhauer en liant inexorablement la vie à la souffrance due à la présence des désirs.

L'homme e peut pas ne pas être animé de désirs qui excèdent toujours ce que le réel peut lui fournir.

Or, n'est-ce pas l'imagination qui nous fait désirer ? Les objets de nos désirs sont des produits de l'imagination car ce que nous désirons, c'est ce qui nous manque, et ce qui nous manque résulte du pouvoir de l'imagination de fabriquer des images de choses absentes ou irréelles.

Par exemple, c'est parce qu'on imagine une femme idéale réunissant toutes les qualités possibles que l'on peut faire l'expérience d'un manque.

Car la réalité e manque pas de femmes, mais elle manque de la femme idéale dont l'imagination nous fournit une image.

Ce que je désire, c'est cet idéal imaginaire que jamais la réalité ne pourra satisfaire.

Le malheur provient donc de l'impossibilité de satisfaire le désir d'idéal qu'enfante l'imagination. Dans ce cas, loin d'être un remède, l'imagination serait un poison car en nous faisant désirer l'idéal, elle nous fait désirer l'impossible.

Et c'est parce que nous désirons l'idéal que le réel nous paraît pauvre et insatisfaisant.

L'imagination endeuille le réel qui n'est plus que le lieu de l'insatisfaction, de la déception, de la désillusion.

La femme la plus parfaite ne correspondra jamais à la perfection idéale.

L'insatisfaction est, en fait, enfantée par l'imagination qui ne se satisfait jamais du réel tel qu'il est.

L'exemple le plus caractéristique de cette insatisfaction liée à l'imagination est peut-être incarné dans le personnage tragique de Madame Bovary qui, nourrie dans sa jeunesse par des lectures romantiques comme celle de Paul et Virginie, recherchera désespérément durant toute son existence un tel amour romantique, porté à l'absolu par le pouvoir créatif de l'imagination, au regard duquel son mariage avec Charles Bovary ne sera pour elle que l'expérience d'une déception et (d'une insatisfaction qui la conduira au suicide.

Vivant dans un schéma imaginaire, elle échoue à vivre heureuse dans la réalité qui n'est pour elle que le lieu de la désillusion et de la souffrance engendrées par un désir et une soif d'absolu jamais satisfaits. Pour répondre à cette insatisfaction, l'imagination nous fournit un modèle du bonheur qui consisterait en une totale satisfaction de nos désirs.

Quelle est la valeur de ce modèle ? Les sophistes proposèrent ce modèle comme l'idéal d'une vie heureuse.

Mais cet idéal repose sur l'ignorance que la plupart de nos désirs sont impossibles à satisfaire : le désir d'immortalité, le désir de réussite qui dévore l'ambitieux ne seront jamais satisfaits ; ce sont des désirs insatiables qu'on ne peut pas plus satisfaire qu'on ne peut « remplir des tonneaux percés avec un crible troué de même » (Platon, Gorgias). « Gorgias : Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien, je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer.

Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer.

Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela.

C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire.

La masse déclare donc bien haut que le dérèglement est une vilaine chose.

C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Socrate : Mais, tout de même la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ![...] En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante.

Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux.

Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses.

Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on obtient qu'au terme de maints travaux pénibles.

Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille.

L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines.

Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? [...] Gorgias : Tu ne me convaincs pas, Socrate.

Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a plus aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre.

S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine.

Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et reverse autant qu'on peut dans son tonneau ! » Platon, « Gorgias ». En outre, il repose sur l'ignorance que certains désirs peuvent engendrer plus de peines que de plaisirs. Pour ne pas être malheureux, il faut renoncer à cette image du bonheur, image fascinante et séduisante mais image trompeuse, illusoire qui fait croire à l'homme que le bonheur réside dans la satisfaction de tous ses désirs. Renoncer à ce modèle du bonheur est nécessaire pour ne pas se rendre malheureux.

Mais suffit-il de ne pas être malheureux, en se refusant d'imaginer, pour être, alors et de fait, heureux ? Descartes prescrit comme maxime du bonheur de « changer ses désirs plutôt que l'ordre du monde » (Le Discours de la méthode, III).

Il ne s'agit pas de nier le désir mais de distinguer clairement ce qui dépend de moi de ce qui n'en dépend pas.

La raison est la faculté qui opère cette distinction, prescrivant de ne désirer que ce qui dépend de moi pour être "content".

Cette sagesse inspirée de la pensée stoïcienne propose un modèle possible du bonheur grâce à la raison.. »

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