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Etude du prologue du Zarathoustra de Nietzche

Publié le 30/03/2024

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« Philosophie générale : Friedrich Nietzsche. « Ainsi parlait Zarathoustra » : étude du prologue. « Le surhumain comme grand pas pour l’homme… » Travail réalisé par Astrid Flamion Professeur : Monsieur Nicolas Monseu Année académique 2020-2021 1 I.

Introduction. Que dire de ma rencontre avec Nietzsche ? Elle aurait dû, je le regrette aujourd’hui, avoir lieu plus tôt mais c’est çà la vie, « mille chemins qui n’ont encore jamais été empruntés, mille santés, mille îles secrètes »1. L’occasion s’était pourtant présentée en 2001 quand, jeune professeure, un collègue me fit don de ce colossal ouvrage « La Naissance de la Tragédie », pensant qu’entre philologues classiques, de surcroît pianistes, des atomes crochus pouvaient exister et que cette brique monumentale pourrait faire mon bonheur.

Mon collègue ignorait une chose : je n’avais ni le génie philologique, ni le génie musical de cet homme.

L’oeuvre fut ainsi lâchement abandonnée après quelques pages, oubliée dans un recoin de ma bibliothèque, reléguée loin des auteurs classiques et mon esprit ne prit pas son envol vers les hauteurs nietzschéennes.

Depuis, il y eut un, puis deux déménagements, et le précieux livre finit par disparaître mystérieusement.

Après maintes enquêtes familiales, nul ne sait à ce jour où il se dissimule. Un second rendez-vous eut lieu en 2018 à la lecture du dernier roman de Franz-Olivier Giesbert2 qui, dans le chapitre « Epicure, l’anti épicurien », fait référence à la fascination de Nietzche pour le philosophe du Jardin.

Tout était pourtant bien disposé pour permettre une deuxième approche mais ce fut un nouvel échec, mes yeux ne s’ouvrirent pas, les mots de l’auteur ne me donnant pas l’élan nécessaire pour apprendre à connaître cette folie littéraire et là, je suis peut-être un peu excusable : « … Nietzsche aurait été atteint de syphilis, d’un herpès géant, de crises de paralysie, de démence vasculaire, d’une dégénérescence lobaire fronto-temporale …il a perdu la raison, à Turin, devant le spectacle d’un cocher en train de fouetter violemment son cheval.

Eclatant en sanglots, il s’est précipité sur l’animal, a embrassé sa joue, enlacé son encolure 1 APZ, I, De la vertu qui prodigue, p.98. 2 « La dernière fois que j’ai rencontré Dieu », Gallimard, 2018. 2 avant de s’effondrer sur la chaussée.

Un choc émotionnel qui l’a fait basculer dans le monde des barjots … »3 Et puis soudain, un nouveau sentier, celui du certificat de philosophie, s’ouvrit à moi et devant mes yeux se présenta un troisième moment favorable, appelons-le καιρος , pour faire un bout de chemin avec Nietzsche.

Le rendez-vous était immanquable et eut lieu en ce début d’année 2021. Je décidai cette fois de faire preuve de volonté et de le croquer à pleines dents, au risque de peutêtre me casser (ou pas) une ou deux dents ! Je vous présente aujourd’hui le fruit de cette rencontre aussi saisissante qu’inattendue. Certes, nous ne nous sommes pas toujours compris, je n’ai sans doute pas saisi tout le génie créateur de ses mots, à la fois simples et pourtant si étranges4 mais j’espère m’être approchée de la profondeur de cette âme d’élite et m’être élevée sans toutefois « m’envoler du terrestre et cogner des ailes contre des murs éternels5 », ajouterait-il sans doute. Aussi nous sommes-nous promis de ne plus nous quitter, de cheminer ensemble à l’avenir et de devenir compagnons de voyage, peut-être même confidents. Bonne lecture et merci à vous, Monsieur Monseu, d’avoir favorisé cette rencontre … 3 ibid.

p.

65. Je fais ici référence à la lettre écrite à Carl von Gersdor n n juin 1883 citée par Céline Denat dans son article « Je me suis fatigué des langues anciennes : de la constitution d’une langue non dualiste » : « Ne te laisse pas tromper à l’allure légendaire de ce livre : derrière les mots étranges et simples, j’ai mis mon plus profond sérieux et ma philosophie tout entière ». 4 cfr APZ I, De la vertu qui prodigue,p.

97 fi 3 ff 5 II.

Considérations générales. II.1.

La place d’ « Ainsi parlait Zarathoustra » dans la vie et l’oeuvre de Nietzsche 1844 : naissance - ls de pasteur. 1858- 1864 : études au collège de Pforta. 1864-1867 : études en philologie classique à Bonn et à Leipzig - découvre l’oeuvre de Schopenhauer. 1869 : maître de conférences à l’Université de Bâle. 1870 : professeur titulaire- in rmier volontaire dans l’armée lors de la première guerre franco-allemande. 1872 : Naissance de la tragédie. 1873 : premier séjour en Italie. 1875 : tombe gravement malade (maux de tête, malaises, paralysie, nausées, …) 1878 : Humain, trop humain - rupture avec Richard Wagner. 1879 : démission de son poste de professeur à l’Université de Bâle.

Voyage en Italie (Venise, Turin, Gênes) et en France (Nice) pour pro ter du climat méditerranéen. 1880 : Le Voyageur et son ombre - Aurore. 1882 : Le Gai Savoir.

Rencontre avec Lou Salomé à Rome. 1883-1885 : AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA. 1886 : Par-delà le bien et le mal. 1887 : La Généalogie de la morale. 1888 : Le Cas Wagner - Le Crépuscule des idoles - L’Antéchrist - Ecce homo 1889 : crise de « folie » à Turin.

Sombre dans un état végétatif. 1900 : mort à Weimar. fi fi fi 4 II.2.

Composition et style littéraire de l’ouvrage. Pour connaître la genèse de cette oeuvre respirant une force créatrice et une pensée intense, aussi géniale que difficile, j’ai jugé bon de me pencher sur « Ecce homo » paru en 1888 où Nietzsche décrit son expérience de l’inspiration : « La notion de révélation, au sens où soudain, avec une sûreté et une nesse indicibles, quelque chose devient visible, audible, qui ébranle et bouleverse au plus profond, cette notion décrit simplement l’état de fait.

On entend, on ne cherche pas ; on prend, on ne demande pas qui donne ; tel un éclair une pensée vous illumine, avec nécessité, sans hésitation dans la forme, jamais le choix ne m’a été laissé … »6 L’inspiration de Nietzsche, c’est d’abord un éclair, une lumière, une révélation quasi divine. Le terme est certes ambigu et sujet à diverses interprétations.

Cette expérience peut se rapprocher de l’enthousiasme poétique tel qu’on le retrouve chez Platon7 mais, ajoute Clément Bertot, « Nietzche fait référence à l’antiquité et ses poètes comme à un modèle satisfaisant pour décrire sa propre expérience d’écriture.

Toutefois, c’est moins le privilège exclusif de l’antiquité qui s’impose ici, que la coexistence avec une terminologie issue du monothéisme ».

Cette interprétation se confirme avec la suite de la description comme « un état de complète extase avec la conscience la plus distincte de mille frissons et frémissements délicats qui vont jusqu’aux orteils »8 6 Nietzsche, Oeuvres, Flammarion, « Ecce homo » p.1269 cfr Platon, Ion, 533 e… Ce n’est pas en e et par art mais par inspiration et suggestion divine que tous les grands poètes épiques composent tous ces beaux poèmes …Les poètes lyriques ne sont pas en possession d’eux-mêmes quand ils composent ces beaux chants que l’on connaît ; mais quand une fois ils sont entrés dans le mouvement de la musique et du rythme, ils sont transportés et possédés comme les bacchantes qui puisent aux euves le lait et le miel, sous l’in uence de la possession… C’est le même délire qui agit dans l’âme des poètes lyriques … » 7 Ecce Homo p.

1269 fi fl ff 5 fl 8 Cette « fulgurance de la vision9 » a pour conséquence directe « une rapidité extraordinaire de la composition de son Zarathoustra ». Le premier moment de la conception fondamentale de l’oeuvre se situe au mois d’août de l’année 1881 : « Ce jour-là, je marchais dans la forêt au bord du lac de Silvaplana ; près d’un puissant bloc dressé comme une pyramide non loin de Surlei, je fis halte.

C’est là que me vint cette pensée…10 » Dans l’intervalle, il écrit le « Gai Savoir, et après « dix-huit mois de grossesse », donne naissance à la première partie composée entre le 1 et le 10 février 1883 « dans la calme baie de Rapallo près de Gênes ».

L’ouvrage s’est littéralement imposé à lui, presque « de force ». « …Ce fut cet hiver-là et ces conditions défavorables qui virent naître mon Zarathoustra. Le matin, je montais vers le sud par la route magni que qui conduit à Zoagli, le long des pins et dominant du regard très loin la mer ; l’après-midi, je faisais le tour de la baie de San Margherita jusqu’à Porto no par derrière…C’est sur ces deux chemins que m’est venue toute la première partie du Zarathoustra, surtout Zarathoustra lui-même comme un type : plus exactement, il m’est tombé dessus 11». La seconde partie sera rédigée comme un éclair en une dizaine jours durant l’été 1883 ( entre le 26 juin et le 6 juillet) à Silsmaria : « L’été revenu, dans le saint lieu où le premier éclair de la pensée de Zarathoustra m’avait illuminé, je trouvai le.... »

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