FREUD: la science a infligé à l'égoïsme naïf de l'humanité deux graves démentis
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" Dans le cours des siècles, la science a infligé à l'égoïsme naïf de
l'humanité deux graves démentis.
La première fois, ce fut lorsqu'elle a
montré que la Terre, loin d'être le centre de l'univers, ne forme qu'une
parcelle insignifiante du système solaire dont nous pouvons à peine nous
représenter la grandeur...
Le second démenti fut infligé à l'humanité par
la recherche biologique, lorsqu'elle a réduit à rien les prétentions de
l'homme à une place privilégiée dans l'ordre de la création, en établissant
sa descendance du règne animal et en montrant l'indestructibilité de sa
nature animale.
Cette dernière révolution s'est accomplie de nos jours, à la suite des
travaux de Ch.
Darwin, de Wallace et de leur prédécesseurs, travaux qui
ont provoqué la résistance la plus acharnée des contemporains.
Un
troisième démenti sera infligé à la mégalomanie humaine par la
recherche psychologique de nos jours, qui se propose de montrer au moi
qu'il n'est seulement pas maître dans sa propre maison, qu'il en est réduit
à se contenter de renseignements rares et fragmentaires sur ce qui se
passe en dehors de sa conscience dans sa vie psychiques." FREUD
Dans ce texte programmatique, Freud présente la psychanalyse comme une
psychologie révolutionnaire qui vient prendre rang dans l'histoire générale des
sciences pour porter à l'égocentrisme et à la mégalomanie de l'homme un
nouveau et dernier coup qui leur sera fatal.
Depuis le xvie siècle, en effet, la science ruine par des théories
successives une conception de l'univers somme toute fort gratifiante et confortable pour l'être humain : le monde
entier est animé d'un mouvement éternel et circulaire autour de la Terre immobile et, sur la Terre, l'ordre entier des
vivants s'achève dans la forme supérieure et parfaite de l'homme.
Les animaux ne sont que des ébauches plus ou
moins réussies de la nature dont l'homme constitue le chef-d'oeuvre.
Cette vision du monde subit une première attaque avec la révolution astronomique du xvie siècle, opérée par Copernic
: la Terre se trouve dépossédée de sa position centrale dans l'univers au profit du Soleil.
Puis, avec l'oeuvre de Charles
Darwin, l'homme perd tout privilège dans le monde animal dont il n'est que l'un des plus tardifs produits.
Ces deux
révolutions mettent sérieusement en cause la place de l'homme dans l'univers et par là même réduisent ses prétentions
à y détenir un statut hégémonique.
Freud va encore pousser plus loin l'entreprise en montrant que, si l'homme n'est
plus au centre du monde, il n'est pas plus au centre de lui-même.
La psychanalyse refuse de considérer la conscience
comme le centre de nos actes.
Elle n'est, selon Freud, que l'une des instances de la vie psychique et apparaît comme
un satellite qui ne saisit de nos actes qu'une connaissance lacunaire, fragmentaire.
Réduire le psychisme à la
conscience, c'est d'emblée se condamner à une connaissance incomplète et même mystifiée et mystificatrice du
psychisme humain.
La psychanalyse apparaît alors bien comme une dépossession du moi qui perd ses prérogatives
traditionnelles : clair à lui-même et maître de ses actes.
Les trois blessures infligées à l'homme
A.
L'illusion du géocentrisme
• Pourtant, au cours de l'histoire, cette supériorité que l'homme s'attribue si volontiers a été mise en question par des
découvertes décisives.
Dans un texte de 1917 intitulé « Une difficulté de la psychanalyse », Freud dit que l'humanité
s'est vue infliger – dans l'image qu'elle avait d'elle-même – trois graves blessures.
La première blessure, antérieure même à la fière proclamation cartésienne du cogito, s'est produite au xvie siècle avec
les travaux de Copernic.
La terre où l'homme, « roi de la création », avait établi son empire n'est plus le centre du
monde : elle est une simple planète qui Chapitre 43 L'anthropologie
tourne autour du soleil ; elle n'est qu'un grain de poussière perdu dans l'immensité cosmique.
L'amour-propre humain
éprouve alors, dit Freud, sa première humiliation, « l'humiliation cosmologique ».
B.
L'homme, cousin du singe
Au xixe siècle, la découverte de Darwin comble le fossé que l'homme avait cru pouvoir creuser entre lui-même et
l'animal.
L'homme, issu des lentes mutations accompagnant la succession des espèces vivantes, n'est plus qu'un «
animal évolué ».
Il y a loin du roi de la création, fait par Dieu à son image, à ce cousin du singe, à cet « arrière-petitneveu de la limace » dont parlait Jean Rostand ! Nos prédécesseurs immédiats, dont l'homme de Neandertal, avec sa
face projetée en avant, ses mâchoires proéminentes et son absence de menton, nous rappellent avec une évidence
irrécusable nos origines animales.
Telle fut, dit Freud, la seconde humiliation du narcissisme humain, « l'humiliation
biologique ».
C.
L'homme est le jouet de maints déterminismes.
»
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