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Faut-il se conformer à l'opinion générale ?

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« [Les politiques doivent se plier aux injonctions de l'opinion générale.

Dans la mesure où elle est l'expression de la pensée du plus grand nombre, elle garantit le bon fonctionnement de la démocratie.] Il ne sert à rien de vouloir transformer la société Sénèque conseille vivement à Lucilius de se garder de choquer l'opinion générale en s'habillant de façon excentrique ou bien encore en proclamant que l'on est philosophe.

Il ne faut pas chercher à affronter de face la société dans l'espoir de la changer.

Il faut plutôt changer sa manière de penser.

«A l'intérieur, dissidence totale! A l'extérieur, faisons comme tout le monde!» (Lettres à Lucilius).

De même, Machiavel conseille au Prince de gagner l'amitié du peuple et, quand il le peut, de donner satisfaction à ses désirs. C'est au chapitre neuf du « Prince » (1513) que Machiavel énonce, pour le réfuter, le proverbe : « Qui se fonde sur le peuple se fonde sur la fange », auquel il rétorque : « Je conclurai seulement qu'à un prince il est nécessaire d'avoir l'amitié du peuple.

» Ce chapitre (comme bien d'autres passages du « Prince ») est donc consacré à montrer que tout prince prudent ou vertueux doit s'appuyer sur le peuple. Machiavel fait partie des auteurs dont le nom passe dans la langue commune, et il en subit le sort : l'image du « machiavélisme » correspond mal à la réalité des écrits de Machiavel.

Des tentatives de l'auteur italien, longtemps haut fonctionnaire florentin, pour fonder la politique, la débarrasser de considérations morales qui lui sont étrangères, y substituer une éthique propre, l'imagerie populaire n'a retenu que la caricature du cynisme, de la cruauté et de la soif du pouvoir. Notre auteur avait parfaitement conscience d'écrire sur un ton nouveau et de s'écarter des sentiers battus voire rebattus de la politique.

Il récuse la morale traditionnelle au nom du réalisme et de l'efficacité : « Il m'a paru plus pertinent de me conformer à la vérité effective de la chose qu'aux imaginations qu'on s'en fait [...] En effet, il y a si loin de la façon dont on vit à celle dont on devrait vivre, que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui se devrait faire, apprend plutôt à se détruire qu'à se préserver.

» Cette phrase prétend à la fois viser à l'efficacité et dénoncer les illusions du « devoir être ».

Qui se fie aux discours moraux va à sa perte ; mieux vaut analyser la pratique politique effective, réelle.

Cela est d'autant plus frappant que le « Prince » (1513), est quasiment contemporain de l'oeuvre célèbre de More, « L'utopie » (1516), qui prétend, après avoir critiqué la société de son temps, proposer un « contre-modèle » aussi parfait qu'imaginaire.

Il est piquant de constater que, comme l'oeuvre de Machiavel donnera le terme commun de « machiavélisme », l'oeuvre de More donnera celui « d'utopie », qui est d'abord un nom propre : celui de l'île abritant la société parfaite, l'île de « nulle part ». Le but du « Prince » est d'étudier « comment les monarchies se peuvent gouverner et conserver ».

En fait le propos de Machiavel dépasse très largement ce projet initial : préoccupé par la faiblesse politique de l'Italie de son temps (déchirée en petits Etats rivaux, instables, menacés par les forces étrangères), notre auteur esquisse une théorie de l'action politique efficace visant à assurer la paix et la stabilité des Etats.

La question de la stabilité politique est un thème majeur du « Prince ».

Or une des clefs de la réussite, de la virtuosité du prince, du chef politique, consiste dans la capacité d'acquérir l'amitié du peuple : « Je confluerai seulement qu'à un prince il est nécessaire d'avoir l'amitié du peuple : autrement il n'a, dans l'adversité, point de remède [...] Et que personne ne conteste cette mienne opinion en disant que qui se fonde sur le peuple se fonde sur la fange.

» Pour établir cette conclusion, Machiavel part d'un constat d'une portée universelle, qui concerne toute organisation politique. « Car en toute cité on trouve ces deux humeurs opposées ; et cela vient de ce que le peuple désire de n'être pas commandé ni opprimé par les grands, et que les grands désirent commander et opprimer le peuple ; et de ces deux appétits opposés naît dans les cités un de ces trois effets : ou monarchie, ou liberté, ou licence.

» Ainsi toute cité est traversée par une opposition majeure, on serait tenté de dire une opposition de classes :. »

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