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Faisons-nous l'histoire ? Sommes-nous les acteurs de l'histoire ?

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« Le manuscrit Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien s'ouvre sur la question d'un enfant: "Explique-moi à quoi sert l'histoire? M.

Bloch y répond de la manière suivante: "Un mot, pour tout dire, domine et illumine nos études: comprendre." C'est justement ce que dans une certaine mesure nous allons tenter d'entreprendre. Comprendre non pas ce qu'est l'histoire en tant que telle mais ce que c'est que faire l'histoire.

L'ambiguïté, la tension au travail de cette expression est manifeste.

Faire l'histoire, est-ce rassembler de façon organisée des événements passés et donc être historien ou, est-ce être celui qui produit ces mêmes événements, à moins que ce soit être ces dits-événements? D'où question: Dans quelle mesure la question "faisons-nous l'histoire?" nous amène-t-elle au travers d'une conception épistémologique d'une part puis d'une conception proprement philosophique de l'histoire d'autre part à nous interroger sur la relation dialectique de l'homme à l'histoire? Si l'homme est sujet de l'histoire, l'est-il dans le sens de support nécessaire à l'effectivité de cette dernière ou bien dans celui du pion face à sa reine? Ceci nous poussant à nous poser trois interrogations non moins éclairantes.

L'histoire en tant qu'elle appartient au monde des histoires, donc à l'homme en tant qu'il est détenteur du logos, ne s'en différencie-t-elle pas fondamentalement comme science? En tant que lois, constantes et chaîne de causalité, l'histoire identifiable à ses événements ne risque-t-elle pas de s'auto-engendrer, de se faire indépendamment de l'homme? Puis finalement de quelle manière est-il légitime de poser le paradoxe intenable de l'histoire et comment par conséquent le dissoudre? L'histoire par son étymon commun nous renvoie dans un premier temps au grand monde des petites histoires, des récits dont l'homme a été et est toujours friand.

En effet comme eux, l'histoire peut apparaître comme anecdotique: elle intéresse en racontant, comme le roman.

Son avènement, ses débuts au temps de la Grèce classique en sont les plus fervents témoins.

Qu'en est-il des premiers historiens tels Thucydide ou Hérodote? Hegel dans ses leçons sur la philosophie de l'histoire les range dans la classe de l'histoire originale, compte rendu des événements historiques par ceux qui y ont eux-mêmes pris part.

C'est ainsi par la composition d'un récit que l'histoire soustrait les événements à l'oubli corrélatif de tout individu fini.

"Un tel historien est celui qui, à partir de ce qui est déjà passé et dépassé dans la réalité, dispersé en souvenirs subjectifs et fortuits et conservé seulement dans des réminiscences fugitives, compose un tout et le dépose dans le temple de Mnémosyne pour lui conférer une durée immortelle." (Leçon sur la philosophie de l'histoire p.4) Si, de ce fait, l'essence de cette histoire originale est d'être recomposition, attribution du caractère éternelle inhérent à toute création artistique, elle est avant tout vivante car " l'auteur décrit ce à quoi sa propre action a plus ou moins été mêlée, ou au moins ce qu'il a vécu." Cette dimension est incontestablement ce qui rend cette forme d'histoire vivante.

L'intrication de la vie de l'historien et des événements se fait sans médiation, sans aucune réflexion propre: il les représente de la manière dont il les a ressentis intuitivement si bien qu'on pénètre par le biais des discours de Périclès transcrits par Thucydide au sein même de la conscience individuelle et collective (car les deux ne sont pas entièrement dans une telle civilisation) du peuple athénien d'alors.

Cette représentation intuitive tout à fait enrichissante n'est pas sans nous rappeler le style de romans autobiographiques tels Les Confessions de Rousseau.

De la même manière, c'est par le biais de la serrure des intuitions, des sentiments du jeune Jean Jacques que nous pouvons avoir accès à la grande pièce du XVIIIè siècle, pièce à laquelle nous n'avons plus accès en raison de la perte de la clé "passé". L'histoire semble de ce fait pouvoir être subsumée sous le concept de récit.

En tant que telle, il est indéniable qu'elle ne peut comme celui-ci être produite que par l'homme.

Le récit est une structure qui exige une faculté de représentation et de maîtrise du temps (flash back et anticipation réels) dont seul l'homme est possesseur: l'homme étant un animal doué de langage (zoon logon) comme ne cesse de le rappeler Aristote. Néanmoins est-il légitime d'identifier histoire à roman? Ne se distingue-t-elle pas du roman sur un point essentiel? Paul Veyne dans Comment on écrit l'histoire? insiste sur la notion d'authenticité et de vérité essentielle à l'histoire. Supposons comme lui qu'on nous raconte une émeute en nous précisant que là il s'agit non pas d'une histoire mais de l'histoire (cette émeute est vraiment arrivée!); on la considérera comme étant arrivée à un moment donné, chez un certain peuple que l'on prendra comme référent et qui deviendra pour nous le centre du récit ou du moins son support indispensable.

Jusque là, la différence avec le roman ne semble pas établie.

"Seulement, (nous dit-il) ici, le roman est vrai, ce qui le dispense d'être captivant.

L'histoire de l'émeute peut être ennuyeuse sans en être dévalorisée." Dès lors, l'historien semble se distinguer et du collectionneur, et de l'esthète: la beauté ne l'intéresse (du moins ce n'est pas son souci premier) pas.

" Rien que la vérité." Cette exigence de vérité nous rappelle l'exigence première de l'histoire, l'exigence de scientificité: l'histoire n'est pas un simple récit; elle est aussi et surtout science humaine.

En tant que telle le rôle de l'homme dans sa constitution est primordial.. »

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