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Faut-il se connaître soi-même pour bien agir ?

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« Lorsque l'on s'interroge sur ce que signifie « bien agir », il faut immédiatement distinguer « bien agir » de « l'action bonne ».

L'action bonne se comprend relativement à sa fin, car c'est l'action qui poursuit une fin bonne, et a donc par la même une dimension morale.

« Bien agir » renvoie à une action moins déterminée, car on peut entendre par là ou bien l'action qui poursuit une fin bonne, ou bien l'action qui réalise parfaitement la fin qu'elle vise, qu'elle que soit cette fin.

Ainsi dans la deuxième section des Fondements de la métaphysique des mœurs, Kant distingue entre plusieurs types d'actions en fonction des principes qui les régissent.

Lorsque ce principe est hypothétique, on est dans le cas d'une action qui est un simple moyen visant n'importe quelle fin que l'on se propose d'atteindre (si tu veux ceci, alors fais cela).

Lorsque le principe est catégorique, c'est que la fin visée est nécessaire pour elle-même (c'est le cas du devoir qui commande fais cela).

On comprend donc que la réponse à la question de savoir s'avoir s'il faut se connaître soi-même pour bien agir dépend entièrement du type d'action considéré. I.

Lorsque l'action n'est qu'un moyen pour atteindre une fin qu'elle quelle soit, il n'est pas indispensable de se connaître soi-même pour bien agir Si l'on entend par « bien agir » effectuer une action qui réalise parfaitement la fin qu'elle vise, ce qui devient déterminant est seulement de choisir le bon moyen pour parvenir à ses fins.

Or pour ce faire, il importe avant tout de pouvoir bien évaluer les forces en présence, et de calculer la solution la plus appropriée.

La conséquence est que « bien agir » est totalement disjoint du fait de poursuivre une fin bonne par son action.

C'est ainsi que dans Le prince, Machiavel considère que le politique qui agit bien est celui qui parvient à conquérir et à garder le pouvoir en se donnant tous les moyens dont il a besoin pour y arriver.

Il peut s'il le faut mentir, et user de violence, de moyens qui sont réprouvés par la morale commune (ce que Machiavel appelle les moyens extraordinaires).

Dans cette perspective les qualités qu'il faut pour bien agir sont seulement le courage et la ruse.

Il s'agit donc moins de se connaître soi-même que de connaître les autres, pour pouvoir anticiper sur leurs actions et les manipuler. II.

Mais lorsque l'action vise une fin bonne, il est impossible de bien agir si l'on ne se connaît pas soi-même Si l'on entend par « bien agir », accomplir une action qui vise une fin bonne, la question devient alors de savoir si l'on peut viser une fin bonne sans se connaître soi-même.

Si tel était le cas, ce serait qu'il n'y aurait aucun rapport entre la fin visée et soi-même, c'est-à-dire que cette fin serait totalement extérieure à ce que l'on est.

Mais alors comment pourrait- on fixer cette fin, comment saurait-on qu'elle est bonne, s'il l'on n'avait aucun rapport direct avec elle ? Dans Alcibiade, Platon aborde cette problématique sous un angle politique.

Est-il possible de bien agir politiquement si l'on ignore ce qui est juste et ce qui est injuste ? Non, car cette ignorance engendre la discorde et la guerre.

Or est-il possible de savoir ce que sont le juste et l'injuste en ignorant ce que l'on est soi-même ? Non, car connaître la différence entre le juste et l'injuste suppose de pouvoir distinguer entre ce qui est vraiment essentiel pour l'homme, et ce qui ne l'est pas.

Or cette connaissance suppose de pouvoir distinguer en soi-même ce qui est essentiel et ce qui ne l'est pas, ce qui est proprement se connaître soi-même.

Socrate explique alors à Alcibiade que l'essentiel pour chaque homme, c'est son âme et non son corps, ce dernier étant comme la cithare au bon cithariste, c'est-à-dire quelque chose dont il faut prendre soin pour bien jouer, mais quelque chose de distinct du cithariste lui-même. III.

C'est parfois l'action elle-même qui nous révèle ce que nous sommes Si Platon explique bien en quoi il faut se connaître soi-même pour bien agir, il suppose néanmoins qu'il faut d'abord se connaître soi-même, et que ce n'est qu'ensuite, à partir de cette connaissance, que l'on est en mesure de bien agir.

Dans cette conception la qualité de l'action découle entièrement de la connaissance préalable que l'on a de soi-même, et ne nous apprend rien sur nous mêmes.

Or une caractéristique essentielle de l'action est de nous renseigner sur qui l'on est vraiment, en nous mettant à l'épreuve du réel.

On peut donc se demander dans quelle mesure cette conception platonicienne ne manque pas une dimension essentielle du fait de « bien agir », qui serait justement que l'action, en tant qu'elle est bien menée, nous découvre notre moi le plus profond, dont on ignorait tout avant de la réaliser.

C'est justement ce qu'explique Bergson dans l'Essai sur les données immédiates de la conscience.

L'action, dit-il, ne doit pas être conçue comme ce qu'accomplit un sujet totalement déterminé dans son être avant d'agir.

Dans l'action, le sujet se découvre en agissant.

Dès lors il s'agit moins de se connaître soi-même pour agir que d'agir pour se connaître soi-même. Mais alors qu'est-ce qui distingue « bien agir » et « mal agir » ? Bergson distingue deux moi : le moi superficiel, réglé sur les catégories de la vie quotidienne, catégories essentiellement utiles pour les besoin de la survie, et qui ont irrigué la vie sociale, et d'autre part le moi profond, que Bergson pense en relation avec l'intuition que nous pouvons avoir de l'écoulement de la durée, qui forme la trame fondamentale de notre être.

Dès lors il s'agit moins de se connaître pour bien agir, que de bien agir (en renouant avec ce moi profond) pour se connaître dans son être véritable. Conclusion La réponse au fait de savoir s'il faut se connaître soi-même bien agir dépend de ce que l'on entend par « bien agir ».

Si l'on pense par là à une action purement utilitaire, la réponse est clairement négative.

Si l'on pense à une action dont la fin est bonne, la réponse est plus nuancée et dépend du rapport envisagé entre le sujet et l'action.

Si l'on pense que le sujet précède entièrement l'action et la détermine de par en part, alors il faut se connaître soi-même pour bien agir. Mais si l'on pense que le sujet est autant le produit de son action que ce qui la détermine, on peut inverser la réponse, et dire que « bien agir », c'est ce qui permet de se connaître soi-même.. »

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