FREUD: Représentons-nous la vie psychique du petit enfant
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«
Représentons-nous la vie psychique du petit enfant.
[…] La libido suit la
voie des besoins narcissiques et s’attache aux objets qui assurent leur
satisfaction.
Ainsi la mère, qui satisfait la faim, devient le premier objet
d’amour et certes de plus la première protection contre tous les dangers
indéterminés qui menacent l’enfant dans le monde extérieur ; elle
devient, peut-on dire, la première protection contre l’angoisse.
La mère est bientôt remplacée dans ce rôle par le père plus fort, et ce rôle
reste dévolu au père durant tout le cours de l’enfance.
Cependant la
relation au père est affectée d’une ambivalence particulière.
Le père
constituait lui-même un danger, peut-être en vertu de la relation
primitive à la mère.
Aussi inspire-t-il autant de crainte que de nostalgie et
d’admiration.
Les signes de cette ambivalence marquent profondément
toutes les religions […].
Et quand l’enfant, en grandissant, voit qu’il est
destiné à rester à jamais un enfant, qu’il ne pourra jamais se passer de
protection contre des puissances souveraines et inconnues, alors il prête
à celles-ci les traits de la figure paternelle, il se crée des dieux, dont il a
peur, qu’il cherche à se rendre propices et auxquels il attribue cependant
la tâche de le protéger.
Ainsi la nostalgie qu’a de son père l’enfant
coïncide avec le besoin de protection qu’il éprouve en vertu de la
faiblesse humaine ; la réaction défensive de l’enfant contre son sentiment
de détresse prête à la réaction au sentiment de détresse que l’adulte
éprouve à son tour, et qui engendre la religion, ses traits
caractéristiques.
La religion n’est pas l’objet central de l’investigation Freudienne : l’auteur étend à ce champ du réel les conséquences
de son interprétation des maladies psychiques et du fonctionnement de l’inconscient.
C’est ainsi que la religion se
trouve englobée dans sa théorie du déterminisme psychique.
Freud lui consacre tout de même trois ouvrages, dont deux, « Totem & Tabou » et « Moise & le monothéisme »,
développent une hypothèse, aujourd’hui fort contestée, de la genèse du phénomène religieux : à l’origine de l’humanité,
le meurtre du père par ses fils aurait fait naître chez ceux-ci un sentiment de culpabilité, qui n’aurait trouvé d’issue que
dans le culte voué au père défunt, et divinisé.
Le troisième livre de Freud, « L’avenir d’une illusion », porte, comme son
titre l’indique, un double regard, synchronique et diachronique, sur la nature de la religion, et sur son destin historique.
Freud conçoit la religion comme une illusion, cad comme une croyance fondée sur la réalisation d’un désir (et non sur la
connaissance objective de la réalité).
Elle est une réponse à une situation de détresse : lorsque l’enfant constate que
ses parents, qu’il croyait parfaits, s’avèrent faillibles, son désarroi l’incite à projeter dans l’au-delà les attributs de
toute-puissance et de toute-tendresse qu’il désirait (et donc croyait) les voir assumer jusqu’alors.
La religion a donc
pour effet de reproduire à l’échelle sociale les relations de l’enfant à l’autorité parentale, dans leur double fonction de
protection et de répression.
Plus précisément, Freud assimile la religion à une névrose obsessionnelle, cad à l’expression symbolique d’un conflit
psychique, en l’occurrence à un mécanisme de défense contre l’angoisse par la pratique répétée de rites et de prières.
C’est ainsi que le psychisme gère ses propres tensions internes, nées de la déception, de la culpabilité et de la
souffrance.
La religion permet au croyant de sublimer la figure du père.
La sublimation est un travestissement et un
détournement de pulsions moralement inacceptables (et donc censurées) vers des activités socialement valorisées :
arts, travail, effort intellectuel, religion, etc.
La pulsion orientée vers le père, double désir inconscient de le supprimer
et d’en prolonger la présence protectrice au-delà de l’enfance, n’est ici ni satisfaite ni refoulée, mais se trouve
transfigurée et canalisée dans un cadre que légitime la conscience morale (le surmoi) : le Père divin se substitue au
père humain.
Quant au destin de cette illusion religieuse, il consiste à s’effacer devant les progrès de l’humanité et son accession à
l’âge adulte : l’humanité doit pouvoir surmonter sa détresse infantile et assumer la réalité de sa condition..
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