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HOBBES

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Celui dont les désirs ont atteint leur terme ne peut pas davantage vivre que celui chez qui les sensations et les imaginations sont arrêtées. La félicité est une continuelle marche en avant du désir, d'un objet à un autre, la saisie du premier n'étant encore que la route qui mène au second. La cause en est que l'objet du désir de l'homme n'est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur. Aussi les actions volontaires et les inclinations de tous les hommes ne tendent-elles pas seulement à leur procurer, mais aussi à leur assurer une vie satisfaite. Elles diffèrent seulement dans la route qu'elles prennent : ce qui vient, pour une part, de la diversité des passions chez les divers individus, et, pour une autre part, de la différence touchant la connaissance ou l'opinion qu'a chacun des causes qui produisent l'effet désiré. Aussi, je mets au premier rang, à titre d'inclination générale de toute l'humanité, un désir perpétuel et sans trêve d'acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à la mort. La cause n'en est pas toujours qu'on espère un plaisir plus intense que celui qu'on a déjà réussi à atteindre, ou qu'on ne peut pas se contenter d'un pouvoir modéré : mais plutôt qu'on ne peut pas rendre sûrs, sinon en en acquérant davantage, le pouvoir et les moyens dont dépend le bien-être qu'on possède présentement. HOBBES

« Celui dont les désirs ont atteint leur terme ne peut pas davantage vivre que celui chez qui les sensations et les imaginations sont arrêtées.

La félicité est une continuelle marche en avant du désir, d'un objet à un autre, la saisie du premier n'étant encore que la route qui mène au second.

La cause en est que l'objet du désir de l'homme n'est pas de jouir une seule fois et pendant un seul instant, mais de rendre à jamais sûre la route de son désir futur.

Aussi les actions volontaires et les inclinations de tous les hommes ne tendent-elles pas seulement à leur procurer, mais aussi à leur assurer une vie satisfaite.

Elles diffèrent seulement dans la route qu'elles prennent : ce qui vient, pour une part, de la diversité des passions chez les divers individus, et, pour une autre part, de la différence touchant la connaissance ou l'opinion qu'a chacun des causes qui produisent l'effet désiré. Aussi, je mets au premier rang, à titre d'inclination générale de toute l'humanité, un désir perpétuel et sans trêve d'acquérir pouvoir après pouvoir, désir qui ne cesse qu'à la mort.

La cause n'en est pas toujours qu'on espère un plaisir plus intense que celui qu'on a déjà réussi à atteindre, ou qu'on ne peut pas se contenter d'un pouvoir modéré : mais plutôt qu'on ne peut pas rendre sûrs, sinon en en acquérant davantage, le pouvoir et les moyens dont dépend le bienêtre qu'on possède présentement. Introduction L'insatisfaction chronique de l'homme est un thème récurrent de la philosophie; d'Épicure à Pascal, les philosophes tentent de conseiller le repos de l'âme, la sérénité plutôt que cette spirale du désir, des passions.

Hobbes ici ne conseille rien mais diagnostique.

Il dissèque la structure du désir humain pour en découvrir les motifs cachés.

Cet examen lui permet d'établir un lien entre le désir de bonheur et la soif de pouvoir qui semble en être le corollaire inévitable. Nous analyserons la façon dont Hobbes démonte la structure du désir en mettant en évidence l'idée d'une course sans but réel, dans laquelle tous les buts sont transitoires et uniquement destinés à préparer d'autres buts. Étude ordonnée et intérêt philosophique Le texte commence par l'affirmation d'un axiome premier : l'homme est un être de désir.

Toute la suite du texte consistera à expliciter le sens et la nature de ce désir.

L'homme est un être de désir, c'est-à-dire que la conscience ne consiste pas seulement à se représenter le monde, mais aussi et surtout à s'y projeter pour atteindre l'objet de ses désirs.

Nous ne considérons pas les objets de façon neutre mais en tant que désirables ou nuisibles.

C'est pourquoi Hobbes peut affirmer que l'homme satisfait, qui cesserait d'être acteur pour seulement jouir du spectacle du monde, renoncerait presque à la vie elle-même. Mais alors, que désirons-nous ? Hobbes ne nomme pas d'objet particulier du désir, pour la bonne raison que les objets que nous désirons sont secondaires.

C'est la première surprise de ce texte : pour Hobbes, nous ne désirons pas telle ou telle chose, nous désirons pouvoir continuer à désirer; si bien que nulle satisfaction ne vaut en soi, mais seulement comme tremplin en vue de la suivante. Ici Hobbes introduit un degré supplémentaire de complexité dans son analyse : pour pouvoir désirer encore, il faut assurer la possibilité du désir.

Et c'est la seconde surprise du texte par rapport à la conception commune : selon Hobbes, non seulement les satisfactions sont provisoires, mais la plupart de nos actes ne visent pas l'obtention d'une satisfaction mais seulement l'obtention des conditions de la satisfaction.

Telle est l'inquiétude de l'esprit humain face au temps, que la « procuration » d'une vie satisfaite est subordonnée à son « assurance ».

La justesse de cette analyse peut être confirmée si l'on pense au report permanent du moment où un homme accepte de « profiter de la vie » : tout le temps qui précède est occupé par des efforts destinés à « assurer l'avenir » en termes d'épargne, de relations, de responsabilités, etc. Après avoir ainsi analysé le désir central commun à tous les hommes, Hobbes ouvre une brève parenthèse pour expliquer la diversité des conduites sous lesquelles cette inquiétude universelle se déguise : les existences semblent mues par des désirs très différents parce que les objets particuliers visés par nos actions sont différents et que les avis divergent sur les moyens à employer pour obtenir tel ou tel effet. Ce qui frappe ici c'est la neutralité du ton de Hobbes : un peu plus tard, Rousseau évoquera l'inquiétude de l'âme avec le pathétique que l'on sait; Hobbes ne déplore ni ne loue cette attitude, il l'observe pour en déduire la fine pointe : la « marche en avant du désir », en déviant vers l'obtention des conditions du désir, prend la forme de la volonté de puissance.

Cela explique — même si Hobbes ne le dit pas explicitement dans ce texte — pourquoi l'homme peut être un loup pour l'homme.

Ce lien est renforcé par une autre allusion indirecte : ce désir « ne cesse qu'à la mort ».

On pourrait ajouter qu'il ne peut être modéré que par la crainte de la mort : telle est bien l'arme suprême de l'État, détenteur exclusif de la violence légale, pour obtenir une régulation des désirs de puissance.

Le désir d'acquérir « pouvoir après pouvoir » subsiste donc mais devra prendre une forme modérée au sein de l'État. Hobbes apporte enfin une nuance importante à cette thèse de la volonté de puissance : elle ne doit pas forger l'image d'un être ivre de domination ou de jouissance, dévoré par l'ambition.

Le trait serait forcé.

En fait le pouvoir n'est pas non plus un but en soi, il ne fait que répondre au souci de sécurité, au besoin de se garantir contre la précarité. L'individu semble lancé dans une course qu'il ne veut que partiellement et dont il ne domine pas consciemment le. »

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