HOBBES
Extrait du document
«
« Une doctrine inconciliable avec la société civile, c'est que chaque
fois qu'un homme agit contre sa conscience, c'est une faute.
Cette
doctrine repose sur la présomption par laquelle on se fait soi-même
juge du bien et du mal.
En effet, la conscience d'un homme et son
jugement, c'est tout un.
Et la conscience, comme le jugement, peut
être erronée.
En conséquence, encore que celui qui n'est pas
assujetti à la loi civile commette une faute chaque fois qu'il agit
contre sa conscience (puisqu'il n'a pas d'autre règle à suivre que sa
propre raison), il n'en va pas de même de celui qui vit dans une
République, car la loi est alors la conscience publique, par laquelle il
a antérieurement accepté d'être guidé.
S'il n'en est pas ainsi, étant
donné la diversité des consciences privées, qui ne sont rien d'autre
que des opinions privées, la République sera nécessairement
divisée, et nul ne s'aventurera à obéir au pouvoir souverain au-delà
de ce qui aura trouvé grâce à ses propres yeux.» HOBBES
NOTIONS EN JEU
Le devoir et le bonheur; la morale; le droit et la politique.
THÈSE ADVERSE
On peut en appeler à la conscience morale contre la loi.
PROCÉDÉS D'ARGUMENTATION
Hobbes veut montrer que la loi doit se substituer à la conscience morale si l'on veut garantir la stabilité et l'unité
de l'État.
II procède par une réfutation par les conséquences : si l'on n'obéit qu'aux lois qui conviennent à notre
propre conception individuelle du bien, la république sera nécessairement divisée.
Le texte progresse de manière
logique, sans questionnement moral et sans jugement de valeur, bien qu'il porte sur la justice et sur la morale.
DÉCOUPAGE DU TEXTE ET IDÉES PRINCIPALES
Dans une première partie (jusqu'à « erronée »), Hobbes pose sa thèse et définit la conscience morale.
Hobbes procède ensuite à l'examen du champ de légitimité de la conscience morale, et en déduit une
incompatibilité logique entre la prévalence de la conscience morale et l'état civil (de « En conséquence » à « être
guidé »).
La nécessité, pour le citoyen, d'abandonner sa conscience privée au profit de la conscience publique qu'est la
loi est confirmée par un raisonnement par l'absurde.
Les conceptions subjectives du bien et du mal sont diverses
et relatives.
Si chaque citoyen n'obéissait qu'aux lois que sa conscience juge justes, on ne parviendrait jamais à
une obéissance unanime aux lois : on aboutirait nécessairement au désordre et à la division de l'État.
REMARQUES ET DIFFICULTÉS
Il conviendra de souligner l'aspect strictement logique du texte, exempt de tout jugement de valeur et de
toute référence à la légitimité « morale » des lois positives.
En effet, ce qui préoccupe Hobbes ici, ce n'est pas la
justice en tant que valeur : tout le texte s'articule autour de la nécessité de l'unité et de la stabilité de l'État.
II
défend donc une position radicale : même si les lois semblent injustes aux yeux de notre conscience morale, elles
sont néanmoins légitimes parce qu'elles émanent de l'autorité souveraine à laquelle on a accepté de se
soumettre.
« Antérieurement » fait référence au pacte social par lequel les hommes renoncent à leur état de
nature et se soumettent à une autorité unique et absolue : le souverain.
Pour Hobbes, le pacte d'association est
en même temps un pacte de soumission.
C'est ce qui l'autorise à parler de « conscience publique ».
Par le pacte
social fondateur de la société civile, chaque citoyen abandonne son droit de se gouverner lui-même au souverain.
Ainsi, la seule conscience qui fasse autorité est désormais celle du souverain.
Lui seul (personne ou assemblée)
peut décider du juste et de l'injuste.
Cette conception de la finalité de l'État est fondée sur une anthropologie.
L'état de nature est un état de «
guerre de tous contre tous » parce que chacun cherche à défendre ses propres intérêts, ce qui entraîne rivalités
et conflits.
L'unité de l'État est donc une nécessité vitale : elle seule peut garantir la paix, la sécurité et la vie
des citoyens.
Pourquoi faut-il alors renoncer à agir en fonction de notre « propre raison » pour garantir la stabilité
de l'État? C'est que, pour Hobbes, la raison consiste essentiellement en une faculté de calculer notre propre
intérêt personnel.
De même, Hobbes ne conçoit pas d'objectivité morale – les « consciences privées »,.
»
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