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FREUD et la tendance à l'agression

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Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n'ont guère abouti jusqu'à présent. Elle croit prévenir les excès les plus grossiers de la force brutale en se réservant le droit d'en user elle-même contre les criminels, mais la loi ne peut atteindre les manifestations les plus prudentes et les plus subtiles de l'agressivité humaine. Il est toujours possible d'unir les uns aux autres par les liens de l'amour une plus grande masse d'hommes, à la seule condition qu'il en reste d'autres en dehors d'elle pour recevoir les coups. FREUD

« PRESENTATION DU "MALAISE DANS LA CIVILISATION" DE FREUD Freud (1856-1939) propose ici une réflexion sur la dimension tragique de la condition humaine.

Pour cerner l'origine du « malaise » de l'homme civilisé, il s'appuie sur l'hypothèse, introduite dans Au-delà du principe de plaisir (1920), d'un dualisme fondamental du psychisme humain, divisé entre les pulsions de vie (pulsions sexuelles et d'autoconservation) et les pulsions de mort (pulsions d'autodestruction et d'agressivité).

L'interprétation du développement de la culture comme la transposition, à l'échelle de l'humanité, du combat entre Éros et Thanatos permet à Freud d'en montrer toute l'ambiguïté : la répression du penchant à l'agression et la promotion de l'amour du prochain sont difficilement conciliables avec l'épanouissement individuel car elles restreignent considérablement les possibilités de satisfaction des pulsions.

Cette analyse marquera profondément la pensée du XXe siècle, en inspirant notamment Éros et Civilisation (1955) d'Herbert Marcuse. FREUD : LUTTER CONTRE L'AGRESSIVITÉ NATURELLE Freud oppose aux pulsions de vie (Éros) des pulsions de mort (Thanatos), forces qui expliqueraient les tendances autodestructrices comme les désirs agressifs. La civilisation doit lutter contre cette agressivité innée, mais ne parviendra jamais d la faire disparaître. La culture repose sur du « renoncement pulsionnel » : elle limite par des interdits la satisfaction des pulsions sexuelles pour exploiter leur énergie à ses propres fins.

Le tabou de l'inceste est à son origine, qui s'accompagne ensuite d'autres limitations.

La société occidentale a poussé à l'extrême la restriction de la sexualité, en imposant à tous une seule forme de jouissance (celle issue de l'amour génital, hétérosexuel, légitime, monogame et débouchant sur la procréation) et rejetant les autres comme perverses ou anormales.

L'épanouissement des individus est alors gravement menacé : ceux qui ne supportent pas ces renoncements se réfugient dans la névrose, offrant à leurs pulsions des satisfactions substitutives. « Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts.

Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine.

L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels.

La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique.

De là cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive.

Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n'ont guère abouti jusqu'à présent.

Elle croit prévenir les excès les plus grossiers de la force brutale en se réservant le droit d'en user elle-même contre les criminels, mais la loi ne peut atteindre les manifestations les plus prudentes et les plus subtiles de l'agressivité humaine.

Il est toujours possible d'unir les uns aux autres par les liens de l'amour une plus grande masse d'hommes, à la seule condition qu'il en reste d'autres en dehors d'elle pour recevoir les coups.

» FREUD, Malaise dans la civilisation, p.

65-66 indications pour la compréhension du texte • Définitions Agressivité : « Tendance ou ensemble de tendances qui s'actualisent dans des conduites réelles ou fantasmatiques, celles-ci visant à nuire à autrui, le détruire, le contraindre, l'humilier, etc.

» (Laplanche-Pontalis). Identification : « Processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l'autre et se transforme, totalement ou partiellement, sur le modèle de celui-ci » (id.). Inhibé quant au but : « Qualifie une pulsion qui, sous l'effet d'obstacles externes ou internes, n'atteint pas son mode direct de satisfaction (ou but) et trouve une satisfaction atténuée dans des activités ou des relations qui peuvent être considérées comme des approximations plus ou moins lointaines du but premier » (id.). • Cette hostilité primaire : La pulsion d'agression recouvre les pulsions de mort en tant que tournées vers l'extérieur.

Or les pulsions de mort, avec les pulsions de vie auxquelles elles s'opposent, constituent une catégorie fondamentale, primordiale, de la vie psychique. • La civilisation...

éthique : C'est par l'appel à la morale (religieuse ou laïque) et aux interdits qu'elle impose que la société tente de refouler l'agressivité, de la canaliser (par ex.

dans la compétition) ou de la détourner (par ex.

dans la guerre ou le sacrifice). • Restriction de la vie sexuelle : Selon Freud, « une partie de la pulsion de mort est mise directement au service de la pulsion sexuelle où son rôle est important ».

C'est la raison pour laquelle les pulsions sexuelles ont tendance à être. »

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