Gaston Bachelard: L'arithmétique n'est pas plus que la géométrie
Extrait du document
«
Analyse du sujet
— Thèse facile à repérer : la raison n'est pas immuable, elle se plie aux enseignements de la science.
— On peut aisément distinguer la position de Bachelard du rationalisme classique, qui affirme, au contraire, l'existence
d'une raison innée, toujours semblable à elle-même.
Ce texte est, par exemple, clairement anticartésien.
— On peut comparer ce qui est ici énoncé à la formule : « la fonction crée l'organe » — ne serait-ce que pour
développer la question que pose Bachelard : « Que serait une raison sans des occasions de raisonner ? »
Pièges à éviter
— Ne pas commencer par énumérer les conceptions classiques de la raison (Aristote, Descartes, Kant, etc.) que vous
pouvez connaître : il convient d'expliciter en priorité ce qu'affirme cet extrait.
— Inutile de résumer l'épistémologie de Bachelard — ici attaché à un problème précis.
Par contre, on peut emprunter à
d'autres textes (La Philosophie du non, si vous le connaissez) quelques exemples pour illustrer ses affirmations.
Ce
texte est court : n'oubliez pas de nourrir votre commentaire d'exemples qui en développent les idées.
— Ne pas négliger l'expression « pédagogie de la raison », ni le projet qu'elle implique.
Plan
Introduction
I.
La raison n'est pas première
II.
La raison évolue
III.
Vers une pédagogie de la raison Conclusion
[Introduction]
En affirmant que la raison est innée et immuable, de nombreux philosophes classiques conçoivent la connaissance
scientifique comme un des plus beaux exemples de ce qu'elle est capable de produire.
A s'en tenir à une telle
conception, on a cependant des difficultés pour comprendre que ce qui, à un moment de l'histoire, se trouve rejeté au
nom de la raison, puisse ensuite être admis au nom de cette même raison.
Bachelard inverse totalement la perspective,
en faisant de la raison dans ses formes successives le résultat permanent de l'évolution des connaissances.
Il apparaît
alors qu'apprendre à être rationnel ne peut s'effectuer relativement à un modèle défini une fois pour toutes, mais qu'il
s'agit, bien plutôt de s'inspirer de la variété des raisonnements dont fait preuve l'histoire des sciences.
[I.
La raison n'est pas première]
« Avant de savoir compter, affirme Bachelard, je ne savais guère ce qu'était la raison ».
Ce n'est donc pas parce que
j'aurais en moi, initialement, des capacités rationnelles que je pourrais, à partir d'un certain moment, apprendre à
compter ; c'est au contraire en apprenant à compter que j'élabore quelques capacités de ce que sera ensuite ma
raison.
Bachelard prend ainsi franchement le contre-pied de toute la tradition rationaliste, qui considère — notamment dans sa
version cartésienne — que la raison est « innée » dans l'homme et que c'est bien à partir de sa présence qu'il est
possible de développer la connaissance.
S'il s'agit, par exemple, chez Descartes, de mettre au point une méthode, on
sait que c'est uniquement « pour bien conduire sa raison » (qui est donc déjà là, prête à l'usage — ce que Leibniz
admet également) « et trouver la vérité dans les sciences », comme l'affirme le sous-titre du Discours de la méthode.
Pour Bachelard, ici résolument anticartésien, il s'agit, non d'acquérir une méthode, mais bien d'acquérir d'abord une
raison — en « obéissant » aux sciences.
Il considère ainsi que les mathématiques, lorsqu'elles apparaissent, ne viennent pas illustrer ou confirmer les
performances rationnelles : elles les fondent.
Qu'est-ce en effet que compter ? C'est utiliser des nombres abstraits, qui
conservent leur efficacité et leurs propriétés alors même qu'ils ne s'appliquent plus à rien.
Si l'on affirme un écart entre
le calcul et l'arithmétique, c'est précisément pour tenir compte de pratiques initialement empiriques (ce à quoi fait
allusion le « calcul » : petit caillou dont on aligne des exemplaires), qui disparaissent de l'arithmétique, pure « science
des nombres » abstraits.
Ce passage à l'abstraction correspond à une étape de la formation de la raison, mais ne
constitue pas une application de celle-ci.
Plus généralement, la mise au point de la démonstration (en géométrie) nous indique un autre moment capital de cette
constitution de la raison, puisque, dans la démonstration, s'affirme une forme nouvelle de la nécessité, qui devient,
après avoir été physique ou « théologique » (le destin imposé par les dieux), logique, c'est-à-dire interne à l'esprit.
Ce
faisant, c'est ainsi l'esprit qui découvre en lui une nouvelle capacité à formuler des règles qu'il respectera : il s'enrichit
donc bien en faisant de la géométrie, et la géométrie n'est pas la preuve de sa richesse antérieure.
« Que serait, demande Bachelard, une raison sans des occasions de raisonner ? » : comment concevoir que l'esprit
disposerait d'une fonction mentale, ou d'en ensemble de fonctions rationnelles, dont le fonctionnement serait différé ?
Comment de telles capacités se maintiendraient-elles alors qu'elles ne serviraient à rien ? Ne risqueraient-elles pas de
dégénérer, ou même de disparaître, à la façon dont celui qui n'entretient pas sa capacité à lire finit par ne plus savoir
lire ? On doit donc admettre que c'est le fonctionnement mental qui génère la fonction.
[II.
La raison évolue].
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