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Hobbes: Hors de l'état civil

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Hors de l'état civil, chacun jouit sans doute d'une liberté entière, mais stérile ; car, s'il a la liberté de faire tout ce qu'il lui plaît, il est en revanche, puisque les autres ont la même liberté, exposé à subir tout ce qu'il leur plaît. Mais, une fois la société civile constituée, chaque citoyen ne conserve qu'autant de liberté qu'il lui en faut pour vivre bien et vivre en paix, de même les autres perdent de leur liberté juste ce qu'il faut pour qu'ils ne soient plus à redouter. Hors de la société civile, chacun a un droit sur toutes choses, si bien qu'il ne peut néanmoins jouir d'aucune. Dans une société civile par contre, chacun jouit en toute sécurité d'un droit limité. Hors de la société civile, tout homme peut être dépouillé et tué par n'importe quel autre. Dans une société civile, il ne peut plus l'être que par un seul. Hors de la société civile, nous n'avons pour nous protéger que nos propres forces ; dans une société civile, nous avons celles de tous. Hors de la société civile, personne n'est assuré de jouir des fruits de son industrie ; dans une société civile, tous le sont. On ne trouve enfin hors de la société civile que l'empire des passions, la guerre, la crainte, la pauvreté, la laideur, la solitude, la barbarie, l'ignorance et la férocité ; dans une société civile, on voit, sous l'empire de la raison, régner la paix, la sécurité, l'abondance, la beauté, la sociabilité, la politesse, le savoir et la bienveillance. Il est vrai que hors de la société civile chacun jouit d'une liberté très entière, mais qui est infructueuse, parce que comme elle donne le privilège de faire tout ce que bon nous semble, aussi elle laisse aux autres la puissance de nous faire souffrir tout ce qu'il leur plaît. Mais dans le gouvernement d'un État bien établi, chaque particulier ne se réserve qu'autant de liberté qu'il lui en faut pour vivre commodément, et en une parfaite tranquillité, comme on n'en ôte aux autres que ce dont ils seraient à craindre. Hors de la société, chacun a tellement droit sur toutes choses, qu'il ne s'en peut prévaloir et n'a la possession d'aucune ; mais dans la république, chacun jouit paisiblement de son droit particulier. Hors de la société civile, ce n'est qu'un continuel brigandage et on est exposé à la violence de tous ceux qui voudront nous ôter les biens et la vie ; mais dans l'État, cette puissance n'appartient qu'à un seul. Hors du commerce des hommes, nous n'avons que nos propres forces qui nous servent de protection, mais dans une ville, nous recevons le secours de tous nos concitoyens. Hors de la société, l'adresse et l'industrie sont de nul fruit : mais dans un État, rien ne manque à ceux qui s'évertuent. Enfin, hors de la société civile, les passions règnent, la guerre est éternelle, la pauvreté est insurmontable, la crainte ne nous abandonne jamais, les horreurs de la solitude nous persécutent, la misère nous accable, la barbarie, l'ignorance et la brutalité nous ôtent toutes les douceurs de la vie ; mais dans l'ordre du gouvernement, la raison exerce son empire, la paix revient au monde, la sûreté publique est rétablie, les richesses abondent, on goûte les charmes de la conversation, on voit ressusciter les arts, fleurir les sciences, la bienséance est rendue à toutes nos actions et nous ne vivons plus ignorants des lois de l'amitié. Thomas HOBBES

« Texte de Hobbes : Dès le début du XV Ième siècle, une crise religieuse entraîne la remise en question de la légitimité du pouvoir et de l'organisation de la société.

C e qui est remis en cause c'est bien l'obéissance qui vient d'une perte de valeur.

C'est pourquoi des penseurs comme Hobbes, Spinoza, Rousseau se sont efforcés de construire une théorie rationnelle de l'état.

Il s'agit dans ce texte de montrer que la société civile est la meilleure solution, qu'elle apporte paix et bonheur. C omment Hobbes s'y prend-il? Qu'est-ce qui permet de dire que la société est meilleure? Meilleure à quoi? Il est possible de décomposer le texte en trois grandes parties : dans la première, Hobbes établit des contradictions au sein même des phrases, le rythme est rapide, puis dans une deuxième partie il décrit l'état "hors de la société civile" plus longuement, avant de s'attarder sur "l'ordre du gouvernement". I Comparaison entre société civile et état de nature Pour montrer pourquoi la société est à accepter, Hobbes la met en comparaison avec l'état de nature de l'homme.

Le terme de nature n'est pas cité ici, mais il est sous-entendu : Hobbes définit en effet l'état de nature comme étant antérieur à l'état social, c'est-à-dire à cet acte par lequel les hommes se donnent un souverain qui fait des lois, impose ainsi un certain ordre collectif et instaure l'état social.

L'état des hommes hors de la société civile est une hypothèse qui permet de discerner le genre de vie qui prévaudrait s'il n'existait pas de pouvoir d'un gouvernement. On pourrait d'ailleurs remarquer ici que Hobbes donne de l'état de nature une définition purement négative, par abstraction de tout ce qui, en l'homme, relève de la société.

" hors de la société civile, "hors du commerce des hommes", "hors de la société." C 'est ainsi, par exemple, que Rousseau opère dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes : il faut, écrit-il dans sa préface, examiner l'homme par la pensée et ainsi "démêler ce qu'il tient de son propre fonds d'avec ce que les circonstances et ses progrès ont ajouté ou changé à son état primitif". C e qui ressort de ce premier mouvement, c'est bien la différence entre un état où l'individualité n'est pas protégée, ni favorisée alors que dans la société, la multitude des hommes permet la sécurité, l'abondance. II L'état de nature comme règne des passions Hobbes s'oppose à la tradition aristotélicienne selon laquelle l'homme est un animal naturellement social. En absence de société civile, les hommes s'affrontent en raison même de leur nature.

C haque individu, possédant par nature les mêmes forces, les mêmes besoins, le même droit de se défendre, cherche à atteindre ses fins : la conservation et même l'agrément.

Donc "les passions règnent." Or dit Hobbes, dans le Léviathan, " si deux individus désirent la même chose alors qu'il n'est pas possible qu'ils en jouissent tous les deux, ils deviennent des ennemis." Les individus sont donc autant de forces se redoutant mutuellement et la défiance engendre la guerre.

L'état naturel est donc un état de "guerre éternelle" qui est la conséquence nécessaire des passions naturelles des hommes et, par conséquent, à cet état tout est préférable : "nous ôtent toutes les douceurs de la vie".

La vie ne vaut pas d'être vécue dans cet état.

On ne saurait payer trop cher pour mettre fin à la guerre, même s'il faut, pour cela, renoncer à la liberté. III Le gouvernement est le domaine de la raison Seul un artifice qui est le contrat permet de sortir de cet état de guerre.

C e contrat est un acte rationnel par lequel chacun cède le droit qu'il a sur toutes choses, reconnaissant que c'est ce qui fait son malheur et qu'en agissant ainsi, il fait cesser la guerre.

L'état résulte donc de cette cession du pouvoir du plus grand nombre à un seul homme ou à une seule assemblée, que Hobbes compare au Léviathan biblique( voir Livre de Job, ancien testament).

" mais dans l'état, cette puissance n'appartient qu'à un seul." Il n'y a plus qu'un seul homme qui désormais peut contraindre toutes les autres volontés individuelles. Le rôle de l'État sera donc non pas de rendre l'homme vertueux, mais de sauvegarder son droit naturel à la vie.

Par ailleurs la "vie bonne" que les hommes espèrent atteindre en se regroupant dans une société civile n'est pas une vie d'excellence définie de façon morale et téléologique, mais une vie confortable, qui constitue la récompense du dur labeur : "dans un État, rien ne manque à ceux qui s'évertuent".

La fonction de l'État sera par conséquent aussi d'assurer aux citoyens, autant qu'il est possible, confort.

Elle permet même aux hommes de retrouver le plaisir de vivre ensemble " on goût les charme de la conversation." "et nous ne vivons plus ignorants des lois de l'amitié." Hobbes est donc l'un des premiers a comprendre la nécessité de revenir à un état de nature, un état "hors société" pour refonder la légitimité du pouvoir et de l'état.

Pour lui, les hommes, par nature et en l'absence de tout pouvoir coercitif, poursuivent la satisfaction de leur passion et sont enclins à la guerre de chacun contre chacun.

Tous ont en effet la liberté et le droit de faire ce qu'ils ont envie.

L'état de nature est un état de peur perpétuelle et la méfiance empêche aux hommes de se côtoyer.

La vie dépérit. Par un acte volontaire et rationnel, les hommes préfèrent par un contrat social, déléguer leur force à un pouvoir souverain dont la tâche est de maintenir coûte que coûte la paix civile et assurer le droit à la vie de chacun. HOBBES (Thomas).

Né à Malmesbury en 1588, mort à Hardwick en 1679. Il fit ses études à Oxford et devint précepteur du jeune comte de Devonshire qui, plus tard, devait lui confier aussi l'éducation de son propre fils.

Il fit deux longs voyages en Europe, vécut à P aris de 1640 à 1651, y fréquenta le P.

Mersenne, puis rentra en A ngleterre.

La C hambre des Communes exigea qu'il ne publiât plus aucun livre, après avoir vivement attaqué Léviathan en 1667.

La fin de la vie de Hobbes fut occupée par des controverses avec les mathématiciens.

— L'oeuvre de Hobbes est une théorie et une apologie fort logiques du despotisme.

Toutes les substances sont corporelles et la vie est mouvement.

Le désir, fondement du monde animal, est égoïste et guidé par l'intérêt.

Il n'y a ni amour ni accord possible entre les hommes ; ceux-ci sont naturellement insociables et méchants.

L'état de nature, c'est la guerre de tous contre tous.

Mai les hommes, qui considèrent que la paix est le plus grand des biens, confèrent tous leurs droits à un seul souverain.

Ils remplacent l'ordre mécaniste naturel par un ordre mécaniste artificiel, qui leur convient mieux : c'est l'État.

Le salut de l'État s'identifie avec le salut du souverain.

La souveraineté absolue d'un seul homme crée un déséquilibre qui assure la stabilité. Le souverain établit les lois et définit la justice, se plaçant ainsi au-dessus d'elles.

Le bien et le mal dépendent de ses décisions ; la vraie religion est celle qu'il autorise.

Ainsi, les hommes sont libres et heureux, puisqu'ils peuvent agir à leur gré dans le cadre des lois.

Le souverain absolu n'est pas un tyran arbitraire le tyran est l'esclave de ses passions, alors que le souverain en est délivré par le caractère absolu de son pouvoir.

C ar les passions résultent de la finitude humaine.

En somme, le pouvoir du souverain est légitime parce qu'absolu.

La pensée de Hobbes a eu une influence incontestable sur Hegel.. »

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