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Gaston Bachelard et le progrès des sciences

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Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c'est en termes d'obstacles qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique. [...] En fait on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même, fait obstacle à la spiritualisation. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Gaston Bachelard

 

§  Ce texte est extrait du premier chapitre de la Formation de l’esprit scientifique de Bachelard. Il présente une conception originale de la connaissance et des obstacles qui peuvent contrevenir à son objectivité. Là où la plupart des penseurs avant lui ont vu la source des erreurs de l’esprit dans l’extériorité et dans l’interaction entre l’esprit et l’extérieur, Bachelard voit dans ce texte la source d’erreur dans l’esprit lui-même, faisant du problème de la connaissance un problème interne à l’esprit lui-même.

§  C’est tout le problème de la genèse de la connaissance qui est alors mis en question dans ce texte : la connaissance est ce que l’esprit projette, et plus précisément la raison que l’esprit projette sur le réel et non ce que l’esprit reçoit passivement de l’extérieur.

§  Bachelard remet alors en cause l’hypothèse de l’esprit comme table rase, faisant de la connaissance ce qui se nourrit de l’expérience et des erreurs du passé afin de se corriger, mais voit tout de même l’esprit scientifique comme celui qui rajeunit car se délivre des préjugés passés.

§  C’est à une véritable genèse de la connaissance qui est à l’œuvre dans ce texte et qui plus est une genèse de la connaissance scientifique, de l’intérieur de l’esprit du sujet connaissant, ce qui fait de la thèse de Bachelard une thèse toute originale.

§  Comment Bachelard parvient-il à faire dans ce texte la genèse de la connaissance, faisant de la connaissance objective le fait de l’esprit lui-même et faisant naître la vérité de l’intérieur même de l’esprit ?

 

 

Ce texte peut se diviser en trois parties : du début jusqu’à « que nous appellerons des obstacles épistémologiques » ; puis de « la connaissance du réel est comme une lumière.. » jusqu’à « fait obstacle à la spiritualisation » ; enfin de « L’idée de partir de zéro pour fonder et accroître… » jusqu’à la fin.

 

 

 

« PRESENTATION DE "LA FORMATION DE L'ESPRIT SCIENTIFIQUE" DE BACHELARD Gaston Bachelard (1884-1962), de formation scientifique et philosophique, a profondément renouvelé l'approche de l'histoire des sciences.

La révolution introduite en physique par la théorie de la relativité l'a conduit à critiquer la conception linéaire du progrès scientifique : celui-ci suppose au contraire des ruptures épistémologiques (changement de méthode et de concepts), résultant d'une victoire de l'esprit sur ses propres blocages.

C'est précisément autour de la notion d'« obstacle épistémologique » que s'articule La Formation de l'esprit scientifique.

L'auteur entreprend une « psychanalyse de la connaissance objective », pour rendre à la pensée scientifique son pouvoir d'invention. Quelles sont les conditions psychologiques de la formation de l'esprit scientifique ? La question, qui concerne à la fois l'histoire des sciences et la pédagogie, doit être posée en termes d'obstacles : quelles sont les différentes entraves à la constitution de la science et comment l'esprit peut-il les surmonter ? Cela va permettre de distinguer la démarche propre à l'esprit scientifique de celle de l'esprit préscientifique. Bachelard a contribué à donner à l'épistémologie française ses lettres de noblesse, en particulier en déclarant dès les premières pages de « La formation de l'esprit scientifique » (1938) : « C'est en terme d'obstacle qu'il faut poser le problème de la connaissance scientifique.

» Bachelard s ‘est battu contre deux idées fausses portant sur les sciences, répandues dans le public.

D'une part, celle qui veut que le savant arrive pour ainsi dire l'esprit « vierge » devant les phénomènes à étudier, d'autre part celle qui voit le développement des sciences comme une simple accumulation de connaissance, un progrès linéaire. En affirmant cette citation, il souhaite montrer les difficultés inhérentes à l'acte même de connaître.

Les obstacles à une connaissance scientifique ne viennent pas d'abord de la complexité des phénomènes à étudier, mais des préjugés, des habitude de savoir, des héritages non interrogés.

« Quand il se présente à la culture scientifique, l'esprit n'est jamais jeune.

Il est même très vieux, car il a l'âge de ses préjugés.

» La première bataille à livrer pour accéder à la connaissance scientifique est donc une bataille contre soi-même, contre le sens commun auquel le savant adhère spontanément.

C'est une bataille contre l'opinion : « L'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissance.

» Ainsi les travaux de Bachelard peuvent-ils être compris comme une « psychanalyse de la connaissance ». Mais il va plus loin : « En fait on connaît toujours contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit même fait obstacle à la spiritualisation.

» Non seulement nous avons à nous défendre des préjugés communs, mais aussi des connaissances scientifiques antérieures.

Bachelard a su se rendre très attentif aux périodes de crise et de révolution scientifique, celles où l'on passe d'une théorie à une autre, d'un système à un autre, d'une méthode à une autre.

Si « La Formation de l'esprit scientifique » est consacrée aux obstacles premiers et naturels de la connaissance scientifique, « Le Nouvel Esprit Scientifique » s'interroge sur les révolutions scientifiques contemporaines.

La relativité Einsteinienne, la naissance de la mécanique ondulatoire, l'émergence des mathématiques axiomatiques sont le résultats d'efforts pour penser « contre une connaissance antérieure », mais cette dernière prend alors moins l'aspect de nos préjugés naturels que de notre héritage scientifique, qu'il faut reconsidérer et réformer. Or, en prenant un exemple peu Bachelardien, on aimerait illustrer le propos de l'auteur : « Il y a rupture et non pas continuité entre l'observation et l'expérimentation.

» En effet, si la science moderne prend naissance avec l'apparition de l'expérimentation, la croyance en l'observation, en l'expérience première et en ses prétendus faits est l'obstacle premier et majeur à la connaissance rationnelle. L'exemple le plus célèbre et le plus célébré reste le dispositif expérimental par lequel Galiléé, à l'aube du XVII ième, parvint à établir correctement la loi de la chute des corps.

Pour étudier cette chute des corps, Galilée ne se fie pas à l'observation commune, mais construit un dispositif, sélectionne les paramètres décisifs pour la loi qu'il veut établir, et invente le moyen de mesurer leurs variations réciproques.

Il s'agit simplement de faire rouler des boules dans un canal rectiligne creusé dans un plan incliné.

Il suffit ensuite de mesurer le temps de chute de la boule en fonction de la distance parcourue. Un certain nombre de traits remarquables se dégagent de cette expérience.

Tout d'abord Galilée a su comprendre que le mouvement de la boule est une chute, ralentie certes, et identique à la chute des corps.. »

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