Est-il toujours possible de faire la différence entre travail et divertissement ?
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«
Introduction
L'opposition entre travail et le loisir, le divertissement, met en mouvement toute notre époque.
S'interroger sur
cette opposition revient à s'interroger sur notre monde moderne.
Le travail, nous le verrons, a subi bien des
mutations au fil du temps, et le mot "travail" a changé d'acception.
Ce n'est qu'en prenant en compte ces mutations
que nous pourrons mettre au jour la vraie nature de l'opposition travail/loisir, qui bien que semblant indépassable,
peut être remise en question ...
1/ Le travail
- L'origine du travail : le mythe de Prométhée
Epiméthée et Prométhée devaient distribuer aux espèces vivantes des caractéristiques (organes, savoir-faire,
capacités) qui leur permettraient de survivre, en équilibre.
A propos des êtres vivants :
"Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de
la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre.
Quand le moment de les
amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des
qualités appropriées."
L'objectif était, dans le mythe, car c'est un mythe, de trouver un état d'équilibre ou toutes les espèces pouvaient
survivre sans qu'aucune ne soit délaissée.
Or, quand Epiméthée arriva à la dernière étape de sa distribution, il avait
oublié l'homme, à qui il n'avait plus rien à donner, ayant déjà tout distribué.
Comment l'homme pouvait-il survivre
dans la nature et ses lois, alors qu'il n'avait reçu aucun outil de survie, tels que des griffes ou des muscles ?
Prométhée devait donc corriger l'erreur d'Epiméthée ("qui réfléchit trop tard") : pour cela il donna (notamment) le
feu aux hommes, après l'avoir volé à Héphaïstos.
Avec le feu, c'est le travail qui est rendu possible, et qui prend vie
dans ce qu'on appelle la technique.
C'est par le travail technique, rendu possible par le feu (penser à la création
d'outils), que l'homme fait sa place parmi les autres animaux.
Dans le Protagoras de Platon, le personnage de Protagoras (célèbre sophiste) fait le
récit du mythe de la situation originelle de l'homme.
Dépourvu de tout, nu et sans
défense, celui-ci est à la merci d'une nature hostile et peu prodigue à son égard.
Chargé
par les dieux de distribuer des qualités spécifiques à chaque animal, Prométhée accepte
de déléguer cette mission à son frère Epiméthée qui, dans son empressement, oublie
l'homme.
Pour éviter que ce dernier ne disparaisse et pour réparer l'étourderie
d'Epiméthée, Prométhée dérobe le feu à Héphaïstos et la connaissance des arts à
Athéna pour en faire présent à l'homme.
Mais les Dieux en sont irrités et punissent
Prométhée pour sa forfaiture.
Les leçons de ce mythe sont très nombreuses.
D'abord, on
peut remarquer que sans les arts et le feu (c'est-à-dire sans la technique), l'homme est
dans un état de dénuement total.
Comparativement aux animaux, il ne dispose en effet
d'aucun "outil naturel" : pas de bec, pas de crocs, pas de fourrure, pas de venin, pas
d'agilité à la course… L'homme est donc contraint, sous peine de disparaître, de pallier la
faiblesse de sa condition par l'usage d'outils et d'artifices divers.
La technique se donne
par conséquent, d'abord, comme une nécessité vitale à laquelle nous devons notre
survie et notre arrachement à la nature ainsi que notre spécificité.
Mais dans le mythe,
il faut rappeler que les dieux punissent Prométhée et ce n'est pas seulement le vol qu'ils sanctionnent parce que
celui-ci s'apparente plus fondamentalement à un viol : Prométhée a donné à l'homme le moyen d'être une sorte de
dieu lui-même, un rival inattendu.
Par le développement des arts et des techniques, l'homme dispose d'un pouvoir
extraordinaire.
Alors, le cadeau est peut-être empoisonné : ce pouvoir, l'homme peut-il le maîtriser ? Ce à quoi il doit
sa survie ne risque-t-il pas de préparer paradoxalement sa disparition ? Si la technique est d'origine divine, elle
procure un grand pouvoir, une immense responsabilité, et elle peut aussi se retourner contre ceux qui ne sont pas
conscients des dangers qu'elle engendre.
- Si l'homme travaille, c'est donc pour compenser un manque.
Ainsi, d'un certain point de vue, le travail peut être dit nécessaire : c'est pas le travail que l'homme, qui manque de
tout, se rend maître de la nature, et s'affranchit de sa faiblesse initiale.
Le travail, c'est le processus par lequel
l'homme transforme son environnement pour obtenir ce que la création ne lui fournit pas.
On peut donc dire du
travail qu'il fait l'homme, que l'homme n'a d'autre choix que de se donner les moyens, par le travail, de survivre.
- Extrait du Protagoras de Platon :
"Cependant Epiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes
les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire.
Dans cet embarras,
Prométhée vient pour examiner le partage; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni
couvertures, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière.
Alors
Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaistos et à Athéna
la connaissance des arts avec le feu; car, sans le feu, la connaissance des arts et était impossible et inutile;"
- Qu'est-ce que le travail ?
Le travail se définit d'abord par la production par l'individu.
La valeur des objets est indexée, à la base, au temps.
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