HOBBES
Extrait du document
«
« Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette
condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun.
Car la guerre ne consiste pas
seulement dans la bataille et les combats effectifs ; mais dans un espace de temps où la volonté de s'affronter en des
batailles est suffisamment avérée : on doit par conséquent tenir compte, relativement à la nature de la guerre, de la
notion de durée, comme on tient compte, relativement à la nature, du temps qu'il fait.
De même en effet que la nature
du mauvais temps ne réside pas dans une ou deux averses mais dans une tendance qui va dans ce sens, pendant un grand
nombre de jours consécutifs, de même la nature de la guerre ne consiste pas dans un combat effectif, mais dans une
disposition avérée, allant dans ce sens, aussi longtemps qu'il n'y a pas d'assurance du contraire.
Tout autre temps se
nomme paix.
» HOBBES
Hobbes, dans ce texte, définit la guerre d'une manière qui peut étonner car sa définition ne rejoint pas c elle que l'on a
habituellement.
C e contraste commande l'ordre de ses idées.
Définition négative : la guerre n'est pas seulement l'acte violent qui oppose l e s hommes, "bataille" ou "combats
effectifs".
C es actes sont momentanés et objectivement repérables .
Définition positive : la guerre est la disposition avérée des volontés à s 'affronter en batailles.
C es volontés, le texte le
précise, sont celles de "chac un contre chac un" Elle consiste plus en une manière d'être vis-à-vis des autres que dans
les ac tes qui la traduisent.
O r une manière d'être est une tendance qui peut rester longtemps latente avant de pas ser à
l'acte.
Ins ister sur l'opposition des termes : "momentanés""longtemps" et "objectivement repérables""latente".
C ons équence : il faut pour définir la guerre introduire "la notion de durée" ou "espace de temps".
Éclaircissement de cette dimension de la définition par une analogie avec la nature.
C e que l'on appelle "mauvais temps " ne réside pas uniquement dans
le fait d"une avers e ou deux averses", mais dans la "tendance" météorologique qui promet d'éventuelles averses.
C e qui est vrai de la nature est
applic able à notre sujet : de même, la guerre n'est pas le combat de fait, mais la tendance des volontés à éclater éventuellement en combats, que Hobbes
désigne par le terme "disposition".
M ais poursuivons l'analogie : de même que la tendance au mauvais temps ne dure pas indéfiniment, la disposition à la guerre peut prendre fin.
A quelles
conditions ? Le texte répond : "aussi longtemps qu'il n'y a pas d'assurance du contraire".
Quel est le s ens de cette expression ? Le début du texte le
révèle : ce qui assure du contraire de l'état de guerre, c'est "un pouvoir commun qui les tiennent tous en respect".
La c ondition nécessaire au passage à
un temps de paix est donc la contrainte qu'exerc e sur chacun des hommes un pouvoir qui s'impose à tous.
C ons équence s ur la condition de l'homme : chaque individu a en lui une disposition à la guerre contre autrui, et seul "un pouvoir commun" peut réfréner
cette disposition pour que s'instaure l'état durable de paix.
P our dégager l'intérêt philosophique de ce texte, s'étonner devant le contraste qu'il présente par rapport à ce qu'on pense c ommunément.
Il est vrai que
ce qu'on appelle "guerre" communément se réduit aux hostilités où s'affrontent des États ou les parties d'un peuple quand il s'agit de guerre civile.
O r
l'auteur de ce texte la définit comme une disposition durable qui oppose c h a c u n à c hacun.
Il s'agit donc d'une agressivité rentrée et latente qui est
susceptible d'éclater en combats à tout moment.
La violence ne serait donc pas un acc ident dans le parcours de l'histoire des hommes, mais un carac tère
essentiel de l'individu.
O n peut donc rapprocher l'idée de ce texte des recherches de Freud, par exemple, qui met en lumière la présence "en l'homme de
pulsions agressives.
"L'H omme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agres sion aux dépens de son proc hain."
Lire : Freud, Malaise dans la civilis ation.
M ais l'agressivité comme tendanc e ou instinct doit-elle être confondue avec la violenc e ? Si l'on appelle violence le pas sage à l'acte par lequel se traduit
l'agressivité, la "guerre", comme la définit Hobbes, est davantage agressivité, alors que la guerre telle qu'on l'entend communément es t violence.
P oser la question de l'origine.
D'où vient cette agressivité ? Le texte n'indique rien sur son origine, bien qu'on comprenne qu'elle se développe dans le
milieu social avant que ne soit instauré un pouvoir capable de s'imposer à tous.
La question se pose donc de savoir si l'agressivité est "naturelle" ou si
elle est d'origine sociale.
Sur ce point on se rappelle la thèse de Rousseau sur la bonté de l'homme à l'état de nature, bonté non pas raisonnée, ni morale,
mais originelle et naturelle qu'accompagne le s entiment de pitié.
S'il en est ains i, c'est la vie en société qui va engendrer le désir de nuire, de se faire
valoir, de l'emporter sur les autres et de les dominer.
Lire : Rousseau : Discours sur l'origine et le fondement de l'inégalité parmi les hommes.
Lire : Hobbes, Léviathan.
P oser la question des conditions de la paix.
O n se trouve alors devant un paradoxe.
A lors que la vie en société suppose la paix, du moins une paix
relative, elle engendrerait la guerre.
C omment dans ces c onditions maîtriser l'agressivité des individus et garantir la paix s ociale ? Pour Hobbes, c ette
question est fondamentale, c 'est la question politique.
La paix ne s era assurée que par un pouvoir fort qui doit s'imposer à tous, nécessairement, sinon il
ne serait qu'une partie en guerre c ontre une autre.
C ette idée sert de fondement justifiant l'instauration de l'État dans les sociétés modernes.
A bandonner
ses droits naturels et les transmettre au Léviathan pour qu'il exerce ce pouvoir, tel est le prix à payer pour avoir la paix.
S'interroger d'une manière critique.
Il faudrait encore être sûr que le pouvoir de l'État lui-même n'est pas une violence à l'égard des citoyens.
C eci pose la
question des conditions de sa légitimité.
Lire : Rousseau, Du contrat social.
Et même au-delà de la question de sa légitimité, celle de la justification de son existence, question posée par M arx et l'anarchisme.
Lire : Daniel Guérin, L'anarchisme.
HOBBES (Thomas).
Né à Malmesbury en 1588, mort à Hardwick en 1679.
Il fit ses études à O xford et devint précepteur du jeune comte de Devonshire qui, plus tard, devait lui confier aus si l'éducation de son propre fils.
Il fit deux
longs voyages en Europe, vécut à Paris de 1640 à 1651, y fréquenta le P .
M ersenne, puis rentra en A ngleterre.
La C hambre des C ommunes exigea qu'il ne
publiât plus aucun livre, après avoir vivement attaqué Léviathan en 1 6 6 7 .
L a fin de la vie d e Hobbes fut o c c u p é e par des controverses avec les
mathématiciens.
— L'oeuvre de H o b b e s e s t une théorie et une apologie fort logiques du despotisme.
T outes les substanc e s s ont corporelles e t l a v i e e s t
mouvement.
Le désir, fondement du monde animal, est égoïste et guidé par l'intérêt.
Il n'y a ni amour ni accord possible entre les hommes ; ceux-ci sont
naturellement insoc iables et méchants.
L'état de nature, c'est la guerre de tous contre tous.
M ai les hommes, qui considèrent que la paix es t le plus grand des
biens, confèrent tous leurs droits à un seul souverain.
Ils remplacent l'ordre mécaniste naturel par un ordre mécaniste artificiel, qui leur convient mieux : c'est
l'État.
Le salut de l'État s'identifie avec le salut du souverain.
La souveraineté absolue d'un seul homme c rée un déséquilibre qui assure la stabilité.
Le
souverain établit les lois et définit la justice, se plaçant ainsi au-dessus d'elles.
Le bien et le mal dépendent de ses déc isions ; la vraie religion est celle qu'il
autorise.
A insi, les hommes sont libres et heureux, puisqu'ils peuvent agir à leur gré dans le cadre des lois .
Le souverain absolu n'est pas un tyran arbitraire le
tyran est l'esc lave de s es passions, alors que le souverain en est délivré par le caractère absolu de son pouvoir.
C ar les passions résultent de la finitude
humaine.
En somme, le pouvoir du souverain est légitime parce qu'absolu.
La pensée de Hobbes a eu une influence incontestable s ur H egel..
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